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Le véritable tour de force de cette mobilisation sans précédent est d'avoir détourné le débat sur des horizons beaucoup plus larges. La question n'est plus: pour ou contre la hausse des frais de scolarité? La question est: dans quelle société voulez-vous vivre? Une société où l'éducation est d'abord considérée comme une valeur marchande, ou une société où non seulement l'éducation, mais la participation citoyenne sont valorisées en soi?
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PC/Denis Beaumont

Le soi-disant consensus en faveur d'une hausse des frais de scolarité vient de frapper un mur. Les quelques 200,000 étudiants grévistes ont réussi à renverser l'opinion publique voulant que cette hausse soit 1- sage et 2- inévitable. Au cours des dernières semaines, à force de mobiliser parents, syndicats, artistes, groupes populaires et jusqu'aux écoles secondaires, les étudiants ont tordu le cou au gros bon sens voulant qu'il soit temps pour eux de faire leur «juste part». Impressionnant.

En fait, le véritable tour de force de cette mobilisation sans précédent est d'avoir détourné le débat sur des horizons beaucoup plus larges. La question n'est plus: pour ou contre la hausse des frais de scolarité? La question est: dans quelle société voulez-vous vivre? Une société où l'éducation est d'abord considérée comme une valeur marchande, ou une société où non seulement l'éducation, mais la participation citoyenne sont valorisées en soi?

Les études universitaires ne sont pas d'abord « un investissement privé » comme le répètent depuis un an les défenseurs de la hausse. La valeur collective de l'éducation dépasse de loin la valeur individuelle puisqu'il s'agit des fondements mêmes d'une société. Ce qui sépare un pays où l'on tue des femmes au «nom de l'honneur» et un pays comme le Québec, ce n'est pas la religion, c'est l'éducation.

Les étudiants qui sont dans la rue aujourd'hui nous ramènent à «la mission sociale et citoyenne» de l'éducation. Au fait que l'accès à l'éducation, non pas basé sur la classe sociale ou la capacité de payer, mais simplement sur l'envie apprendre, nous rend tous plus intelligents, tous plus capables d'entrevoir l'avenir avec optimisme.

Il est de bon ton aujourd'hui de réhabiliter les années duplessistes en précisant que ce n'était pas toujours la « grande noirceur ». Mais pour ce qui est de l'éducation, c'était assez noir merci. Comme aime le souligner un homme qui y était, Jacques Parizeau, le taux d'analphabétisme au Québec était, après le Portugal, le plus élevé en Occident.

Vous croyez que ça n'a plus rien à voir? Comme le précise un étudiant de Jonquière, «40% des étudiants universitaires sont des étudiants de première génération, c'est-à-dire, dont les parents ne sont pas allés à l'université. Cette statistique grimpe à 70 % pour les étudiants situés dans des régions ressources. L'accessibilité dont se sont dotés les Québécois dans les années 60' est donc fragile.»

Durant cette mobilisation « historique », les leaders étudiants ont fait valoir d'autres points importants. Le gel des frais de scolarité est un mythe: de 1991 à aujourd'hui, l'augmentation a été parfois de 200%, sans pour autant donner plus d'argent aux universités. Près de 40% des étudiants ne reçoivent aucune aide parentale, près de 81% travaillent et les femmes cheffes de familles monoparentales seront parmi les plus durement touchées, si le gouvernement Charest maintenait la ligne dure.

Ils ont raison sur toute la ligne, les étudiants, sauf sur un point: ils doivent, pas seulement se distancier, mais condamner les éléments radicaux qui infiltrent, sinon le mouvement, du moins les manifs, multipliant les actes d'agression et semant la terreur.

Le leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois disait, à l'émission rituelle du dimanche (TLMEP), récemment: « Ce n'est pas à nous de dire ce qui est bien ou mal ». Ce n'était pas nécessairement la bonne réponse. Les leaders étudiants passent beaucoup de temps à distinguer le bon du mauvais, avec brio d'ailleurs. Seulement, ils sont archi conscients qu'un certain brasse-camarade fait partie intégrante de la lutte qu'ils ont à mener. De là, les pincettes. Mais le temps est venu de distinguer entre un sit-in dans le bureau de la ministre et une destruction cinglée et anarchique. Un se défend, l'autre pas.

Comme dit un slogan du mouvement des indignés: « S'ils vont nous empêcher de rêver, on va les empêcher de dormir ».

Ce genre de riposte est non seulement compréhensible, elle est bienvenue. À l'instar de ce mouvement d'occupation, le mouvement étudiant nous offre tous la possibilité de se sentir moins caves, moins soumis, moins impuissants devant le système et leurs autorités. Ils ont l'audace de ne pas se laisser écraser par des diktats financiers et de vouloir reprendre (un peu de) leur destin en main. Remercions-les de nous donner l'exemple.

Mais si une certaine colère est bienvenue, en connaître les limites l'est tout autant.

En voici d'ailleurs un bel exemple:

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