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On critique l'entêtement idéologique des jeunes dans la rue, mais qui des deux, gouvernement ou étudiants, est le plus aveugle à votre avis? Même si les étudiants sont forcés de réintégrer leurs classes, et ils devront bien le faire à un moment donné, la grogne est désormais plus large, le besoin de s'exprimer plus vaste et la nécessité de reprendre ce qui nous appartient, de plus en plus aiguë.
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Radio-Canada.ca

La phrase était écrite en grosses lettres sur le programme du gigantesque concours oratoire tenu au Monument National, samedi dernier. Ces mots à eux seuls valaient le détour : "Nous sommes arrivés à ce qui commence".

Cette phrase résume avec acuité ce qui se passe actuellement au Québec. Il y a la grève étudiante, bien sûr, devenue bien plus qu'une contestation étudiante, mais également le rassemblement du 22 avril qui veut lui aussi "se faire un printemps". Et entre les deux, cette prise de parole marathonienne, 12 heures sans battre de la paupière ou presque, comme un énorme pont de mots entre deux flots humains, un trait d'union d'un ras-le-bol à l'autre.

"La jeunesse nous montre que le Québec n'est pas mort", disait un intervenant; qu'on peut "encore se lever", disait une autre. Qu'il l'ait voulu ou non, le mouvement étudiant nous ramène à quelque chose de plus grand que ses strictes revendications. Comme la manifestation de samedi dernier, il nous force à nous repenser en termes collectifs, belle lurette que ça ne nous était pas arrivé, plutôt que strictement individuels. Il remet l'accent tonique au bon endroit et nous force à choisir entre comptabiliser le présent ou imaginer le futur.

"Que reste-t-il de nous, dit un prof de philo, quand nous sommes plus pressés de nous vendre que de nous connaître?"

On peut bien penser qu'il serait temps qu'ils mettent un peu d'eau dans leur vin, les étudiants, alors que l'ultime showdown approche et que ça risque de fesser... Mais que dire de l'attitude hautaine du gouvernement Charest, du collet monté de sa ministre de l'éducation? Line Beauchamp ne semble pas revenue du fait que des étudiants ont occupé ses bureaux; elle les traite avec un dégoût à peine dissimulé, comme s'il s'agissait de petits vandales qu'elle aurait surpris sur les lieux.

On critique l'entêtement idéologique des jeunes dans la rue, mais qui des deux, gouvernement ou étudiants, est le plus aveugle à votre avis? Même si les étudiants sont forcés de réintégrer leurs classes, et ils devront bien le faire à un moment donné, la grogne est désormais plus large, le besoin de s'exprimer plus vaste et la nécessité de reprendre ce qui nous appartient, de plus en plus aiguë.

Le mouvement des indignés doit bientôt reprendre du service, je viens d'apprendre, et la manifestation du 22 avril, traditionnellement le Jour de la Terre, risque de péter des scores cette année. Sous la houlette du metteur en scène Dominic Champagne, celui qui a signé un des spectacles les plus importants de l'année, Tout ça m'assassine, en plus de revigorer la bataille contre les gaz de schiste, le rassemblement veut démontrer, non seulement que les questions environnementales nous importent, mais qu'on veut désormais être consulté pour ce qui est du développement du territoire. Mieux: qu'on a envie de secouer la déprime latente, le désoeuvrement politique et culturel qui nous tenaillent depuis trop longtemps. "Quand des hommes, des femmes et des enfants portent les mots dans la rue, écrit Dominic Champagn, les colonnes du temple peuvent trembler."

Le printemps québécois est bel et bien commencé. Puisse-t-il éclater maintenant.

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