Mais qui veut des Jeux?

Reconnue pour ses paysages colorés et son atmosphère décomplexée, Rio de Janeiro enchante depuis bien longtemps.

Les plages longues et animées de Rio pourraient à elles seules suffirent à en faire l'une des plus belles villes au monde. Une promenade le long de la magnifique Ipanema, jusqu'à la populaire Copacabana, où une partie des compétitions des Jeux olympiques auront lieu, et on s'étonne déjà de la mentalité carioca. Les habitants de Rio sont connus pour être bons vivants, hédonistes, et il est évident que pour eux, le bien-être prime d'abord et avant tout. C'est en grande partie cette ambiance festive et l'allégresse de ses habitants qui la distinguent des autres villes côtoyant la mer.

Et pourtant...

Le monde entier aura bientôt les yeux rivés sur Rio de Janeiro, et moi, j'ai depuis quelques mois les yeux rivés sur ses habitants. Laissez-moi vous dire que l'atmosphère en territoire olympien n'a rien d'un méga party. À l'aube de la plus importante compétition internationale, les Brésiliens, et en particulier les habitants de Rio, n'ont pas du tout le cœur à la fête.

Il règne dans l'ensemble du pays une indifférence remarquable à l'égard des Jeux. Demandez à n'importe quel Brésilien s'il est emballé par l'accueil de Jeux et vous obtiendrez un sourire forcé, si un sourire on vous donne. À Rio, ville hôte, c'est encore pire, on en parle avec ressentiment, parfois avec colère.

Les Jeux olympiques ne sont-ils pas censés allumer chez la population hôte la fierté nationale? Pourquoi pareil manque d'enthousiasme?

»Les habitants de Rio de Janeiro se retrouvent asphyxiés sous les coûts des Jeux olympiques.»

Quand on s'y attarde un instant, on saisit rapidement les difficultés économiques, environnementales et sociales que pose l'accueil des Jeux olympiques pour n'importe quelle population hôte. Et pour un pays qui se relève difficilement d'une crise économique, succédé par plusieurs scandales politiques, les problèmes liés à l'accueil des Jeux devenaient pratiquement inévitables.

Non seulement les Brésiliens sont sceptiques à l'idée que les Jeux auront des retombées économiques suffisantes, mais les récents scandales de corruption leur permettent de croire que l'événement servira de prétexte à une mauvaise gestion des fonds publics.

À tort ou à raison, le gouvernement municipal de la ville de Rio de Janeiro a déclaré tout récemment «l'État de calamité publique» afin de financer les Jeux, rationalisant du coup les services publics essentiels! La ville craint carrément un «effondrement dans la sécurité publique, la santé, l'éducation, la mobilité et la gestion environnementale.» Les habitants de Rio de Janeiro se retrouvent asphyxiés sous les coûts des Jeux olympiques.

Payer ses fonctionnaires? Non. Priorité: les Jeux.

La grogne monte. Accusant un retard de salaire de plusieurs mois, les enseignants ont déjà pris le piquet de grève, les policiers eux, menacent de suivre. Peut-on les blâmer d'enchaîner les manifestations? En s'attardant un instant à l'absurdité de la priorité gouvernementale, on se demande plutôt pourquoi le Brésil ne démontre pas plus d'opposition aux Jeux olympiques.

Quand on ajoute à tout cela la crainte généralisée d'une attaque terroriste, on comprend mieux pourquoi Rio n'a pas la fièvre olympienne, mais plutôt froid dans le dos.

Les médias des différents pays rapportent que les billets pour les compétitions ont peine à se vendre. C'est bien là le comble du ridicule. Les Brésiliens n'ont même pas les moyens d'assister aux Jeux pour lesquels ils paient les frais.

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