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Y a-t-il trop d'étudiants à l'université?

La rentrée est un bon moment pour se poser de grandes questions sur le système universitaire, même si les réponses sont difficiles. Elles suscitent avec raison la controverse. Ce billet pose la question suivante : y a-t-il trop d'étudiants qui fréquentent l'université ? À mon avis, l'évolution de l'institution universitaire, qui a engendré la dépréciation des études de premier cycle, favorise une réponse positive à la question.
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Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

La rentrée est un bon moment pour se poser de grandes questions sur le système universitaire, même si les réponses sont difficiles. Elles suscitent avec raison la controverse. Ce billet pose la question suivante : y a-t-il trop d'étudiants qui fréquentent l'université ? À mon avis, l'évolution de l'institution universitaire, qui a engendré la dépréciation des études de premier cycle, favorise une réponse positive à la question. Quels sont les arguments ?

L'évolution des universités

Les universités québécoises sont soumises aux mêmes forces que l'ensemble des universités nord-américaines. Quelles sont ces forces ? D'abord, nous sommes en présence d'un développement rapide des connaissances. Au début des années soixante-dix, un économiste universitaire pouvait se tenir à jour dans sa discipline en consultant six ou sept revues académiques. Aujourd'hui, c'est ce nombre pour un seul secteur, comme l'économie de la santé ou l'économie publique, en plus des multiples documents d'institutions variées. C'est en effet devenu un monde de spécialisation de plus en plus poussée.

À part quelques institutions aux États-Unis, les universités sont des institutions publiques, comme au Canada, ou des institutions sans but lucratif. Comme elles ne sont pas à la recherche des profits, quels sont les objectifs qui les animent ? Ils peuvent être nombreux comme le montre pour certaines la priorité accordée aux équipes sportives. Toutefois, la recherche du prestige institutionnel avec un budget en croissance remplace celle des profits. Les palmarès internationaux des universités, comme le palmarès de Shanghai, se basent en bonne partie sur les activités de recherche.

Le corps professoral

Le corps professoral répond aux incitations. Le professeur vise la promotion à l'intérieur de son institution et la reconnaissance des membres de sa discipline. Cela se traduit par l'accent sur les activités de recherche qui sont souvent accompagnées de décharges d'enseignement. L'inflation des notes, un phénomène bien documenté, permet d'acheter la paix avec les étudiants.

Une récente étude empirique sur les facteurs expliquant la rémunération relative du corps professoral d'une université publique américaine (University of New Mexico avec 35 000 étudiants) illustre de façon si éloquente le peu de prestige accordé à l'enseignement qu'il vaut la peine d'en reprendre la conclusion malgré sa longueur:

Il est vraiment anormal que l'activité d'enseignement soit pénalisée, même quand tout le reste, y compris la production de publications, est maintenu constant. Pour deux professeurs qui ont des dossiers similaires de recherche, celui qui consacre plus de temps et d'effort à l'enseignement gagnera moins. Une explication possible réside dans l'idée de la maximisation du prestige dans l'enseignement supérieur. Malgré l'inclusion de l'enseignement dans l'énoncé de mission de chaque collège, l'enseignement de premier cycle ne confère aucun prestige. En tant que telles, les institutions d'enseignement supérieur ont tendance à ne pas récompenser, et même, à sanctionner l'effort d'enseignement. Parmi les grands secteurs de l'université étudiée, les membres du corps professoral dans les humanités, même s'ils ne sont pas récompensés, ne sont du moins pas pénalisés pour l'effort dans l'enseignement. On ne peut pas en dire autant des sciences naturelles et sociales. Les professeurs des sciences naturelles en particulier font face à une lourde pénalité de consacrer plus de temps à l'enseignement...

Nos résultats confirment l'inquiétude dans la presse populaire sur l'enseignement supérieur méprisant l'enseignement de premier cycle. Le coût du temps consacré à l'enseignement, surtout quand tout le reste, y compris la présence d'une égale productivité en recherche, suggère que l'enseignement est vraiment un parent pauvre parmi les tâches du corps professoral que sont la recherche, le service et l'enseignement. Il serait difficile pour la communauté de l'enseignement supérieur de faire valoir qu'elle apprécie l'enseignement de premier cycle, lorsque les données de cette étude, qui contrôle tellement, appuient la conclusion générale des écrits que, toutes choses étant égales par ailleurs, les membres du corps professoral font face à une pénalité financière quand ils consacrent davantage d'effort à l'enseignement. (Binder et al. 2012 :41)

Financement et course aux étudiants

À l'exception des collèges et universités privés des États-Unis, les institutions reçoivent directement des gouvernements une part considérable de leurs revenus. Ces subventions sont généralement globales pour conserver l'autonomie décisionnelle des établissements. La répartition des subventions entre ces derniers est basée d'une façon prépondérante sur l'effectif des étudiants en équivalence au temps plein, pondérés par le champ des disciplines et par le niveau de formation. À l'intérieur des institutions, la répartition des ressources et des budgets se fait en grande partie sur la base du nombre des crédits-étudiants.

Ce financement basé sur l'effectif provoque une course au nombre d'étudiants avec la présence de différentes voies pour faciliter l'obtention d'un diplôme. Il s'agit en effet d'attirer une clientèle marginale ou en périphérie qui est moins intéressée et disposée vers l'aspect académique des programmes et une bonne formation. C'est une course à recruter une clientèle moins motivée qui, à son tour, fait sentir son influence sur la qualité des programmes. La formation sérieuse est reportée vers la maîtrise et là encore, il y a une incitation à développer des programmes facilement accessibles.

Dans ce contexte, l'étudiant à temps complet est à temps partiel à l'université et il ne donne pas la priorité à l'acquisition d'une bonne formation.

Conclusion

Quelle est la résultante de toute cette dynamique du monde universitaire ? Les détenteurs d'un baccalauréat ont-ils un emploi approprié à une formation de baccalauréat? Les données du Bureau of Labor Statistics des États-Unis sont révélatrices à ce sujet : en 2010, pour les 41,7 millions de diplômés, « à peine la moitié des diplômés des collèges sont dans des occupations exigeant un baccalauréat ou plus. Environ 37 pour cent, en fait, sont dans des emplois exigeant un diplôme d'études secondaires ou moins, et environ 11 pour cent dans des emplois exigeant normalement une formation postsecondaire, généralement un 'diplôme d'associé' [correspondant à la formation technique du CEGEP].» (Vedder et al. 2013 :12)

L'évolution des établissements universitaires, qui a engendré une dépréciation relative des études de premier cycle, permet de défendre l'idée qu'il y a aujourd'hui trop d'étudiants qui fréquentent ces institutions.

Bibliographie

- Binder, M., J. Chermak, K. Krause et J. Thacher, 2012. "The Teaching Penalty in Higher Education: Evidence from a Public Research University", Economic Letters, 117(1): 39-41.

- Vedder R., C. Denhart et J. Robe, 2013. Why Are Recent College Graduates Underemployed ? University Enrollments and Labor-Market Realities. Washington DC : Center for College Affordability and Productivity.

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