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Les Caraïbes: prochaine frontière pour l'État islamique?

Au-delà du soleil et des plages, les Caraïbes sont une région à risques qui échappent aux voyageurs. Le terrorisme s'est globalisé, mais il n'a pas encore atteint ces iles paradisiaques. Deviendront-ils la prochaine frontière du terrorisme international ?
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Pour fuir les rigueurs de l'hiver, des milliers de Canadiens visiteront les Caraïbes, une destination de rêve. Au-delà du soleil et des plages, les Caraïbes sont une région à risques inconnus des voyageurs. Le terrorisme s'est globalisé, mais il n'a pas encore atteint ces iles paradisiaques. Deviendront-ils la prochaine frontière du terrorisme international ?

La seule insurrection islamique du monde occidental

Durant l'été de 1990, le charismatique leader musulman Yasin Abu Bakr de l'organisation Jamaat Al Muslim appuyé par une centaine de ses membres prennent possession de l'édifice du parlement de Trinité-et-Tobago à Port d'Espagne. Le premier ministre Arthur Robinson est alors blessé et la majorité de son cabinet pris en otage. Les insurgés s'emparent de plusieurs médias de communication incluant une station de télévision et de radio. L'insurrection entraîna une violence et un pillage généralisé. L'armée écrasa finalement la rébellion après six jours. Il s'agit du seul pays de l'hémisphère occidental ayant connu une insurrection islamique.

Trinité-et-Tobago, terre fertile pour le recrutement de combattants étrangers

Depuis lors, l'organisation Jamaat Al Muslim s'est transformée en une organisation criminelle engagée dans le trafic de narcotique, d'armes, le lavage d'argent, l'extorsion et la corruption. L'islam radical a désormais pris le visage d'ISIS.

Trinité-et-Tobago est devenue une terre fertile pour le recrutement de « combattants étrangers ». En 2015, une vidéo de propagande visant le recrutement de citoyens trinidadiens a été rendue publique. De plus, tel que rapporté dans les journaux locaux et dans la revue The Atlantic le recrutement se fait de bouche à oreille ou par des facilitateurs au sein des communautés musulmanes locales. Le journaliste d'enquête Mark Bassan a même mentionné la possibilité que les personnes recrutées reçoivent une formation sur le maniement des armes avant de quitter le pays.

Plusieurs experts dont l'Amiral américain John Kelly ont établi a environ 150 le nombre de ces combattants étrangers' en provenance de ce pays des Caraïbes qui compte 1,3 million d'habitants. Sur une base per capita, le taux de « combattants étrangers » de Trinité-et-Tobago est le double de celui de la Belgique, lequel est le plus élevé du monde occidental.

Une menace de terrorisme dans les Caraïbes ?

Ce terrorisme « d'origine intérieure » constitue-t-il un danger pour le reste des Caraïbes et de l'Amérique du Nord ? Le département de la Défense américain croit que c'est le cas. En mars 2016, l'Amiral W. Tidd, commandeur de la région du sud des États-Unis déclara devant le Comité sénatorial des Services des Forces armées que « le retour potentiel des extrémistes violents (dans les Caraïbes) est une menace. Ces individus pourraient être bien placés pour répandre l'idéologie empoisonnée d'ISIS et potentiellement inspirer ou exécuter des actes de terreur contre les intérêts des États-Unis ou des pays partenaires. Beaucoup de pays partenaires sont incapables de surveiller le retour potentiel des combattants étrangers et manquent souvent d'une législation contre le terrorisme et de capacités robustes pour faire face à cette menace. » Son collègue l'Amiral Kelly, lors d'un point de presse caractérisa de la façon suivante la faiblesse des agences de sécurité de la région des Caraïbes : « Ma préoccupation en tant que commandant du SOUTHCOM, c'est... Même quelques-uns de ces derniers, vous savez, ces fous peuvent causer beaucoup d'ennuis dans les Caraïbes parce qu'ils n'ont pas de FBI, ils n'ont pas l'application de la loi comme nous le faisons. Ils n'ont pas la TSA [Transportation Security Administration]. Ils n'ont pas vraiment les mêmes pratiques dans les aéroports que nous avons, en ce qui concerne la vérification des allées et venues des gens. »

Les Caraïbes : une région vulnérable

La région des Caraïbes représente environ 235 830 km2 de terre émergée, 13 États insulaires, et 18 territoires au statut politique variable. Certains de ces pays comptent à peine une population de 100 000 habitants.

Les frontières de ces petits pays insulaires sont poreuses, car ils sont incapables d'assurer convenablement la surveillance de vastes littoraux et eaux territoriales. Il ne faut donc pas s'étonner que les Caraïbes soient devenues une des routes les plus actives du trafic transnational de la drogue. La plupart de la drogue qui circule à travers les Caraïbes pénètre par mer via les vaisseaux de marchandises, les navires de pêche, les yachts et les « narco torpédos ».

Ce trafic transnational de la drogue a contribué à accroître celui des armes, des personnes et surtout la violence. Suivant le Bureau des Nations Unies sur la drogue et la criminalité, dix pays de la zone Caraïbes font partie des 30 pays ou le taux d'homicides par 100 000 habitants est le plus élevé.

Le lavage d'argent constitue un des crimes facilitant le financement du terrorisme. En mars dernier, le département d'État américain a rendu public une liste des 14 principaux pays de blanchiment d'argent de la Grande Caraïbe dont 8 sont des États insulaires. Bien plus, La Haute Cour de Trinité-et-Tobago a récemment rendu un jugement, en vertu de la loi Antiterrorisme, classifiant 78 entités et individus comme des terroristes, les empêchant d'accéder à leur argent.

La vulnérabilité des Caraïbes résulte du fait que tous les problèmes de sécurité sont interreliés. La faiblesse des institutions, le trafic de la drogue, des armes et des personnes, le blanchiment d'argent rendent la région susceptible d'infiltration terroriste. Il n'y a pas lieu d'être alarmiste, mais le réalisme s'impose. Il est évident que les pays des Caraïbes sont très sensibles aux menaces d'ordre sécuritaire considérant leurs fragiles économies tributaires du tourisme. C'est une question qui mérite plus d'attention dans le débat public.

Appel à un débat public sur la sécurité dans les Caraïbes

Il est vrai que l'ONU, l'OEA et CARICOM ont encouragé les pays des Caraïbes à adopter des politiques, stratégies et législations contre le terrorisme. Il est vrai que les États-Unis, le Canada, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni collaborent en matière d'intelligence et leurs navires patrouillent la mer des Caraïbes en dehors des eaux territoriales des pays insulaires dans le cadre d'un programme de coopération régionale. Il est vrai que la politique des États-Unis à l'égard de la région considère la région des Caraïbes comme sa « troisième frontière », considérant les menaces à sa propre sécurité.

Néanmoins, les pays de la région n'ont pas les ressources et la capacité pour assurer efficacement la sécurité de leurs territoires souverains. Or plus de 3 millions de Canadiens visitent chaque année cette belle région. Ils en ignorent la vulnérabilité. Il est temps qu'un débat public soit fait sur les risques sécuritaires dans les Caraïbes.

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