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À contre-pied des rétrospectives de l'année...

Tout gérant d'estrade qui se respecte a coutume de livrer sa rétrospective lorsque l'année s'achève. Je ne serai pas en reste. Néanmoins, je prendrai une fois de plus le contre-pied de mon époque.
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Tout gérant d'estrade qui se respecte a coutume de livrer sa rétrospective lorsque l'année s'achève. Je ne serai pas en reste. Néanmoins, je prendrai une fois de plus le contre-pied de mon époque.

J'aurais pu vous parler du décès de David Bowie, par exemple, mais je n'achetais jamais ses disques. Lorsque je joue Ground Control to Major Tom à la guitare, je bloque toujours sur un changement d'accord et suis trop paresseux pour consulter les tablatures sur l'Internet. Quant à Donald Trump, eh bien, je vous avouerai que je ne le connais pas personnellement. J'ai ma petite opinion à ce sujet, mais elle me semble sans importance, surtout dans le contexte d'une rétrospective rédigée à contre-courant.

L'événement culturel de l'année, pour moi, c'est mon ami Phil Good, un soudeur qui s'est mis à la peinture abstraite. Auparavant, il se concentrait sur des assemblages compliqués de pièces de métal soudées ensemble que personne ne pouvait déménager. Il me rappelait dernièrement que ceux qui critiquent l'art en général, dont le sien, ne sont pas foutu de créer quoi que ce soit. Ils se croient investis du bon goût suprême et ne sont même pas capables de dessiner un bonhomme allumette. Cela m'a semblé tellement sensé que je lui confère illico la palme de l'artiste de l'année. Bravo Phil!

Au niveau politique, puisqu'il faut en parler, la manifestation Dehors Couillard! est nettement en tête de lice. Cela s'est passé le dimanche 20 mars 2016 devant le Palais de Justice de Trois-Rivières. J'ai répondu à un appel lancé sur les médias sociaux par de simples et trop honnêtes citoyens. Il n'y avait strictement aucune organisation derrière tout ça. C'était un pur élan du cœur en faveur de la destitution du premier ministre du Québec. Nous étions presque 10 à manifester dans l'indifférence générale. Si c'était à refaire, et ce sera sans doute à refaire, je n'hésiterais pas à recommencer.

J'accorderai aussi une bonne note aux militants anonymes contre la fluoration de l'eau potable à Trois-Rivières. Ils ont fini par gagner leur cause après des années de lutte. Ils auront tout fait pour faire comprendre à leurs concitoyens qu'il n'est pas recommandé d'avaler son dentifrice. Un simple principe de précaution devrait s'appliquer avant que d'imposer à l'ensemble de la population une prescription médicale digne d'un parc à bestiaux. Ces militants ne recevront pas l'Ordre national du Québec ou bien une médaille du gouverneur général du Canada. Tout comme les militants qui ont fait fermer la centrale nucléaire Gentilly 2. Ou bien ceux qui ont fait en sorte que les Québécois puissent bénéficier de l'assurance-maladie.

Puisque je parle de Trois-Rivières, j'ajouterai aussi deux autres événements qui m'ont marqué.

Il y a d'abord cette nouvelle lue dernièrement dans Le Nouvelliste. Le fait divers de l'année selon moi. Il s'agit d'un médecin accusé d'agression armée avec des maracas... Des maracas? Si, des maracas, comme celles qui font tchic-que-tchic. Une arme terrifiante qui méritait une pleine page d'information...

Il y a aussi l'arrestation d'un présumé pédophile qui dirigeait une entreprise d'emballage. On soupçonne ce triste sire d'avoir tué une fillette disparue en 2007. Un procès juste et équitable n'a rien à voir avec la vindicte publique, bien entendu. Par contre, des témoignages accablants s'accumulent. Témoignages qui proviennent surtout de gens qui travaillaient pour l'entreprise d'emballage. On a la vague impression, dans les milieux populaires trifluviens, que les riches peuvent tout se permettre, même de violer et de tuer impunément des petites filles.

