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Trois paradoxes de la situation au Brésil

Le Brésil fait face à une très importante crise politique dans laquelle les citoyens montrent de plus en plus leur défiance vis-à-vis du système politique. Il faut dire que les développements des affaires en cours donnent de quoi alimenter le mécontentement
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Le Brésil fait face à une très importante crise politique dans laquelle les citoyens montrent de plus en plus leur défiance vis-à-vis du système politique. Il faut dire que les développements des affaires en cours donnent de quoi alimenter le mécontentement, configurant une situation qui est bien sûr envenimée par la dégradation de l'économie. Si l'on comprend bien le mécanisme en cours à l'heure actuelle (de plus en plus de révélations, de plus en plus de coupes de budget qui créent de plus en plus de mécontentement) et s'il est difficile de prédire jusqu'où les choses pourront aller, on peut relever trois paradoxes dans le déroulement des événements.

1.Des révélations... qui n'en sont pas vraiment!

Le scandale de la Petrobras montre que les partis politiques brésiliens se servent des entreprises et des marchés publics pour se financer et que des individus peu scrupuleux en profitent pour s'enrichir considérablement. Or ce type de comportement est parfaitement connu au Brésil, qui a déjà vu de nombreux scandales, en particulier celui du mensalão(système dans lequel le gouvernement du président Lula orientait le vote de certains parlementaires en échange d'argent liquide). On a déjà fait allusion dans ce blog au fait qu'une grande partie de l'intérêt des partis à commander tel ou tel ministère vient de la capacité que cela donne d'orienter la dépense publique vers des entreprises "amies", et un dicton populaire dit que « le Brésil croît pendant la nuit » car c'est le moment durant lequel les hommes politiques cessent de le dévorer.

2.L'arroseuse arrosée

On peut reconnaître à Dilma Roussef une position souvent plus intransigeante sur les questions de corruption au sein de son gouvernement que ses prédécesseurs. Elle a notamment renvoyé plusieurs ministres éclaboussés par des affaires, et il faut reconnaître que c'est grâce au respect de l'indépendance de la police et de la justice fédérales que les affaires actuelles peuvent prendre toute leur ampleur.

3.A la fin, ce sont les méchants qui gagnent!

Le gouvernement de Dilma Roussef est prisonnier depuis le début de son alliance avec le PMDB, un parti qui est sans doute le plus grand bénéficiaire de toutes les affaires de corruption du Brésil puisqu'il a été au pouvoir (via ses alliances) presque sans discontinuer depuis le retour à la démocratie. Ce parti contrôle le Sénat, la Chambre des députés.... et nombre de ses représentants sont aussi impliqués dans les révélations en cours (dont le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha, celui du Sénat, Renan Calheiros, ayant lui aussi de nombreux accrocs à sa biographie). Or le PMDB est sans doute, pour le moment, le grand vainqueur de la confrontation. Face à une présidente affaiblie, il peut jouer les arbitres puisqu'il contrôle le Congrès. Et si la présidente est destituée, c'est le vice-président Temer qui prendra le relai... lui aussi du PMDB. Il a d'ailleurs déjà insinué plusieurs fois qu'il était prêt.

Ces paradoxes montrent toute l'ironie, les espoirs et le désespoir que l'on peut trouver dans le scénario politique actuel du Brésil. Ironie car ce qui se déroule est en grande partie un jeu de masques, les principaux protagonistes sachant parfaitement à quoi s'en tenir les uns sur les autres puisque tous ont recouru aux mêmes ficelles de financement et d'accommodement de leurs alliés et comparses. Les espoirs, car si le chemin est difficile, la justice parvient néanmoins peu à peu à démanteler les schémas en place ou tout au moins à leur rendre la tâche plus complexe, ce qui ne peut que fortifier à terme la démocratie brésilienne, notamment par le fait que les nouvelles lois électorales rendront plus difficiles les réélections de ceux qui auront été pris la main dans le pot de confiture. Mais aussi désespoir car ceux qui ont le pouvoir de réformer le système politique sont ceux qui sont les principaux bénéficiaires des affaires en cours. Peu probable qu'ils veuillent se suicider politiquement en modifiant radicalement les règles du jeu. En attendant, la frustration de la population vis-à-vis de son élite politique croît et pourrait à un moment déraper vers des confrontations de plus en plus violentes.

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