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Quand l'Assemblée des évêques catholiques donne des cours de philo aux parlementaires

L'Assemblée des évêques catholiques du Québec a participé, par l'entremise de ses représentants, aux consultations publiques sur le projet de loi n° 62 visant à faire respecter «la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes».
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Mercredi 27 octobre dernier, l'Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) a participé, par l'entremise de ses représentants, aux consultations publiques sur le projet de loi n° 62 visant à faire respecter «la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes». C'est ainsi que le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, Mgr Christian Lépine et Mgr Paul Lortie ont présenté leur point de vue sur cette question d'actualité. Dans ce qui peut être qualifié de «correction fraternelle», les évêques du Québec ont voulu aider les parlementaires à clarifier quelques notions et formulations du projet de loi.

Leçon de logique 101

Dès le début du document, on manifeste l'absence d'une claire définition du concept «neutralité religieuse de l'État» (n° 1.1). Non pas que le texte du projet de loi n'ait pas tenté d'en offrir une, mais plutôt que sa présente formulation ne respecte pas les caractéristiques fondamentales d'une définition au sens logique du terme. Au contraire, «l'article 5», souligne les évêques, «contient bien une définition de la neutralité religieuse, mais ce n'est pas celle de l'État, mais son application [à un] cas particulier» (n° 1.1) .

Ainsi, la formulation actuelle du projet de loi 62 confond la définition du principe qu'il prétend défendre avec une de ses applications possibles. Or, on ne peut définir un principe par son application particulière. Comme le dit Aristote: «c'est que toute définition est toujours universelle» (Derniers analytiques, Livre II, Chap. 13 §23) . Ainsi, deux possibilités s'offraient aux évêques quant à l'intention derrière ce projet de loi: soit la volonté des législateurs de favoriser une vision laïciste de la société en évitant de définir le principe évoqué (la neutralité religieuse de l'État), soit ces derniers n'ont tout simplement plus la culture politique leur permettant d'écrire des projets de loi cohérents. La cordialité et la fraternité ayant fortement caractérisé les échanges de l'audience, je me sens invité à croire que l'AECQ a penché pour la première option.

Tout en étant lié à ce que nous venons d'évoquer, une deuxième faute «philosophique» pourrait-on dire du projet de loi 62 se trouve soulignée par le mémoire de l'AECQ. Après avoir démontré que la «neutralité religieuse de l'État» n'est pas une évidence en elle-même, puisque nombre de sociétés ont opté (et optent toujours) pour des régimes confessionnels, il est important, selon les représentants de l'épiscopat québécois, d'offrir une assise plus solide qu'un soi-disant «consensus».

Un mot qui, si on se fie à son utilisation dans le débat sur l'euthanasie au Québec (30:00-36:40min), n'a d'égal que celui de «dignité» dans le lexique de la vacuité intellectuelle parlementaire. Ainsi, bien que les travaux parlementaires soient passés maîtres dans l'art d'appliquer le principe qui veut que «la fin justifie les moyens», il semble que, dans ce cas-ci, ils ne soient tout simplement pas capables de les distinguer l'un de l'autre. En effet, «la neutralité de l'État n'est pas un principe, mais un moyen» (n°1.4). Un moyen pour atteindre une fin, juste en l'occurrence, celle «d'assurer et de protéger la liberté de conscience et de religion» (n°1.4).

Il est donc primordial, selon les évêques, d'expliciter ce fondement, par exemple, en faisant référence à l'article 18 de la Déclaration des Droits de l'homme. Cette dernière aurait l'avantage de permettre, à la fois, une véritable compréhension de l'esprit derrière l'intention bonne, mais maladroite, des législateurs tout en évitant les éventuelles interprétations laïcistes qui pourraient recourir à une éventuelle loi 62 pour limiter l'expression légitime de la religion dans l'espace public.

En résumé, nous voyons comment la prise de parole des évêques dans le débat démocratique est primordiale, spécialement en des matières qui les concernent directement comme chefs religieux. La présence de l'AECQ à la commission parlementaire de consultation sur le projet de loi 62 fut donc un grand succès. Que ce soit par l'immense édifice intellectuel, culturel et historique qu'ils représentent ou par la nécessité pour toute société démocratique de prendre en considération les points de vue des institutions importantes qui la composent, les évêques du Québec ont démontré leur compétence ainsi que l'atout précieux qu'ils constituent. En ce sens, on ne peut qu'espérer une réelle ouverture de la part des parlementaires et ainsi bénéficierons-nous d'une version bonifiée du projet de loi en question. Une histoire à suivre!

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