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Faut-il supprimer le Nutella de son alimentation?

Depuis l'annonce de l'adoption de l'amendement Nutella du 14 novembre 2012 qui a pour but de taxer l'huile de palme en France, on constate sur la blogosphère une inquiétude croissante de la part des consommateurs français vis-à-vis de cet ingrédient. Vérifions l'information diffusée par l'entreprise Ferrero à la suite de cet amendement.
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François Buche et Céline Jouquand

Depuis l'annonce de l'adoption de l'amendement Nutella du 14 novembre 2012 en France qui a pour but de taxer l'huile de palme, on constate sur la blogosphère une inquiétude croissante de la part des consommateurs français vis-à-vis de cet ingrédient très couramment utilisé dans la fabrication des produits alimentaires transformés.

Cette inquiétude se matérialise par une remise en question de l'impact nutritionnel du Nutella. La principale crainte des consommateurs proviendrait de la qualité nutritionnelle de la matière grasse utilisée dans cette pâte à tartiner. En effet, l'huile de palme, comme toutes les autres matières grasses animales ou végétales, contient des acides gras saturés qui sont connus pour accroître le risque de maladies cardiovasculaires en cas de surconsommation.

L'huile de palme est utilisée dans le Nutella pour ses atouts technologiques qui permettent de conserver l'aspect pâteux et onctueux du produit à température ambiante, sans remontée de l'huile à la surface. Cette particularité vient du fait que cette huile est naturellement hydrogénée, c'est-à dire qu'elle contient un pourcentage élevé d'acides gras saturés. Pour obtenir les mêmes atouts technologiques avec d'autres huiles végétales, il faut procéder à une hydrogénation partielle, technologie industrielle qui favorise l'apparition d'acides gras trans qui augmentent significativement le risque cardio-vasculaire en cas de consommation excessive. Aux États-Unis, l'obligation d'indiquer la présence d'acides gras trans dans les produits a entraîné le doublement des importations de l'huile de palme entre 2004-2005 et 2005-2006.

À la suite du vote de la taxation de l'huile de palme par le Sénat, le groupe Ferrero répondait le vendredi 16 novembre 2012 aux inquiétudes des consommateurs en diffusant très largement dans la presse un communiqué accompagné d'un comparatif des apports nutritionnels de différentes préparations susceptibles d'être consommées au cours du petit-déjeuner.

Extrait du communiqué du groupe Ferrero du 16 novembre 2012.

Toute personne peut vérifier l'information diffusée par l'entreprise Ferrero en se référant à la base de données Ciqual développée par l'Anses. On y retrouve les apports énergétiques pour 100 grammes de différents produits, les teneurs en acides gras saturés et non saturés, en protéines, en glucides ainsi que d'autres données plus techniques.

Puisque la principale inquiétude nutritionnelle des consommateurs repose sur la qualité de la matière grasse de la Nutella et de son contenu en acides gras saturés, il est possible, dans un premier temps, de comparer les caractéristiques de différentes sources de lipides (tableau 1).

Composition en acides gras saturés, mono-insaturés et poly-insaturés présents dans 100g de différentes matières grasses. Source : étiquetage du Nutella et base de données Ciqual, Anses, 2012

Une analyse rapide de ce tableau montre que la matière grasse de la Nutella contient, certes, plus d'acides gras saturés que les autres huiles végétales et environ deux fois moins que le beurre. On notera également que le beurre, contrairement aux huiles végétales, contient des nutriments d'intérêt tels que les vitamines liposolubles A et D ainsi que des minéraux (données non montrées dans le tableau).

Dans un second temps, pour analyser l'impact nutritionnel des aliments comparés dans le communiqué diffusé par Ferrero, on peut se référer aux recommandations nutritionnelles du PNNS (Plan National Nutrition Santé) qui est actuellement à sa version 3 (disponible sur http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNNS_2011-2015.pdf). Le tableau 2 compare un aliment équilibré d'après le PNNS et un petit-déjeuner composé de 60g de pain et de 30g de Nutella, pour une même charge énergétique. En considérant que 1 g d'acides gras = 9 kcal, 1 g de glucides = 4 kcal et 1 g de protéines = 4 kcal et d'après la composition des aliments de la base de données CIQUAL, on estime à 323 et non à 305 kcal (données Ferrero) l'apport calorique du petit-déjeuner composé de 60 g de pain et de 30 g de Nutella. Cette différence est probablement due à la méthode de calcul.

Comparaison entre un aliment équilibré d'après le PNNS et un petit-déjeuner composé de 60g de pain et de 30g de Nutella, pour une même charge énergétique. Composition d'un aliment équilibré d'après le PNNS (pour un enfant de moins de 18 ans). Données brutes issues de la base de données CIQUAL et du PNNS 3 en considérant que 1 g d'acides gras = 9 kcal, 1 g de glucides = 4 kcal et 1 g de protéines = 4 kcal.

Ce second tableau montre que la consommation d'un petit-déjeuner composé de 60 g de pain et de 30 g de Nutella apporte environ 2 fois moins d'acides gras saturés qu'un aliment de même charge énergétique conforme aux recommandations du PNNS. La crainte d'une trop forte consommation d'acides gras saturés pour ce type de consommation de la Nutella ne semble donc pas justifiée. La composition en acide gras mono-insaturés du petit-déjeuner pain + Nutella correspond aux apports conseillés du PNNS, par contre la teneur en acides gras polyinsaturés est légèrement plus faible que celle des recommandations.

La teneur en glucides du petit-déjeuner pain + Nutella est 1,3 fois plus élevée que les recommandations du PNNS. Ceci est dû à l'utilisation quasiment exclusive de sucres simples dans la fabrication de la pâte à tartiner. Ces sucres sont notamment responsables de l'augmentation rapide la glycémie dans le sang et sont notamment déconseillés dans l'alimentation des personnes diabétiques.

Enfin, la teneur en protéines du petit-déjeuner pain + Nutella est inférieure aux recommandations du PNNS. Il sera donc souhaitable de compenser ce manque dans les rations alimentaires du déjeuner et du dîner.

En conclusion, cette courte étude montre que l'utilisation de la pâte à tartiner Nutella, telle que le recommande le groupe Ferrero, à savoir 30 g par jour accompagnés de 60 g de pain, ne représente pas de défaut nutritionnel majeur du point de vue de la teneur en acides gras saturés. La caractéristique nutritionnellement sensible de la composition de la Nutella serait d'avantage sa teneur en glucides simples. Sachant que l'équilibre nutritionnel se fait sur l'ensemble d'une journée voire d'une semaine, la consommation de cet aliment « plaisir » ne semble pas présenter de risque pour le consommateur qu'il soit enfant ou adulte, dans le cadre d'une alimentation variée et équilibrée.

François Buche et Céline Jouquand sont enseignants à l'Institut Polytechnique LaSalle Beauvais est une école d'ingénieurs post-bac qui propose, à ses 1700 élèves 3 formations d'ingénieurs reconnues par la CTI : Agriculture, Alimentation & Santé et Géologie. Ses domaines de compétences touchent ainsi les agroressources, les sciences agronomiques et animales, les sciences techniques et agro-industrielles, l'agroalimentaire et la nutrition, les géosciences industrielles et l'environnement.

LaSalle Beauvais fait partie du réseau mondial des 72 universités La Salle.

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