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Le 150e  anniversaire du Canada, l’histoire d’un génocide

Le 150e anniversaire du Canada ne devrait pas prendre la forme d’une célébration, mais plutôt d’un pardon, et un espace à la discussion entre les premières Nations, le gouvernement, et la société civile.
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Comment maintenir une culture vivante et dynamique lorsqu’on bafoue encore les droits indigènes?
Blair Gable / Reuters
Comment maintenir une culture vivante et dynamique lorsqu’on bafoue encore les droits indigènes?

Cette année, le Canada fête son 150e anniversaire, qui commémore la fondation de la Confédération canadienne. À proprement parler, il s'agit de l'unification en 1867 des colonies britanniques du Canada-Uni, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, qui formaient le Dominion canadien.

Tout au long de l'année, une multitude d'activités et de festivals roulent à plein régime à travers le Canada, ce qui attire autant la clientèle canadienne, que les visiteurs de l'international. Le premier juillet dernier à Ottawa, on a assisté à l'apogée de la fête commémorative où plusieurs dizaines de milliers de Canadiens et touristes ont déambulé dans les rues de la capitale, arborant fièrement le t-shirt avec le logo du 150e couronné d'une feuille d'érable. Pour la plupart, il s'agit d'une occasion en or pour souligner la grandeur de notre nation et la fierté d'être Canadien.

Pourtant une question reste à être posée.

Que célébrons-nous au juste à travers le 150e anniversaire?

En 1867, par la loi constitutionnelle, les colonies sous juridiction britannique deviennent dès lors indépendantes et accordent au Parlement fédéral la compétence législative sur les « Indiens et les terres qui leur sont réservées ». Les autochtones deviennent désormais « une question » dans la constitution canadienne, et ces derniers ne jouissent plus du même statut que les citoyens canadiens devant la loi. Cet acte officialise donc l'inégalité constitutionnelle des autochtones et le donnera le feu vert à la colonisation du territoire entraînant le génocide humain et culturel de ce peuple pendant plus d'un siècle.

Pourquoi employer les termes comme « génocide » et « colonisation », qui sont, somme toute, très accusateurs?

Quelques années plus tard, en 1876 est adoptée la « Loi sur les indiens » qui régit tout ce qui concerne les activités au quotidien sur la terre réservée et demeure le principal texte par lequel le gouvernement exerce son pouvoir à l'égard des autochtones. Concrètement, elle reflète l'importance qu'accorde le gouvernement à entretenir un contrôle très étroit sur la gestion des terres et l'administration locale, en plus de poursuivre son objectif ultime, l'assimilation des autochtones du Canada. À titre d'exemple, le texte de loi administre la plupart des aspects de leur vie tels que l'appartenance aux bandes et l'administration de celles-ci, la fiscalité, les terres et les ressources, la gestion de l'argent des autochtones, les testaments et les successions, et enfin l'éducation. Le gouvernement se donne alors le droit de déterminer le sort de millions d'autochtones au quotidien, sans que toutefois ces derniers soient représentés dans les organes décisionnels. C'est ce qu'on appelle en d'autres termes, la colonisation. Les autochtones devaient même demander la permission auprès des autorités locales pour pouvoir se déplacer à l'extérieur des réserves! Ces politiques discriminatoires inaugurées par le premier Premier ministre Sir John McDonald ont laissé des cicatrices dans toutes les dimensions de la vie des communautés autochtones au Canada.

La Commission vérité et réconciliation a publié son rapport en 2015, où elle établissait des liens manifestes entre plus de cent ans d'un génocide culturel et les situations d'extrême vulnérabilité dans lesquelles se retrouvent actuellement les communautés autochtones dans les domaines suivants : le bien-être des enfants, l'éducation, la langue et la culture, la santé et la justice.

À la suite de centaines d'entrevues et au dépouillage de milliers de documents, la Commission a relevé des pratiques de violences symboliques par des figures d'autorités telles : l'interdiction des langues et des habits traditionnels, nécessaires pour assurer l'anéantissement des cultures autochtones. Cette mise en œuvre de violences symboliques est accompagnée de violences physiques comme, par exemple, le délabrement et la vétusté des bâtiments, l'absence de ressources et de formation du personnel, la malnutrition et les déficiences d'hygiène, la mise au travail des enfants, les châtiments corporels et les abus sexuels. Ces conduites avaient indéniablement pour but d'user d'extrême violence envers les communautés. La Commission a finalement conclu que selon les registres, la mortalité des enfants âgés entre 5 et 15 était cinq fois plus élevée dans les pensionnats indiens que dans la population générale du même âge, en raison de la tuberculose, l'influenza, la pneumonie et autres maladies respiratoires – provoquées par la malnutrition, l'insalubrité et une ventilation défaillante.

Que peut-on en conclure à l'heure d'aujourd'hui?

Le génocide culturel des autochtones a été dicté par les autorités fédérales avec le sceau d'approbation de l'Acte de l'Amérique du Nord en 1867, il y a exactement 150 ans. Pourtant, aucune activité ou événement n'a été organisé lors du 150e pour informer et sensibiliser la population sur ce chapitre sombre de notre histoire.

Comment maintenir une culture vivante et dynamique lorsqu'on bafoue encore les droits indigènes?

Un étrange paradoxe reste alors à être expliqué par notre gouvernement. Lors des grandes fêtes nationales, l'art autochtone est à l'honneur pour exposer à toutes et tous, la diversité et la richesse de la culture canadienne. Pourtant, lorsqu'il est question de s'asseoir et négocier droits et dédommagements, les autorités se taisent et fuient le débat. L'un ne vient pas sans l'autre. Comment maintenir une culture vivante et dynamique lorsqu'on bafoue encore les droits indigènes?

Le 150e anniversaire du Canada ne devrait pas prendre la forme d'une célébration, mais plutôt d'un pardon, et un espace à la discussion entre les premières Nations, le gouvernement, et la société civile.

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