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Les nouveaux inquisiteurs et les crimes de la pensée

Notre époque flirte dangereusement avec les émules de Savonarole et autres brûleurs de sorcières. Elle s'enfonce toujours plus dans la mesquinerie et l'étroitesse d'esprit. Comme si l'on avait remplacé les bigots d'autrefois par des militants bon chic bon genre qui vous diront tout ce qu'il faut savoir sur tout ce qu'il ne faut pas dire...
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«Qu'on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j'y trouverai de quoi le faire pendre.» On attribue cette parole au Cardinal Richelieu. D'aucuns doutent qu'il l'ait prononcée. L'expression apparaît pour la première fois dans les Mémoires pour servir à l'histoire d'Anne d'Autriche de Françoise Bertaud. Selon l'historien David Hackett Fischer, comme il l'indique dans son ouvrage intitulé Champlain's Dream, ce serait une paraphrase de Quintilien.

Quoi qu'il en soit, l'expression décrit bien notre époque d'inquisition. On la trouverait facilement dans la bouche de nos nouveaux gardiens de la morale qui, sous prétexte de servir nos bonnes moeurs, en profitent pour pendre virtuellement tous ceux et celles qui contreviennent à leur sainte doctrine.

La moindre incartade passe aussitôt pour un crime de la pensée. Douter de leur bréviaire de petit militant lobotomisé est impensable et hautement condamnable!

On fait dire n'importe quoi à n'importe qui pour bien moins que six lignes. Un seul mot suffit. Et on ne parle même pas d'un mot ordurier pour le commun des mortels. Un mot que l'on peut interpréter à tort et à travers suffit amplement pour nourrir la machine à distribuer des fatwas. J'oserais même dire qu'un emoticon sur les médias sociaux suffit... Bref, la raison ne s'est jamais portée si mal.

Notre époque flirte dangereusement avec les émules de Savonarole et autres brûleurs de sorcières. Elle s'enfonce toujours plus dans la mesquinerie et l'étroitesse d'esprit. Comme si l'on avait remplacé les bigots d'autrefois par des militants bon chic bon genre qui vous diront tout ce qu'il faut savoir sur tout ce qu'il ne faut pas dire...

On l'a vu suite au passage de Bernard Gauthier à l'émission Tout le monde en parle. Il a osé dire qu'ils parlaient de politique entre hommes tandis que les femmes parlaient de linge lors de leurs barbecues estivaux. Ces propos, somme toute anodins, ont tout de suite été taxés de crime contre la pensée par le tribunal virtuel de l'inquisition. Pour ces bigots modernes, ce travailleur de chantier était devenu rien de moins qu'un machiste, un sexiste et un salaud qui devrait se taire à jamais.

Je l'ai tout de suite ressenti comme si l'on faisait taire feu mon père, mes oncles et mes voisins pour des peccadilles. Comme si le vécu de cet homme méritait purement et simplement d'être nié, foulé aux pieds et annihilé.

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Maximilien Robespierre était surnommé l'Incorruptible. Le brave homme prêchait la vertu en toutes circonstances. Il menait une vie frugale et avait des opinions bien arrêtées sur le bonheur que son ami Saint-Just considérait comme une idée nouvelle en Europe. Ces deux-là ne se gênèrent pas pour envoyer à la guillotine tous ceux et celles qui dérangeaient leur plan d'établir le règne du bonheur et de la raison pour tous.

À la même époque, un certain Donatien Alphonse Ferdinand, récemment libéré de la Bastille, militait au sein de la Section des Piques de Paris. Partisan de la révolution, cet homme fit néanmoins circuler une pétition pour l'abolition de la peine de mort. On connaît mieux ce gaillard sous son titre de noblesse : le Marquis de Sade...

Le Marquis de Sade a écrit toutes sortes de saletés pornographiques et était loin d'être un ange de vertu. Pourtant, il était en faveur de l'abolition de la peine de mort à une époque où Marat hurlait qu'il lui fallait 100 000 têtes coupées pour purger la France.

«En réalité, le satanisme a gagné, Satan s'est fait ingénu. Le mal se connaissant était moins affreux et plus près de la guérison que le mal s'ignorant. G. Sand inférieure à de Sade.» C'est une citation de Charles Baudelaire tirée de ses oeuvres posthumes.

Sous le prétexte fallacieux de servir la vertu, l'amour, le bonheur ou Dieu sait quoi, les anges de vertu tuent sans compter. Ils croient régénérer la société en envoyant à l'abattoir tous ceux qui se butent à la justesse de leurs vues, selon un mode de pensée dénué tout autant de compassion que d'humanité.

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Je m'excuse à l'avance de citer autant de noms propres pour parler d'un truc aussi sale. Il est vrai que je considère la culture comme une arme pour nous défendre contre l'injustice, l'oppression et l'inhumanité. On me reprochera sans doute de nourrir une vision élitiste chez ceux qui ne supportent pas d'être dépeints comme des cannibales ou des coupeurs de têtes.

Je ne crois pas que ce soit le cas.

Aussi je m'empresserai de poursuivre dans la même veine en citant Pascal : «L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.» (Pensées, Livre de poche, 1962, p. 151.)

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Toutes les causes qui peuvent sembler justes a priori courent le risque d'être instrumentalisées par des personnes mesquines pour servir leur soif de pouvoir au sein d'une coterie. Cela tombe tellement sous le sens qu'il me semble presque superflu d'avoir pris le temps de traiter de ce sujet.

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Mai 2017

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