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Humanisme et rectitude politique: réponse à Jean-François Nadeau

Le débat sur la laïcité civique et la recherche républicaine de la gestion des affaires publiques est autre que la quête d'un « d'idéal identitaire ». Une société peut et doit débattre des valeurs qui la sous-tendent. Et plus elle s'y donne avec intensité et diversité, plus cette société est vivante.
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En réaction à la chronique de Jean-François Nadeau, L'anti-humanisme

publiée dans Le Devoir, le 6 février dernier.

« Durant des générations, une Église qui se substituait à l'État s'était employée à magnifier l'histoire selon des vues qui soutenaient avant tout l'idée de sa permanence [...] Cette histoire triomphaliste, hyperbolique, élevée à l'autel de la nation au nom d'une épopée missionnaire en Amérique, se justifiait toujours par un attachement obsessionnel à des « valeurs traditionnelles »[...] Plusieurs de nos nationalistes qui se revendiquent aujourd'hui d'un idéal « identitaire » sont en quelque sorte les héritiers de pareilles visées messianistes à peine amendées. Les ardents défenseurs de la perspective identitaire, si à la mode dans le discours public québécois, se posent en héritiers de cet idéal missionnaire auquel les illusions d'une grandeur figée suffisaient. » (Jean-François Nadeau)

Tout peuple entretient des mythes fondateurs. Qu'ils soient « fondés » ou pas, réalistes ou non. Confiner ceux du peuple québécois aux fantasmagories araires des curetons du début du 20e siècle est trompeur. Louis-Joseph Papineau et ses patriotes ou René Lévesque et le Parti Québécois de 1976 sont des sources autrement plus vibrantes d'une mythologie québécoise actuelle que les exhortations du chanoine Groulx.

Le recours de Jean-François Nadeau aux affabulations raciales de l'Église après la conquête et la chute du pouvoir civil français n'est en rien innocent : il s'agit de faire l'impasse sur les fondations réelles de la scène politique québécoise et conséquemment, sur la valeur et la force des réflexions et des courants qui l'animent aujourd'hui.

Qualifier un débat public de manifestation haineuse exige une démonstration à toute épreuve. Alors, pour donner une couleur de vraisemblance à ses élucubrations, Nadeau peint une fresque guerrière où foisonnent les termes et les références religieuses, « autel de la nation, épopée missionnaire, visées messianistes, monde apocalyptique ».

L'abus de ce vocabulaire poussiéreux aux relents de soutanes prosélytes cherche à donner l'illusion d'une déclaration de guerre « civilisationnelle » (sic) professée par l'État ou la société québécoise. Une allégation loufoque évidemment, dénuée de fondement, à l'image de la dénonciation d'un « langage emprunté à la droite européenne ».

Et que dire d'une assertion aussi farfelue que le «principe circulaire d'obéissance aveugle et craintive envers tout ce qui s'écarte d'un schéma préfabriqué » ? Un curieux cocktail de Chomsky mal digéré et de génuflexions d'une autre époque !

Une société peut et doit débattre des valeurs qui la sous-tendent.

Le débat sur la laïcité civique et la recherche républicaine de la gestion des affaires publiques est autre que la quête d'un « d'idéal identitaire ». Une société peut et doit débattre des valeurs qui la sous-tendent. Et plus elle s'y donne avec intensité et diversité, plus cette société est vivante.

Il est malhonnête de confondre l'islamophobie de certains à un courant qui traverserait ou dominerait la scène politique québécoise. Ce dont ne se prive la gauche dite « inclusive ».

Ainsi la société québécoise que décrit Nadeau n'existe pas. Le discours politique qu'il entend châtier ne tient qu'au miroir de son hyperbole obscurantiste.

Plus exactement, son texte nous confronte au nihilisme démissionnaire d'une certaine gauche. Un nihilisme bon chic bon genre qui n'a de cesse de nier la force et la vitalité de la scène symbolique et politique de nos sociétés de démocratie.

Un nihilisme qu'insupporte le mot ou le concept de « valeur » occidentale, historique et culturelle, une notion qui hérisse les intellos de la faction « rectitude » alors qu'elle est comprise, acceptée et entérinée par la majorité de nos concitoyens.

Mais qu'est-ce donc qu'une « valeur » ? C'est un crédo que partage un nombre suffisant de citoyens pour qu'il s'élève en institution. Ainsi, l'institution « la démocratie » repose tout entière sur une croyance simple, mais partagée par beaucoup : « tous les hommes sont égaux ».

Jean-François Nadeau oppose au libre débat de la société québécoise la notion d'humanisme. Une notion affreusement absente de notre univers politique selon lui.

Mais l'usage systématique de cette notion par la négativité trahit son absence d'ancrage effectif, politique et historique dans la pensée de l'auteur.

Et malheureusement, le bâillon de rectitude de cet humanisme désincarné, cette pensée molle caractéristique de la gauche démissionnaire sert objectivement la montée des nationalismes autoritaires des Trump ou Le Pen.

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Mai 2017

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