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Le GPS de notre cerveau: un acrobate très versatile

Le système de GPS de notre cerveau a évolué depuis des millions d'années pour réaliser de nombreuses tâches comme s'orienter pour retrouver notre chemin ou guider nos gestes dans notre environnement immédiat.
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Je vais où maintenant? Où est la sortie? Tourne à gauche, l'autre gauche! De la petite hésitation sur la direction à prendre, au sentiment inquiétant de ne plus savoir où on est, on a tous eu l'occasion de remarquer que notre GPS personnel n'est pas infaillible. Mais la plupart du temps il accomplit des petits miracles.

Le système de GPS de notre cerveau a évolué depuis des millions d'années pour réaliser de nombreuses tâches comme s'orienter pour retrouver notre chemin ou guider nos gestes dans notre environnement immédiat.

À chaque instant, notre cerveau construit et met à jour des cartes mentales qui contiennent des informations spatiales sur des lieux explorés préalablement ou sur l'espace qui nous entoure en ce moment. Nos cartes mentales contiennent des repères (édifices, objets, intersections, cours d'eau...) qui servent d'ancrages pour situer les autres lieux. Elles contiennent aussi des axes (ex : droite vs gauche de notre corps, est vs ouest géographique) et des relations spatiales entre les lieux (ex: X est à 400 m au nord-est de Y, A est sur le chemin de B). Les informations spatiales s'apprennent surtout par l'exploration et le visionnement de plans, mais notre GPS nous permet de manipuler nos cartes (rotations, changements d'échelles, simulation) et de les relier les unes aux autres. Les cartes mentales les plus efficaces permettent de localiser les lieux les uns par rapport aux autres même quand on change de position de départ, donc d'être moins facilement désorienté.

Les cartes mentales sont construites à l'aide de nos sens (vision, sensations corporelles) et de nos mouvements (déplacements, mouvements des yeux ou des membres). Parce qu'on fait en moyenne plus de 100 000 mouvements des yeux (saccades) par jour, l'image qui provient de nos yeux est très instable. L'image de la rétine est donc constamment stabilisée, corrigée et reconstruite par notre cerveau à l'aide de signaux sensoriels comme la position des yeux ou de la tête. Un peu comme les logiciels de stabilisation des caméras videos, mais en mieux car les cartes mentales peuvent en plus se rappeler des lieux, des objets qu'ils contiennent et des distances. C'est grâce à ces corrections des cartes mentales que l'espace devant nous bouge à peine quand on bouge nos yeux et qu'on peut distinguer les directions en référence à notre corps (droite-gauche). Mais la stabilisation a ses limites. Quand les signaux qui forgent nos cartes mentales sont affectés (ex: par l'alcool, un tour de manège, ou une séance de tapis roulant), on est désorienté parce que nos cartes mentales nous font croire que notre univers est déformé ou que le sol bouge.

Certaines personnes ont des difficultés avec les notions spatiales. Une des plus fréquentes est de confondre la droite et la gauche ou confondre les points cardinaux. Si une personne doit pointer dans une direction plutôt que de la nommer, c'est un signe que les directions ne sont pas complètement automatisées. D'autres ont des difficultés à s'orienter dans un nouveau quartier même après plusieurs mois d'exploration. Par fierté, certains hommes peuvent hésiter à demander de l'aide pour se retrouver, mais les difficultés à s'orienter se retrouvent plus souvent chez les femmes. Certains attribuent ces différences à l'évolution, aux rôles masculins ancestraux comme celui de chasseur, glaneur ou combattant. La facilité à apprendre des informations spatiales pourrait aussi avoir été développée parce qu'elle représentait un avantage dans la sélection de partenaires sexuels chez les mammifères.

Hommes ou femmes, certains ont moins de facilité que d'autres à développer des cartes mentales efficaces. Comme les circuits de la lecture qui se développent de façon sous optimale chez les dyslexiques, les circuits du GPS cérébral peuvent se développer de façon plus ou moins optimale durant l'enfance. L'expérience d'exploration joue aussi un rôle. Si on voyage presque toujours en métro dans une ville, on peut développer des cartes des lieux avoisinant les stations de métro fréquentées, mais ne pas développer de carte des relations spatiales entre des quartiers adjacents.

Les personnes qui ont la maladie d'Alzheimer ont souvent des difficultés à développer une familiarité pour un nouveau quartier et elles peuvent même se perdre dans un quartier familier. On peut aussi perdre des capacités d'orientation spatiale après un choc à la tête ou un autre dommage au cerveau. Ces personnes ont perdu des informations clés de leurs cartes mentales comme les relations spatiales, les axes ou les repères et comme les circuits du GPS sont endommagés, apprendre de nouvelles cartes est aussi très difficile. Ces pertes d'orientation favorisent l'anxiété et la confusion parce que la personne se sent vulnérable et dépendante et l'anxiété augmente encore plus les difficultés d'orientation. On aide ces personnes en les accompagnant, en ralentissant et en expliquant où l'on va d'un ton rassurant.

Les cartes mentales ne servent pas qu'à s'orienter dans de grands espaces pour se déplacer. Notre cerveau a aussi des cartes qui servent à interagir avec les objets qui nous entourent: les localiser, les attraper, les manipuler ou les lancer. Transformer des coordonnées dans nos cartes mentales en commandes de mouvement est un art, mais notre cerveau est un véritable acrobate. Avec l'expérience, les bébés développent des associations très précises entre leurs mouvements et les déplacements de leurs membres, entre leurs mouvements oculaires et les positions des objets les uns par rapport aux autres. Ces associations peuvent nous rendre précis comme un bijoutier ou virtuose comme un musicien. Mais pour certains bien maitriser ces associations est difficile. Certaines personnes (en majorité des garçons) sont nées maladroites (dyspraxiques). Elles visent à côté de la cible, elles font souvent des dégâts ou elles se cognent en se déplaçant. Certains ont des difficultés à coordonner leurs mouvements avec leur vision (ex: insérer une clé dans une serrure).

Les cartes mentales permettent aussi de déplacer notre attention d'un endroit à un autre de façon flexible pour se concentrer sur un lieu (ex: la porte dont on s'approche) ou pour rester à l'affut des évènements importants dans les autres portions de notre champ visuel (ex: les personnes sur notre route). Les personnes qui ont des cartes mentales endommagées peuvent parfois ignorer un côté complet de leur champ d'attention (négligence spatiale) ou encore ignorer tout ce qui n'est pas au centre de leur champ visuel (attention en tunnel ou simultagnosie).

En plus de toutes ses fonctionnalités, le GPS du cerveau a aussi facilité le développement d'autres fonctions du cerveau. Notre capacité de construire des cartes mentales et de manipuler leur contenu a probablement contribué au développement de nos capacités de calculer (ex: grandeurs numériques associées aux distances). Les cartes mentales du cerveau ont aussi probablement contribué au développement de nos capacités de raisonnement et de résolution de problèmes en fournissant le tableau noir ou l'écran mental permettant la simulation de déplacements et de scénarios.

Notre GPS cérébral est bien plus qu'une série de souvenirs visuels issus de nos déplacements quotidiens. C'est une machine qui intègre plusieurs de nos sens, qui prédit les effets de nos déplacements, qui peut changer de point de vue et de priorités et qui peut résoudre des problèmes complexes.

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