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Quand notre cerveau a besoin de fierté

Grâce à ses propriétés euphorisantes, la fierté inhibe l'anxiété, réduit nos doutes sur nos capacités, nous fait anticiper des succès et nous donne de l'assurance. Grâce à elle, on se sent plus volontaire et on formule des plans plus ambitieux.
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Un enfant qui s'affirme haut et fort pour revendiquer sa place. Un employé qui montre des signes de burn-out parce qu'il n'est ni reconnu ni écouté. Une personne fragile qui se sent insultée au moindre commentaire. La fierté n'est pas un défaut mais un besoin essentiel.

Chez l'enfant, on a tendance à favoriser la fierté et la confiance en soi pour s'assurer qu'il prenne sa place et qu'il affronte les défis qui l'attendent. Mais chez l'adulte, on est plus ambivalent par rapport à la fierté. Même si on est très préoccupé par notre propre statut, les excès de fierté des autres sont mal vus et on peut facilement négliger ou porter atteinte à la fierté de ceux qui nous entourent par manque de respect, d'égards ou de reconnaissance. On oublie trop facilement que la fierté est utile.

Les systèmes motivationnels de notre cerveau, comme la faim, la peur et la libido, ont évolué pour augmenter nos chances de survivre et de nous reproduire. Le besoin de fierté est aussi fondamental. C'est un instinct de compétition sociale qui sert à prendre et maintenir sa place dans une hiérarchie ou un réseau et à obtenir sa part des ressources. Chez le primate, le statut social prédit l'accès à la nourriture et aux partenaires sexuels. L'instinct de compétition sociale est aussi impliqué dans la territorialité et dans l'agressivité calculée, y compris la manipulation, la mesquinerie, l'intimidation et les luttes de pouvoir. Machiavel a souligné dès 1513 l'utilité de talents comme la tromperie, la formation d'alliances et la manipulation pour le succès politique. Mais les chimpanzés ont aussi développé plusieurs de ces talents pour assurer leur succès reproducteur (De Waal, 1982).

Chez l'humain, le besoin de fierté se traduit d'abord par le besoin de respect, de reconnaissance et de statut social. La compétition sociale donne lieu à de nombreuses émotions dont l'envie ou le respect du pouvoir, mais aussi la sensibilité aux affronts et aux manques de respect de la part des autres. La fierté est utile. Elle est une source importante de confiance en soi et d'ambition. Grâce à ses propriétés euphorisantes, elle inhibe l'anxiété, réduit nos doutes sur nos capacités, nous fait anticiper des succès et nous donne de l'assurance. Grâce à elle, on se sent plus volontaire et on formule des plans plus ambitieux où l'envie de conquête domine sur la peur de l'échec.

La fierté freine aussi l'irritabilité. Le manque de fierté rend souvent susceptible. Les commentaires sont perçus comme des insultes blessantes, les jeux de compétition normaux sont vus comme des attaques personnelles. Pour plusieurs, plus le système de fierté est plombé, plus le système de grogne ou d'irritation est amplifié. Un grognon frustré est souvent une personne en manque de fierté et plusieurs ont suggéré qu'une bonne façon de réduire l'irritabilité est l'augmentation des succès et de la reconnaissance.

Les pertes de fierté (pertes de capacité, humiliation, rejet social, soumission prolongée) sont des stresseurs importants. Ils peuvent en outre favoriser l'anxiété, la dépression et la violence. Quand notre fierté tombe en panne, tout notre fonctionnement en souffre. Dans la dépression ou le stress post-traumatique, notre assurance et notre confiance en soi est ébranlée. On est envahi par un sentiment d'impuissance, on devient hypersensible au moindre signe de difficulté et notre cerveau nous fait croire qu'on ne vaut rien. Cette évaluation faussée nous rend anxieux et elle favorise les erreurs ce qui confirme notre auto-évaluation négative. C'est l'extrême opposé de «Yes we can!». On perd notre ambition et notre combativité. En plus, cette perte d'assurance nous rend plus vulnérable au manque de respect, à l'intimidation et à l'abus.

Chez l'enfant, la confiance en soi se développe naturellement, renforcée par la découverte de ses capacités, par les succès et les encouragements. Mais prendre sa place est aussi une question d'affirmation et le niveau de compétition dans les cours de récréation rivalise parfois avec les milieux de travail les plus compétitifs. Plusieurs enfants montrent des comportements d'opposition (argumenter excessivement, défier l'autorité...) qui reflètent en partie un besoin de pouvoir. L'irritabilité de l'enfant peut aussi refléter un manque de fierté et être un signe précurseur de dépression.

Chez la femme, le système de fierté est influencé par les œstrogènes qui fluctuent à de nombreuses périodes (périodes prémenstruelles, grossesses, pré-ménopause). Ces fluctuations peuvent augmenter la sensibilité aux critiques ou au rejet ou favoriser la dépression.

Les hommes (en particulier les jeunes) ont parfois un système de fierté plutôt sensible qui se gonfle rapidement avec les succès, la reconnaissance et les flatteries, mais qui est aussi sujet au dégonflement rapide quand leurs attentes sont déçues, qu'ils perdent leurs statuts (responsabilités, rôle de soutien de famille ...) ou autres sources de fierté. Chez le mâle, les circuits cérébraux de la fierté sont liés à la testostérone, car les succès dans les conflits sociaux augmentent le niveau de testostérone tandis que les échecs le diminuent.

Le statut, on y prend goût et il devient même rapidement une nécessité. Les propriétés euphorisantes de la fierté peuvent parfois créer une dépendance et un excès de fierté peut s'installer qui peut nous rendre myope, prétentieux ou arrogant. La surévaluation de nos capacités, de notre influence ou de notre leadership peut nous exposer à des revers coûteux. L'orgueil peut nous faire négliger les signes de danger et quand surviennent l'échec ou la rebuffade, la perte de fierté soudaine peut être une cause de détresse majeure. Le narcissisme et le délire de grandeur sont des exemples pathologiques d'une fierté excessive. Dans certains cas, l'aveuglement rend la personne imperméable aux réactions et au changement, ce qui peut mettre en danger notre entourage et nos projets. La fierté montre aussi des excès dans la violence déclenchée par les atteintes à l'orgueil pour sauver la face (jalousie, vengeance, humiliation, représailles ...).

La fierté est une composante essentielle de la condition humaine et ses fluctuations ont des répercussions majeures. Même si ses excès sont parfois ridicules, elle mérite d'être prise au sérieux. La reconnaissance, les compliments et le partage des pouvoirs ne coûtent presque rien et, en cultivant la fierté, ils fournissent un service presque aussi essentiel pour la santé mentale que la nourriture.

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