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Éducation: arrimer la recherche à la réalité

Il est inconcevable, en ce qui me concerne, qu'on enseigne à de futurs enseignants sans même avoir été enseignant soi-même.
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Présentement, c'est l'été et tout le monde tente d'en profiter. De mon côté, j'ai de la misère à me détacher de l'année scolaire que j'ai traversée, qui, selon moi, a été extrêmement éprouvante, tant pour moi que pour le système d'éducation publique.

Cette année scolaire peut, malgré tous les torts qu'on a commis envers un de nos plus beaux joyaux, être une année charnière, qui laisse place à une certaine reconstruction. Lorsque l'éducation reste un sujet d'intérêt public aussi longtemps, que ce soit en raison des négociations ou des décisions qui l'ont affectée (lire aussi affaiblie), il reste que cela est très positif. Je pense qu'à partir du moment où l'éducation devient un véritable enjeu politique, qu'à partir du moment où le parti l'ayant grandement amputée semble, et je dis semble, réaliser que ce n'était peut-être pas la meilleure idée, on doit voir ça comme étant positif. Bon, est-ce que cette prise de conscience collective traversera l'été? Est-ce qu'elle perdurera jusqu'aux prochaines élections? Mènera-t-elle vraiment à cette reconstruction sérieuse et ambitieuse que plusieurs espèrent enfin voir arriver?

Ce sont des questions légitimes qui n'ont pas empêché le ministère, et particulièrement le ministre, de s'activer depuis la fin de l'année scolaire. Il a rencontré des regroupements de parents motivés et organisés. Il les a écoutés et entendus. Il leur a promis de les impliquer. Tiendra-t-il parole? Je le souhaite sincèrement, mais à tous, il a surtout mentionné avoir déjà lancé quelques chantiers afin de reconstruire cette éducation subitement devenue très importante. Ces chantiers me laisseront nécessairement dubitatif, même si je suis d'un naturel optimiste, si on oublie de travailler une piste, qui, à mon avis, est assez cruciale, bien que trop peu explorée jusqu'à présent. Je parle ici des professeurs d'université.

Lorsque l'éducation était à ce point amochée, en fin d'année, et que le ministre Proulx a lancé une vaste réflexion sur différents enjeux en éducation. Jamais n'a-t-on parlé des professeurs d'université ou des chargés de cours qui forment les prochains enseignants. On a mentionné la maîtrise du français, on a évoqué l'idée d'un Institut d'excellence en éducation, on a suggéré une rénovation de la formation enseignante, particulièrement en ce qui a trait aux cours offerts, par exemple: former les futurs enseignants à mieux comprendre les besoins particuliers de certains élèves qui seront fort probablement intégrés dans leur classe. Mais on a tout simplement omis de parler d'une tendance qui existe et qui, selon moi, devrait être rectifiée: le fait que plusieurs professeurs d'université sont complètement déconnectés de la réalité du terrain.

«Il est inconcevable, en ce qui me concerne, qu'on enseigne à de futurs enseignants sans même avoir été enseignant soi-même.»

Je me souviens autant des professeurs qui me transmettaient des méthodes, de la pédagogie et des techniques didactiques avec un réalisme qui crevait les yeux et qui laissait aux futurs enseignants l'impression de voir comment les appliquer concrètement que de ceux qui me transmettaient un immense nuage pelleté qui, bien qu'étant merveilleux, en théorie, me laissait perplexe sur sa probabilité d'être appliqué dans le brouhaha d'une classe. Qui, même une fois devenu enseignant pour vrai, n'est pas tombé sur des formations nous expliquant des concepts pédagogiques supers, mais presque impraticables? Beaucoup trop d'entre nous.

Il est inconcevable, en ce qui me concerne, qu'on enseigne à de futurs enseignants sans même avoir été enseignant soi-même. Bien que la recherche soit très importante, elle ne mène qu'à très peu de résultats concrets, si elle n'est pas arrimée à la réalité du terrain qu'elle tente de façonner. Les professeurs et les chargés de cours devraient être fortement incités à retourner enseigner une année ou deux, dans une classe bien à eux, question non seulement de (re)prendre contact avec des experts du terrain, ceux-là même qu'ils tentent de former, mais question de tester leurs théories et voir si celles-ci sont réalistes ou non. En fait, à mon sens, cet exercice serait un véritable perfectionnement de leur expertise. Sinon, comment expliciter l'application d'une théorie de manière vraisemblable? Donner des exemples vivants? Des faits vécus qui corroborent ce qui est avancé? Parce qu'en tant que futur enseignant, c'est souvent ce qu'on cherche à savoir. Les faits vécus sont de véritables bijoux, les exemples vivants ou vraisemblables, des fragments précieux, qui permettent tous deux d'avoir l'impression de capter une réalité qui est encore bien loin, mais qui se rapproche bien vite. Et qui, ma foi, peut être assez terrifiante. D'ailleurs, ce qui est particulièrement effrayant, c'est de constater, une fois sorti de l'université, que notre formation nous a mal outillés, car elle nous a détaillé un monde qu'on ne rencontrera presque jamais.

On nous apprend à devenir navigateurs. À traverser une année scolaire et mener nos élèves à bon port. À instruire, socialiser et qualifier ce qui constitue l'avenir de la province, mais ceux qui nous montrent comment naviguer, ne sont presque jamais allés sur la mer. Si certains chercheurs posent pieds sur le pont pour récolter des données, c'est déjà bien, s'ils font même le voyage en entier, une année, c'est beaucoup mieux, mais ce n'est pas suffisant selon moi, car ils n'ont pas navigué, ils ont assisté. Un rôle d'observateur n'a absolument rien à voir avec celui d'acteur, qui permet de vivre et saisir les mille et une technicalités quotidiennes qui sont imperceptibles lorsqu'on assiste de loin, ou de proche.

Négliger cet aspect, lorsqu'on cherche à rénover la formation des enseignants, c'est faire le travail à moitié. Oui, cette dernière doit être bonifiée et doit absolument inclure des cours d'adaptation scolaire, mais pour véritablement l'améliorer, il faut aussi arrimer les chercheurs à la réalité du terrain.

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