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Silence, ça coule au SPVM!

Aie ! Ça va mal à shop! Le SPVM ressemble moins à un service de police qu'à un réseau de délation. Quelle est donc la source, la cause ou la «force» derrière cette épidémie de fuites ?
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Ça coule, ça coule au SPVM. On s'imagine au beau milieu d'une érablière au printemps au rythme où la chaudière médiatique se remplit !

Mardi dernier, on apprenait dans un article du Journal de Montréal que le chef Philippe Pichet a été enregistré à son insu dans un meeting et, évidemment, le tout se retrouve dans les médias. Le scoop de la fuite ? La demande du chef aux policiers motards de coller « un ticket à la minute ».

Par ailleurs, l'article du JdM nous apprend que c'est la deuxième fuite d'un meeting de hauts gradés du SPVM en quelques semaines. Le thème du premier meeting ? La « culture du coulage » au SPVM !

Aie ! Ça va mal à shop ! Le SPVM ressemble moins à un service de police qu'à un réseau de délation. Quelle est donc la source, la cause ou la « force » derrière cette épidémie de fuites ?

Le premier réflexe est d'évoquer une tentative de putsch contre le chef Philippe Pichet. Si l'explication est plausible, elle est peu satisfaisante. Car le chef Pichet fut nommé à ce poste en juillet 2015 alors que le coulage systémique débute en 2014.

Patrick Lagacé pointe la politisation du SPVM par l'Hôtel de ville. Le problème de ces allégations ? Le journaliste ne dispose d'aucun fait probant, seuls quelques éléments circonstanciels soutiennent ces assertions. Et le peu d'échos émis par ses pairs ne confirme pas ces spéculations.

Alors, comment une telle mutinerie est-elle possible ? La réforme des régimes de retraite présente sans doute un terreau fertile pour entretenir la révolte, mais au point de transformer le service de police en indic public ? Est-il possible que la grogne des policiers soit instrumentalisée ? Si oui, par quelle instance ?

Les journalistes aux carnets de contacts bien remplis sont muets. Et leurs confrères spécialisés aux enquêtes ne semblent pas estimer que le climat d'insubordination qui règne au SPVM ne soit d'intérêt public. Bref, autant cette « culture du coulage » dégage de drôles d'odeurs, autant le pince-nez des médias semble hermétique. Silence, on coule !

Je n'ai donc pas de réponses aux questions posées. Mais je propose d'élargir le champ d'analyse de cette crise en examinant le contexte de son déroulement. Ainsi, à qui profite le crime ? Retournons dans un passé récent.

Après la première déstabilisation de la gouvernance montréalaise par les fusions Harel/Bourque et le séisme de l'épisode des défusions provoqué par l'ambition électorale des libéraux de Jean Charest, les années qui ont suivi, années de corruption et de leadership zéro de l'administration Tremblay, ont salement amoché Montréal. Faisant prendre à la Métropole une à deux décennies de retard sur son développement.

La dernière élection a mis un point final à ces désordres de gouvernance. Un leader est apparu, un leader soutenu par deux Montréalais sur trois. Un leader rassembleur auquel se joignent les élus les plus talentueux de la scène municipale : Côté, Bergeron, Duchesne, Gadoury, Dorais, Coperman.

Et des enjeux majeurs se profilent. La négociation du statut de Métropole est l'un d'entre eux. Que contient cette demande formelle et confidentielle - mais coulée! - de l'Hôtel de ville adressée au ministre ? Des demandes de diversification fiscale (TVQ), de réforme de pouvoirs réglementaires, de réforme des pouvoirs des arrondissements, de réforme des pouvoirs de négociation avec les syndicats et de réforme globale de la gestion des paramunicipales (AMT, STM, etc.).

Pour saisir l'importance des négociations à venir, il suffit d'entendre Régis Labeaume rugir à la défense d'une des demandes de Québec, soit que la capitale nationale devienne « le lieu privilégié et prioritaire de l'accueil des dignitaires étrangers en visite au Québec, des rencontres diplomatiques, des sommets gouvernementaux, des grandes rencontres politiques et des négociations importantes, de toute nature, auxquels prend part le gouvernement ».

Exclusivité donc des rencontres internationales et des négociations syndicales pour la capitale nationale. Montréal désormais interdite à recevoir ces évènements ! « Là, on est ben patients, mais on peut devenir un peu impatients », menace alors le maire Labeaume.

Il n'est pas question ici d'adopter une vision paranoïaque ni de conjecturer sur d'obscures malveillances des décideurs publics, mais de réaliser que Montréal, dans sa démarche d'obtention des pouvoirs nécessaires à sa pleine gouvernance, ne compte aucun allié.

Aucun.

Le gouvernement provincial tout comme son homologue fédéral craignent le poids politique d'une cité unifiée et forte; la ville de Québec s'accroche aux privilèges que lui confère la présence du gouvernement; l'armée de fonctionnaires de ce gouvernement ignore le b.a.-ba de la réalité montréalaise; les syndicats appréhendent la fin du déséquilibre des forces patronales/syndicales; et les villes défusionnées, les banlieues ou les régions braquées dans leurs rivalités - souvent imaginaires - ne sont pas de ferventes adeptes d'une métropole aux pouvoirs étendus.

L'insubordination qui marque les relations de travail au SPVM ne cessera pas. Et c'est à l'ombre d'une crise non résolue que se déroulera l'élection municipale de l'automne prochain.

Quant aux médias, l'absence de réflexion sur les défis d'une gouvernance globale, imputable et représentative défie l'entendement. Nos échotiers de tendance souverainiste craignent l'émergence de la « ville-État », les pros-fédéralisme sirotent leur apathie au coin du statu quo alors que les bien-pensants de la gauche-écolo entonnent leurs rengaines de transport en commun.

Et que penser enfin de cette Commission d'enquête sur la protection des sources journalistiques lancée par Québec ? Après avoir « forcé » l'annulation de l'enquête prévue par l'administration Coderre, voilà que le gouvernement nous apprend que sa commission dispose d'un mandat de 15 mois.

15 mois ? Pour enquêter sur le traçage des téléphones de deux journalistes par le Service de police de la Ville de Montréal ? Alors que les protagonistes de ces évènements sont presque tous identifiés ? Ne devrait-on traiter le dossier du SPVM autrement que celui de la Sûreté du Québec? Où les cas sont beaucoup plus nombreux, plus anciens et plus opaques ?

Ainsi, l'insubordination qui marque les relations de travail au SPVM ne cessera pas. Et c'est à l'ombre d'une crise non résolue que se déroulera l'élection municipale de l'automne prochain. Est-ce souhaitable ?

Guerre de clochers, guerre de duchés, la balkanisation de Montréal nous rappelle le célèbre roman d'Agatha Christie, Le crime de l'Orient-Express, où le limier Poirot enquête sur un cadavre troué de 12 coups de couteau... alors que 12 suspects se présentent à lui !

Oups ! Je viens de révéler la solution de l'énigme... Désolé pour la fuite !

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