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La présente campagne électorale présente un lot quotidien de promesses. Comme les hommes politiques doivent répondre aux préférences des votants, il est pertinent de se demander si les votants ne présentent pas certains biais dans leurs préférences qui expliquent le contenu des programmes des différents partis.
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La présente campagne électorale présente un lot quotidien de promesses. Comme les hommes politiques doivent répondre aux préférences des votants, il est pertinent de se demander si les votants ne présentent pas certains biais dans leurs préférences qui expliquent le contenu des programmes des différents partis peu orientés vers la retenue et les processus des marchés.

Biais identifiés par Caplan

Bryan Caplan (2007 A: 23-49 et 2007 B: 24-33) identifie quatre familles de croyances ou de biais qui sont généralement partagés par les votants et qui entraînent la détermination d'un cadre hostile à la décentralisation ou au marché et, par conséquent, favorable à la multiplication des interventions gouvernementales. Résumons-les tout en reprenant la page frontispice de la revue qui a reproduit son texte.

Le premier biais concerne la dépréciation du pouvoir des processus de marché. Dans son Histoire de l'analyse économique (1954 (2004: 329)), Schumpeter l'a très bien exprimé :

Comme Adam Smith devait le faire observer,... nous ne devons pas notre pain au bon vouloir du boulanger, mais à son intérêt personnel, vérité banale qu'il est utile de répéter sans cesse, afin de détruire l'indéracinable préjugé selon lequel tout acte accompli en vue du profit est par cela même antisocial.

Le deuxième biais touche à la peur d'établir des relations avec l'étranger, ce qui favorise les diverses mesures protectionnistes qui prennent différentes formes.

Le troisième biais porte sur le recours au nombre de travailleurs comme critère d'évaluation au lieu de la rentabilité ou du surplus engendré par le projet. Le progrès technologique devient alors perçu comme destructeur d'emplois. Ainsi les emplois qualifiés de verts sont maintenant annoncés par les différents gouvernements sans égard à leurs coûts.

Le dernier biais est le pessimisme, une tendance à surestimer la sévérité des problèmes et à sous-estimer la performance de l'économie. Voici un biais favorable à la création de crises pour un système centralisé. La crise peut être réelle ou fictive mais elle a la propriété de faire bouger le système. De son côté, la décentralisation s'identifie à une forme de lâcher prise sur l'économie et la société et ainsi elle exige un certain degré d'optimisme.

Deux facteurs québécois

Deux facteurs renforcent ces biais au Québec : le statut de groupe minoritaire en Amérique du Nord et l'histoire religieuse du Québec. Ils défavorisent le recours à la concurrence qui devient perçue au mieux comme un jeu à somme nulle, le gain de l'un ayant sa contrepartie en la perte d'un autre. La concurrence n'est pas envisagée comme un mécanisme favorable à l'amélioration et à l'accroissement du gâteau collectif.

Divers comportements se rattachent à ces convictions. Par exemple, le statut de minoritaire favorise le recours au langage guerrier : devant l'ennemi, il ne faut pas se diviser, mais être solidaire. Les interventions du gouvernement du Québec faciliteraient ainsi notre identification « en faisant de nous des Québécois ». La concurrence et la flexibilité des institutions sont perçues comme des défauts. La centralisation et la cartellisation seraient vues comme une source de force. On penche vers la fermeture du système au lieu de son ouverture moins rassurante. La mise sur pied d'« institutions nationales » est privilégiée.

La faible fréquentation des lieux de culte ne signifie pas que la tradition religieuse des citoyens a été effacée. Le passé perpétue incessamment son influence. Le monopole catholique chez les francophones a favorisé un biais favorable au corporatisme des groupes d'intérêts et défavorable à la concurrence et à la tradition libérale de la liberté individuelle et d'initiative. Cette religion n'allait tout de même pas se faire le défenseur de la main invisible d'Adam Smith, où la recherche des intérêts égoïstes mène à un résultat global valable. C'est la base des processus décentralisés.

La conclusion de ce texte sur le peu d'intérêt pour la décentralisation et les processus du marché pour l'électeur ne se rapproche-telle pas de l'intuition d'Alexis de Tocqueville qui écrivait dans De la démocratie en Amérique (1835 (2008 :1040)) :

Dans les siècles démocratiques qui vont s'ouvrir, l'indépendance individuelle et les libertés locales seront toujours un produit de l'art. La centralisation sera le gouvernement naturel?

Le partisan de la décentralisation ne devrait-il pas aller se consoler à la plaque ci -jointe de l'ancien édifice des postes non loin du Château Frontenac dédiée au Chien d'Or ?

Je suis un chien qui ronge lo

En le rongeant je prend mon repos

Un tems viendra qui nest pas venu

Que je morderay qui maura mordu*

*Je suis un chien qui ronge l'os.

En le rongeant, je prends mon repos.

Un temps viendra, qui n'est pas venu,

Où je mordrai qui m'aura mordu.

Bibliographie

- Caplan, B. 2007A. The Myth of the Rational Voter: Why Democracies Choose Bad Policies, Princeton: Princeton University Press.

- Caplan, B. 2007B. « The 4 Boneheaded Biases of Stupid Voters (And we're all stupid voters.) « , Reason, 29 (octobre): 24-33. (http://bit.ly/9gfUNv )

- de Tocqueville, A. 2008. De la démocratie en Amérique, Paris: Flammarion, Collection Le monde de la philosophie.

- Schumpeter, J. A. 2004. Histoire de l'analyse économique, vol. 1, Paris : Gallimard.

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