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Jean Charest est déjà gagnant

Il y a quatre mois à peine, Jean Charest était à la tête d'un gouvernement usé et corrompu et semblait se diriger vers une défaite électorale aussi certaine qu'humiliante. Cette chute de rideau lui réservait une place peu enviable dans l'histoire, à mettre en parallèle avec le régime honni d'Alexandre Taschereau. Sauf que la grève étudiante lui a donné un nouveau souffle qui pourrait désormais le porter au pouvoir pour une 4e fois.
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AFP/Getty Images

Il y a quatre mois à peine, Jean Charest était à la tête d'un gouvernement usé et corrompu et semblait se diriger vers une défaite électorale aussi certaine qu'humiliante. Cette chute de rideau lui réservait une place peu enviable dans l'histoire, à mettre en parallèle avec le régime honni d'Alexandre Taschereau. Sauf que la grève étudiante lui a donné un nouveau souffle qui pourrait désormais le porter au pouvoir pour une 4e fois.

Comme le veut le vieil adage, la sécurité est la mère de tous les biens. Dans l'échelle des besoins, celle-ci arrive avant tout le reste, car elle est la condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée. Sans elle l'activité économique est paralysée, il n'y a aucune justice sociale et l'honnêteté des dirigeants devient une question pratiquement impertinente. Avec la loi spéciale, incarner la loi l'ordre contre l'anarchie des rouges semble être désormais la carte de maîtresse du premier ministre, qui présentera l'élection comme un choix entre son parti ou celui de la chienlit. Malhonnêtement, mais efficacement, il associera péquistes et caquistes aux anarchistes, utilisant le fait que ces deux partis peinent à livrer un message clair sur la grève.

C'est le cas de François Legault d'abord qui se dit partisan de la fermeté, mais qui s'oppose à la loi spéciale du gouvernement. Pourquoi? Il accuse le premier ministre de pelleter le problème à plus tard. Peut-être, mais cette raison semble incongrue pour quelqu'un se réclamant de la loi et l'ordre. Surtout après que le même Legault ait invité la police à libérer manu militari l'accès aux campus.

Même absence de cohérence du côté du Parti québécois. Pauline Marois promet grosso modo de donner satisfaction aux grévistes, porte le carré rouge et dénonce la violence. À chaque occasion elle s'en prend par ailleurs à l'incompétence du gouvernement dans ce dossier.

Le problème vient du fait que sa posture encourage tacitement les protestataires, incluant la minorité violente, à poursuivre leur mouvement. Ceux-ci se délectent visiblement des attaques péquistes contre les libéraux. Leur intérêt est donc de multiplier les gestes d'éclats pour fournir de nouvelles munitions à l'opposition officielle, laquelle les utilise immanquablement pour bombarder un gouvernement présenté comme seul responsable de la situation. En somme Marois nourrit la crise et accuse ensuite les libéraux d'être incapables de la régler. Volontairement ou pas, elle agit ici de manière irresponsable en alimentant elle-même un cercle vicieux.

Pour les péquistes la sortie de crise passe par la négociation, laquelle aurait été boudée par Charest. Mais celui-ci pourra facilement contrer ces accusations en faisant valoir les concessions qu'il a mises sur la table durant la grève. Il rappellera aussi que la hausse des droits de scolarité a été annoncée dans un budget il y a plus d'un an et que les étudiants ont par la suite refusé d'en discuter avec le gouvernement pendant des mois, histoire de mieux lancer par la suite leur contestation dans la rue.

De toute manière la question n'est plus là. Lorsqu'ils critiquent l'inaptitude des libéraux, caquistes et péquistes sont désormais en retard d'une guerre. Ce discours était efficace avant la grève. Quand des vitrines volent en éclat, quand ponts, métro et routes sont paralysés, c'est de loi et d'ordre dont les citoyens souhaitent entendre parler. Et ils ne veulent surtout pas que des groupuscules violents puissent dicter sa conduite au gouvernement élu par la majorité.

On doit se souvenir à cet égard de la campagne municipale de 1970 à Montréal, en pleine crise d'octobre. À l'époque les forces syndicales et progressistes s'étaient regroupées dans un nouveau parti, le FRAP. Or des militants de cette formation politique s'étaient mis à scander des slogans pro-FLQ lors d'une de leurs assemblées. Ne faisant ni de une ni de deux, le maire Jean Drapeau a sauté sur l'occasion pour associer frapistes et felquistes. Résulat : le parti civique a pulvérisé le FRAP, raflant tous les sièges au conseil municipal.

Si un tel triomphe est exclu pour le chef libéral, il pourrait en surprendre plus d'un lors du prochain scrutin, servi qu'il est par l'ineptie de l'opposition, l'acharnement des étudiants et la violence radicale d'une minorité d'anarchistes. Certes rien n'est écrit dans le ciel. De nouveaux retournements de situation sont possibles et le premier ministre peut encore perdre. Mais il présentera alors sa défaite comme une bataille de principe et de conviction, conduite au nom du Québec lucide et du respect de la société de droit, faisant oublier au moins partiellement la corruption et le cynisme qui auront marqué son règne. D'une certaine façon, Jean Charest est déjà gagnant.

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