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À poil pour le Grand Prix

Admettez que ça fait du bien de voir autre chose que des corps sculptés au couteau ou des filles sorties tout droit du catalogue La Senza. Je parle des maNUfestations et ses ribambelles de gars en bobettes et filles aux seins sciemment étiquetés de carrés rouges.Bien sûr, ceux qui ne voient que des bébés lala dans tout ça seront peu impressionnés par la grande maNUfestation prévue pour l'ouverture du Grand Prix de Montréal. Mais ils devraient au contraire applaudir.
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Admettez que ça fait du bien de voir autre chose que des corps sculptés au couteau ou des filles sorties tout droit du catalogue La Senza. Je parle des maNUfestations et ses ribambelles de gars en bobettes et filles aux seins sciemment étiquetés de carrés rouges.

Avez-vous remarqué qu'il y a très peu de corps parfaits parmi eux? Jusqu'à l'écrivain Jean Barbe qui osait promener sa bedaine de baby boomer (sa bbb?) au centre-ville de Montréal récemment. Dans le grand chaudron des revendications portées par le conflit étudiant--l'éducation, l'éthique, la gouvernance, l'environnement, la culture-- faudra-t-il bientôt y ajouter l'image corporelle?

Bien sûr, ceux qui ne voient que des bébés lala dans tout ça seront peu impressionnés par la grande maNUfestation prévue pour l'ouverture du Grand Prix de Montréal. Mais ils devraient au contraire applaudir. D'abord, "on marche plus vite tout nu", me dit une des organisatrices de l'événement, une étudiante en arts à l'UQAM. Pour ceux qui ne prisent guère le brasse camarade, réjouissez-vous, les perturbations au centre-ville seront écourtées. Ensuite, les casseurs de vitres comme les tireurs de gaz lacrymogènes se tiennent étonnamment cois lors de ces processions dénudées. Ils ont la tête ailleurs, faut croire.

Un peu comme l'ineffable Anarchopanda, le nouveau héros du printemps québécois, les maNUfestations ont l'art de détourner la colère en bonne humeur, l'agressivité en tendres œillades, le négatif en positif. Amenez-en des oursons et des seins nus, c'est plein de santé mental.

Et à ceux/celles qui disent que ces manifs sont sexistes --"il y a tout un débat là-dessus dans les médias sociaux", poursuit l'étudiante-- elles me semblent, au contraire, très féministes. D'abord, le Grand Prix, pour ceux qui auraient réussi à ignorer complètement l'événement au cours des 34 dernières années, c'est la consécration des vieux stéréotypes. D'un côté, les gars, les muscles et les bolides supersoniques; de l'autre, les filles, les gros seins et le minaudage.

"Je m'appelle Shannon, je suis anglophone, anglophone cochonne", précise une jeune femme interviewée lors de l'événement. La séquence intitulée "La Formule 1 à Montréal avec les jolies filles du Hooters" est sur YouTube. Hooters, qui veut dire nichons, est une chaîne de restos où les seins des serveuses sont l'attraction principale.

La maNUfestation anti-Grand Prix est un antidote bienvenu à cette orgie de niaiseries. En fait, de tout ce dont le GP est coupable, selon les étudiants, "le capitalisme, l'élitisme et le sexisme", ce dernier est le plus sûrement dénoncé par ce genre de protestation. Pour ce qui est du capitalisme, cibler les grandes banques et leurs profits mirobolants viserait encore plus juste, il me semble, tout comme viser le domaine Sagard des seigneurs Desmarais, pour ce qui est de l'élitisme.

Je ne sais plus qui disait que ce penchant pour le dénuement était ce qui rapproche le plus le conflit étudiant de Mai 68. On peut effectivement voir des affinités entre les démonstrations libertaires d'antan et celles d'aujourd'hui. Mais comme le notait pertinemment Christian Rioux dans Le Devoir, les revendications étudiantes aujourd'hui sont autrement plus consistantes que celles d'il y a 40 ans.

"Le mouvement étudiant québécois ne réclame pas plus de liberté individuelle, mais plus d'État. Il ne veut pas moins d'université, mais plus d'éducation. Il ne veut pas plus d'individualisme, mais plus de « nous »."

On pourrait ajouter: il ne veut pas juste des filles toutes nues, il veut des gars aussi. (En 68, la libération sexuelle, on le sait, était pas tout à fait "égale"). C'est d'ailleurs ce qu'il y a de plus réjouissant des maNUfestations: les gars sont au rendez-vous (presque) autant que les filles. Et les filles, elles, semblent dire : au diable, le sein parfaitement bombé, les talons aiguilles, la fesse ronde à souhait... Prenez-nous comme on est.

Raison de plus d'applaudir.

MaNUfestation du Grand Prix

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