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Radicalisme étudiant: une bénédiction pour Charest

S'il est important d'avoir des amis en politique, il est encore plus fondamental d'avoir un ennemi. La présence de celui-ci permet aux hommes et aux femmes politiques de se définir. Jean Charest ne cèdera pas. Son intérêt est de poursuivre ce combat jusqu'aux élections. Il avait besoin d'incarner une cause et se cherchait un ennemi. Les casseurs et la CLASSE se sont offerts sur un plateau d'argent. Le radicalisme étudiant est une bénédiction pour les libéraux.
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S'il est important d'avoir des amis en politique, il est encore plus fondamental d'avoir un ennemi. La présence de celui-ci permet aux hommes et aux femmes politiques de se définir. Suivant le philosophe allemand Karl Schmidt, l'ennemi constitue l'antithèse de ce qu'un politicien veut incarner. Il est ce que le feu est à l'eau ou le froid au chaud. Il symbolise tout ce qu'un parti et son leader détestent et combattent. Privée de cet antagonisme fondamental, l'action d'un acteur politique perd tout son sens.

Jean Charest a parfaitement compris cette dynamique dans l'actuel conflit avec les étudiants. Avant la grève, son gouvernement allait se présenter devant l'électorat comme une administration usée à la corde par les scandales liés à la corruption. Le niveau d'impopularité des libéraux atteignait des sommets. Ceux-ci n'arrivaient plus à incarner quoi que ce soit de positif aux yeux de la population.

Mais voilà que depuis plusieurs semaines la décision gouvernementale de hausser les frais de scolarité soulève une partie de la population étudiante. Comme les modérés n'ont pas su s'imposer, une minorité d'étudiants radicaux donne le ton au conflit. Ils multiplient les gestes de violence, intimident, cassent et en décousent avec la police. Leur but n'est pas tant de lutter contre la hausse des droits de scolarité que de vivre une expérience révolutionnaire et anarchiste. C'est ce qu'on a vu notamment lorsqu'un groupe a investi un auditorium de l'Université de Montréal, brisant la porte à coup de bélier, vandalisant tout sur son passage, agitant le drapeau rouge des communistes.

Les gestes de cette nature se sont multipliés tellement ces dernières semaines qu'on peine à les compter. Voilà qui est parfait semble se dire Jean Charest. Les sondages démontrent que la majorité de la population appuie son gouvernement sur la hausse des droits de scolarité. Sans compter qu'une immense majorité réprouve la violence des radicaux ou encore l'ambiguïté hypocrite dont fait preuve la CLASSE devant les débordements. Dans ce qui est devenu une crise menaçant l'autorité de l'État, c'est vers leur premier ministre élu que la majorité des Québécois semble se tourner spontanément. Celui-ci incarne la légitimité nationale en étant le premier responsable de l'ordre et de la sécurité de tous devant l'anarchie.

Ce comportement n'est pas unique au Québec. L'histoire est riche de retournements de situations qui méritent d'être rappelés en ce moment. Après les émeutes de mai 68 en France, le président Charles de Gaulle a déclenché des élections législatives. Son parti a alors réussi un balayage électoral qui a littéralement laminé la gauche.

En 1972, la même chose s'est produite lors des élections présidentielles américaines. Après quatre années de révoltes contre-culturelles sur les campus américains et au sein de la gauche radicale, les Américains ont réélu le conservateur Richard Nixon avec une majorité sans précédent.

Le même phénomène s'est répété au milieu des années 80 en Grande-Bretagne. Margaret Thatcher était très impopulaire dans les sondages. Le syndicat des mineurs du charbon a alors décidé de se lancer dans une grève violente à caractère insurrectionnel. Ne faisant ni de une ni de deux, la Dame de Fer a sauté à pieds joints dans la mêlée, ordonnant aux forces de l'ordre de réprimer la révolte. Après plusieurs mois d'un affrontement violent, les mineurs sont rentrés dans le rang. Thatcher a ensuite été réélue triomphalement pour un troisième mandat de suite, du jamais vu en 160 ans.

Sans aller jusqu'à prédire une telle renaissance libérale, qui nous dit aujourd'hui que Jean Charest ne réussira pas le tour de force de se faire réélire en incarnant la loi et l'ordre? Cela est d'autant plus possible que l'opposition souffre de la polarisation de l'opinion. Plus le conflit se durcit, plus les avis sont tranchés. On est plus seulement pour ou contre la grève mais pour ou contre la loi et l'ordre. Faute de vouloir appuyer pleinement le gouvernement, l'opposition est prise entre deux feux. Pauline Marois dénonce la violence mais elle et ses députés portent le carré rouge que plusieurs électeurs associent désormais à l'anarchie. Parions que les électeurs ne comprennent pas très bien sa position.

Même genre d'ambiguïté pour François Legault. Il dit appuyer la hausse mais demande au gouvernement de négocier. Cette posture est difficile à comprendre. Elle est aussi surprenante venant de celui qui promet de faire un grand ménage dans les finances, la fonction publique et les corporatismes en s'attaquant aux vaches sacrées.

Jean Charest ne cèdera pas. Son intérêt est de poursuivre ce combat jusqu'aux élections. Il avait besoin d'incarner une cause et se cherchait un ennemi. Les casseurs et la CLASSE se sont offerts sur un plateau d'argent. Le radicalisme étudiant est une bénédiction pour les libéraux.

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