Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Justin Trudeau est-il le nouveau visage du fascisme post-factuel?

Notre premier ministre ne devrait pas bénéficier de notre complaisance parce qu'il existe des menteurs plus notoires. Un mensonge reste un mensonge.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

«Lorsque la vérité devient prophétique plutôt que factuelle, la preuve n'a plus aucune importance.»

― Timothy Snyder, On Tyranny: Twenty Lessons from the Twentieth Century

Il y a quelques semaines, l'animateur de télé Bill Maher a invité le professeur d'histoire Timothy Snyder, de l'université Yale. Dans son plus récent livre intitulé On Tyranny, Snyder dresse une liste de 20 leçons à retenir des régimes autoritaires. Avec Donald Trump bien installé à la présidence des États-Unis, voilà qui tombe à point!

Ce que je retiens de cette entrevue est la relation fragile entre la politique et la vérité. Selon Snyder, abandonner la vérité équivaut à attaquer la démocratie de plein fouet: «Sans vérité, il n'y a plus de confiance. Sans confiance, il n'y a plus de règle de droit. Sans la règle de droit, il n'y a plus de démocratie.»

S'il y a une leçon à retenir du 20e siècle, c'est bien celle-là. Or, nos concitoyens ne s'en souviennent plus, et cet oubli comporte une part de danger.

Notre premier ministre ne devrait pas bénéficier de notre complaisance parce qu'il existe des menteurs plus notoires. Un mensonge reste un mensonge.

Snyder a poursuivi en établissant un lien entre les énoncés post-factuels (que nos grands-parents appelaient mensonges) et la montée du fascisme: «Les gens qui adoptent un comportement post-factuel et se moquent de la vérité sont en train de tuer la démocratie. Lorsque nous pensons à la post-vérité, nous devrions penser au fascisme.»

Or, voici le passage qui m'a le plus marqué: «Les fascistes sont ceux qui ont affirmé que la vie quotidienne, les détails et les faits n'avaient aucune importance. Pour eux, seuls comptaient le mythe, le chef et sa vision totalitaire.»

À ma grande surprise, ce n'est pas à Donald Trump que j'ai pensé à ce moment précis, mais à notre premier ministre Justin Trudeau, reconnaissable à ses chemises blanches impeccables et à ses manches retroussées.

Certains partisans libéraux vont peut-être disjoncter en lisant ceci. Il est vrai que les énoncés post-factuels de Trudeau ne peuvent en aucun cas se comparer aux élucubrations trompeuses du président américain, qui se vautre dans les scénarios de fiction élaborés par son stratège Steve Bannon (parfois comparé à la Grande Faucheuse). J'ajouterais que Trudeau n'a pas le même tempérament que Trump et qu'il lui manque la puissance brute et explicite d'une machine de propagande déployée à l'échelle des États-Unis.

Or, c'est exactement ce genre de raisonnement qui rend le fascisme si dangereux.

Lorsque notre attention est accaparée par les cas les plus extrêmes, nous pouvons ignorer inconsciemment les atteintes flagrantes à la démocratie perpétrées par des dirigeants en apparence normaux ou aimables.

Notre premier ministre ne devrait pas bénéficier de notre complaisance parce qu'il existe des menteurs plus notoires dans la fonction publique. Un mensonge reste un mensonge.

Nous devons juger Trudeau à la lumière des coups de poignard qu'il a assénés dans le dos de la démocratie canadienne.

Il ne faut pas comparer Trudeau avec Trump, mais l'évaluer en fonction de nos propres critères de vérité. Nous devons juger Trudeau à la lumière des coups de poignard qu'il a assénés dans le dos de la démocratie canadienne. Je pense entre autres à ses déclarations à l'effet que la réforme électorale n'est plus nécessaire, ainsi qu'à son approbation prématurée des frappes militaires de Trump en Syrie. (Il n'est pas surprenant que cette prise de position ait été accueillie avec un enthousiasme quasi-orgasmique par John Baird, l'ancien homme fort de Stephen Harper, dont le mandat est révolu, mais loin d'être oublié.)

Sur le fond, Trudeau ne se démarque pas vraiment de Trump. Ce dernier croit que les changements climatiques sont une conspiration des Chinois; or Trudeau tient des propos tout aussi post-factuels et vides de sens.

Reprenons nos esprits quelques instants. La politique est une chose sérieuse et ses conséquences sont réelles. Si Justin Trudeau ignore les faits lorsqu'il aborde un enjeu aussi crucial que le caractère anthropique du réchauffement planétaire, il s'agit bel et bien d'un affront et le Canada doit y répondre en conséquence.

Puisque notre empreinte carbone par habitant est l'une des plus élevées au monde, notre premier ministre a un devoir politique et moral d'aborder cet enjeu avec tout le sérieux qui s'impose. Sus aux balivernes, aux tergiversations et aux faits alternatifs!

Exception faite de quelques photos complaisantes, Justin a pris un air empressé et solennel lorsqu'il s'est rendu au siège des Nations Unies afin de signer l'Accord de Paris sur le climat. En compagnie de sa ministre de l'Environnement fraîchement assermentée, il a affirmé que nous prenions cet enjeu au sérieux.

Or, sitôt revenu au Canada, il a affirmé qu'il se ferait un devoir d'acheminer nos ressources naturelles vers les marchés mondiaux, quitte à intensifier l'exploitation des sables bitumineux et construire des pipelines vers la Colombie-Britannique. C'est ce qu'on appelle la politique du pire!

En puisant au plus profond de lui-même et en comptant sur son talent d'ex-professeur d'art dramatique, Justin a formulé ce bobard post-vérité numéro 1: «Nous savons que nous pouvons acheminer nos ressources vers les marchés de manière plus sécuritaire tout en respectant nos objectifs en matière de changements climatiques.»

Une affirmation rapidement suivit par ce bobard post-vérité numéro 2: «Notre décision s'appuie sur un débat rigoureux, sur la science et sur des preuves établies.»

Il va sans dire que ces deux phrases sont totalement contradictoires. Elles ne sont pas différentes d'expressions telles que la quadrature du cercle, l'Immaculée Conception et le bourreau au grand cœur. On dit aussi que tous les cochons sont égaux, quoique certains sont plus égaux que d'autres, mais en ce qui concerne Justin Trudeau, «Le mal c'est le bien» serait la formule tout indiquée.

Les déclarations de Trudeau sont du baratin post-factuel. Le premier ministre nous crie à la figure que les faits n'ont aucune importance; que le mythe, le chef et sa vision totalitaire sont tout ce qui compte.

Les mensonges de Trudeau prennent une dimension inquiétante et leurs conséquences pourraient durer toute une génération.

Alors que les changements climatiques anthropiques menacent nos vies, nos économies et la stabilité internationale - preuves scientifiques à l'appui - il est illogique de fricoter avec l'industrie des carburants fossiles.

Sur le fond, Trudeau ne se démarque pas vraiment de Trump. Ce dernier croit que les changements climatiques sont une conspiration des Chinois; or Trudeau tient des propos tout aussi post-factuels et vides de sens.

Les mensonges de Trudeau prennent une dimension inquiétante et leurs conséquences pourraient durer toute une génération. Le cynisme est contagieux et peut se propager rapidement auprès d'une jeune population à la recherche de dirigeants éclairés. Briser le lien de confiance envers les nouveaux électeurs est à la fois cruel et injuste.

Monsieur Trudeau, il est encore temps de vous éloigner du précipice post-factuel et de dire la vérité.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.