Dans le domaine du sport, ma blonde se mérite le titre de l'athlète de l'année. Elle a débuté son entraînement par de la marche rapide au printemps. Puis elle s'est mise à faire du vélo comme une déchaînée. Elle s'est acheté une session de gymnase pour aller faire du jogging. Elle m'impressionne pas mal plus que tous les sportifs célèbres que vous pourriez me nommer. C'est à peine si je les connais quoi qu'il en soit. Je ne regarde jamais le sport à la télé et je ne lis pas cette section dans les journaux.

Au niveau scientifique, je n'ai rien à dire sur les ondes gravitationnelles, Pluton et les cellules souches synthétiques. L'événement scientifique de l'année fut la prise en charge de mon diabète. J'ai cessé de consommer du sucre raffiné et obtiens de bons indices glycémiques en menant une vie active.

Il y aurait aussi un prix spécial à remettre à Maude Champoux. Elle est préposée aux bénéficiaires et gagne à peine 50 cents de plus que le salaire minimum. Cette mère de trois enfants en arrache pour maintenir sa famille à flot. Son mari ne travaille pas et se relève d'une dépression nerveuse. Maude Champoux porte à bout de bras l'humanité malade. Elle n'a pas les moyens de se payer un dentiste et encore moins ceux de tomber sur l'assurance-chômage maladie pour faire soigner son dos, ses jambes, sa gorge, alouette! Alors elle souffre tous les jours en évitant de se plaindre. Elle serait plutôt en faveur d'un syndicat à son travail, mais sait trop bien que ses collègues sont des peureuses et des larbines. Elle se sait donc prise au piège. Et elle espère que tout s'arrangera pour 2017 avant qu'elle ne tombe morte d'épuisement mental et physique.

Évidemment, je ne saurais oublier ma mère dans ma rétrospective. Elle est décédée le 29 août dernier à l'âge de 79 ans. Elle m'a torché. Elle m'a nourri. Elle m'a aimé. Je l'aurai vue souriante et compréhensive comme jamais avant que de nous quitter. Tous les autres événements de l'année me semblent dès lors fades et vains. Les décès de Bowie, Gotlib ou de la princesse Leïa ne m'ont pas affecté dans ma chair et mon âme. Que tout ce beau monde repose en paix. Et comme dirait l'un de mes amis, Ti-Ben, la mort d'une mère est la seule mort que l'on pleure tout seul.

Il y a eu tout plein de naissances autour de moi pour assurer la descendance de ma mère. Nous sommes maintenant 11 personnes sur la Terre à porter les gènes et l'histoire de cette humble couturière qui ne voulait jamais déranger le monde.

Est-ce que le monde se porte mieux? Sera-t-il meilleur l'an prochain?

Ces questions sont d'autant plus vaines qu'on le regarde trop souvent par le petit bout de la lorgnette. On adopte un bréviaire. On se prévaut de l'interpréter avec des doctrines qui n'auront peut-être plus cours demain. Parfois, une simple promenade dans les bois nous fait prendre conscience que tout ce qui s'agite sur les Internettes (sic!) n'est qu'un cirque, une parodie de nouvelles amplifiées par les préjugés sociaux, les rumeurs et les intérêts commerciaux. La vérité est toujours malmenée. Les gardiens de la morale n'ont souvent que la morale de leur portefeuille. Les gens intègres sont d'autant plus rares que tout semble désintégré autour de nous.

Demain sera fait d'un peu d'aujourd'hui. Il n'y a jamais de création à partir du néant. Le passé est la matière brute qui sert à façonner le futur. Je m'attends donc à être encore plus vieux en 2017, plus ridé, moins chevelu et moins invincible. Je m'attends à ce qu'il y ait d'autres morts et d'autres naissances, comme toujours.

La fin du monde? Ce monde peut très bien se passer de nous sans qu'il ait à prendre fin. La Terre a traversé des désastres dont on n'a même pas idée. Elle a survécu à des collisions, à des éruptions volcaniques, à des ères glaciaires, à des radiations cosmiques. Elle cessera un jour d'être la Terre, bien entendu, mais ce n'est pas demain la veille. Demain sera plus près d'aujourd'hui qu'on ne voudrait le croire. Il y aura des journées comme les autres journées ternes de cette année qui s'achève. Des journées où les chefs de pupitre et les rédacteurs en chef pesteront pour publier une nouvelle digne de ce nom. Dont l'histoire saugrenue d'un médecin qui se fait menaçant puisqu'il est armé de maracas...

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