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Je lève mon chapeau au génie qui a pensé faire poser Béatrice Martin en cul-de-jatte, nouveau genre.
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Il y a plus grave, je sais. Ce que Stephen Harper est en train de faire du Canada, pour commencer. Le détournement méthodique de ce que nous prenions pour le coeur de ce pays: l'équité, la laïcité, le pacifisme, l'État providence et un (certain) respect de l'environnement. Jusqu'à la feuille d'érable qui prend une débarque, un portrait de la reine n'attendant pas l'autre.

Je promets de vous en parler bientôt, car ce qui se passe à Ottawa, notamment depuis l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire, n'est pas banal. Mais pour ce tout premier blogue, j'opte, disons, pour le divertissement: la coqueluche québécoise au corps tatoué et à la voix d'enfant, Béatrice Martin, dite Coeur de pirate.

Arianna Huffington, elle, a bien débuté dans le cyberespace en parlant des frasques sexuelles de Bill Clinton alors, à moi, les fesses bien rondes et bien nues, les jarretelles, talons aiguilles, menottes en or, soutien gorge en cuir, regard inquisiteur... de notre star québécoise. Le collaborateur de La Presse à Paris, Louis-Bernard Robitaille, qualifiait récemment le nouveau look de Coeur de pirate de «provocation discrète et raffinée».

Il faut être Français (ou aspirer à l'être) pour dire une chose pareille. Les tenues affriolantes de la jeune vedette sont d'ailleurs une gracieuseté de la revue française érotique «de luxe», L'Officiel Homme. Je lève mon chapeau au génie qui a pensé faire poser la chanteuse en cul-de-jatte, nouveau genre. Sur la photo, une paire de fesses retroussées (qu'on reconnaît comme celles de Béatrice pour les avoir vues ailleurs) surplombant des jambes juchées sur talons aiguilles, comme si, dans ce cas, tout le haut du corps avait été amputé. Ton style c'est ton cul, comme dirait Léo Ferré, grand misogyne à ses heures («Il y a des femmes qui sont de vraies salopes.»)

Les Français sont particulièrement obtus lorsque vient le temps de distinguer entre ce qui est dans l'ordre des choses, côté séduction, et ce qui est clairement outrancier. L'irréductible DSK vient évidemment en tête. Ce n'est pas seulement une affaire d'hommes. Anne Sinclair, l'ex-vedette du petit écran et désormais directrice du HuffPo France et, surtout, fidèle épouse de Dominique Strauss Kahn, a défendu les cavalcades de son mari bec et ongles, se disant fière d'avoir un mari séducteur.

C'est une chose de vouloir défendre son conjoint de longue date, une autre de défendre aveuglément des incartades sexuelles frisant l'illégalité. Mais, voilà, l'impératif de la séduction, le besoin des femmes d'être désirables, et des hommes de les sauter, est une quasi-religion en France. Malheureusement, cette religion prend de l'expansion partout en Occident. Partout, les femmes -- de la cour d'école aux grands galas en passant par la publicité -- sont de plus en plus déshabillées, et fières de l'être.

Mais à quoi pensent-elles?

En 2004, j'ai réalisé une série documentaire sur les femmes et la sexualité (Baise Majesté) pour tenter de répondre à cette question. L'image hypersexualisée des femmes aujourd'hui est-il un retour bébête aux vieux stéréotypes (sois belle, montre ton cul et tais-toi) ou y a-t-il quelque chose de nouveau, voire de progressiste là-dedans? Après tout, les femmes se sont battues pour disposer de leur corps comme elles l'entendent. Notre corps nous appartient, clamaient les pancartes. Our bodies, ourselves. L'affirmation des femmes passerait-elle par l'affirmation de leur cul, comme Madonna nous y a si bien habituées?

Je peux comprendre que des jeunes (et moins jeunes) femmes aient envie aujourd'hui d'exhiber leur corps, un peu comme les hommes ont toujours aimé exhiber leurs muscles. «Tu vois ça? Ben c'est à moi. Impressionnant, non?...» Il y a un peu de ce genre de bravade derrière la propension féminine au déshabillement. Les jeunes femmes aujourd'hui ne pensent pas du tout qu'il y a un prix à payer, qu'elles se dévalorisent à s'exhiber de la sorte.

Se trompent-elles?

En partie, certainement. La tentation de voir les femmes en «salopes» n'a pas complètement disparu, du moins chez bon nombre d'hommes. Je parierais que M. Strauss Kahn, par exemple, voit toujours les femmes en deux catégories: les bonnes (mères) et les mauvaises (putes).

C'est donc risqué comme comportement. Il s'agit de lire Nelly Arcan pour s'en convaincre. Mais il y a aussi une énorme insécurité derrière ce nouveau dévergondage. C'est précisément ce que les jeunes femmes ne voient ou ne comprennent pas; la même insécurité qui d'ailleurs habite M. Muscle. Quand on n'est pas sûr(e) de qui on est, intellectuellement et émotivement, on a tendance à miser sur le concret, le corps, la valeur marchande. Mais personne n'est dupe. Tout le monde sait qu'il s'agit d'un pis-aller.

Réveillez-vous, les filles. Loin de prendre votre envol, vous êtes en train de toutes nous caler avec vos guili-guili pornos et vos airs d'agace-pissette. N'ayez pas peur, on va vous aimer quand même. Même toutes habillées.

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