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Les chefs et leur style

"Ton style, c'est ton cul", chantait Ferré dans une autre de ses envolées fameusement sexistes. N'empêche que la phrase résume bien le phénomène: le style, c'est ce qui nous définit, c'est l'essence d'une personne. C'est parfois des habits, mais c'est surtout une attitude, une façon de se comporter, de s'incarner aux yeux des autres. Au jour 2 de la campagne (tant attendue), le style des trois chefs en tête de peloton frappe bien davantage que leurs thèmes, slogans ou discours électoraux.
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"Ton style, c'est ton cul", chantait Ferré dans une autre de ses envolées fameusement sexistes. N'empêche que la phrase résume bien le phénomène: le style, c'est ce qui nous définit, c'est l'essence d'une personne. C'est parfois des habits, mais c'est surtout une attitude, une façon de se comporter, de s'incarner aux yeux des autres.

Au jour 2 de la campagne (tant attendue), le style des trois chefs en tête de peloton frappe bien davantage que leurs thèmes, slogans ou discours électoraux. Jean Charest? Son style c'est son culot, sa grosse voix et sa dégaine de shérif. Définitivement celui qui a le plus de style à venir jusqu'à maintenant.

M. Charest a toujours aimé la bagarre, c'est un politicien à son meilleur, dit-on, en campagne électorale. Il l'a prouvé à nouveau lors de son assemblée d'investiture, mais cette fois, en augmentant les décibels. L'avait-on déjà entendu crier si fort? Jean Charest est en train de devenir le politicien le plus macho de récente mémoire. Tassez-vous, c'est Johhny Boy qui passe.

On se souvient d'ailleurs des invectives de M. Charest à l'égard de Pauline Marois: une femme incapable "de se tenir debout", avec "du jello dans la colonne vertébrale". La manoeuvre est grosse comme l'amphithéâtre (à venir) de Québec -"Moi, Tarzan, toi, faible femme"- mais Charest a ici une stratégie claire et nette alors que son adversaire #1, elle, n'a qu'un programme électoral.

La stratégie machiavélique, éhontée, sans vergogne, mais néanmoins efficace de Charest est de se positionner comme le bouncer de nos "institutions démocratiques", le gardien de l'ordre devant le "chaos" de la rue. Depuis le temps qu'on le voyait manipuler les étudiants, voilà que les jeux sont faits. Charest a compris que les enjeux de la crise étudiante sont au moins aussi importants (pour une fois, le chef libéral et les étudiants se rejoignent) que celui de la corruption. Il a trouvé une façon d'escamoter ses propres dérapages en invoquant ceux "de la rue", et en y associant sa principale adversaire. C'est cynique, tordu, intellectuellement malhonnête et sexiste sur les bords. Mais c'est tout un plan. S'il obtient un cinquième mandat, Jean Charest pourra légitimement clamer être le Louis Cyr de la politique québécoise.

Pauline Marois, malheureusement, ne fait pas le poids. Dans la guerre d'image, on s'entend. D'abord, elle a le ton de quelqu'un qui récite ses leçons. Assurée, certes, mais sans grande conviction. Jean Charest a toujours l'air de se croire parfaitement, même quand il nous ment en pleine face. Pauline Marois ne semble jamais tout à fait sûre d'elle, même quand il s'agit d'importantes propositions (les élections à date fixe, par exemple). Comme si toutes ses idées lui avaient été soufflées. Vrai ou pas, elle semble très influençable alors que Charest, pas du tout.

Est-ce le fait d'être une femme? Ou, plutôt, une femme d'une certaine génération? Sans doute un peu, mais le problème de Pauline Marois est surtout ailleurs. Elle ne semble pas avoir d'inspiration profonde par rapport au parti qu'elle dirige ou la société dans laquelle elle vit. Sa ténacité est indéniable par rapport à défendre son propre carré de sable, mais pour défendre des idées ou une direction politique, on repassera. Le meilleur exemple? La crise étudiante.

Je ne suis pas de ceux ou celles qui trouvent que Mme Marois a manqué de jugement en adoptant le carré rouge. Son erreur n'était pas de le mettre, mais de l'enlever aussi précipitamment qu'elle l'avait mis. En d'autres mots, de ne pas savoir quoi faire avec le fameux carré. (La vidéo d'elle battant la casserole illustre d'ailleurs cette incertitude à merveille). L'occasion était là pour elle de reprendre toutes les questions posées par la crise étudiante --de la façon que nous sommes gouvernés, au rapatriement des richesses naturelles, de l'égalité des sexes à la hausse des frais de scolarité en passant par les autochtones-- et de nous convoquer à une deuxième Révolution tranquille.

Devant un chef "usé et corrompu", devant surtout des enjeux sociaux et politiques qui, depuis 50 ans, n'ont jamais interpellé autant, Mme Marois aurait pu en appeler à une refonte en règle de nos institutions, à une ère nouvelle. Mais de la crise étudiante, elle semble retenir que la pointe de l'iceberg, les frais de scolarité, qu'elle s'empresse de classer parmi une pléthore de revendications sur lesquelles, d'ailleurs, elle ne semble pas trop vouloir s'avancer (notamment, le référendum).

Si Jean Charest est l'homme du coup de poing sur la table, Pauline Maris est la femme des petites bouchées. Elle nous offre un beau plateau de sandwichs en forme de coeur, mais, vu les circonstances, on reste sur notre appétit.

Et François Legault? Il a l'air d'un homme qui vient de gagner la 6/49. Super content, en d'autres mots, mais un peu nerveux pour ce qui est de la suite. M. Legault qui a multiplié les erreurs en façonnant son parti (dont celui de voter en faveur de la loi 78) a par ailleurs compris une chose: la corruption est la seule chose qui le distingue franchement de Jean Charest. Il a intérêt à frapper sur ce clou, ce qu'il fait d'ailleurs fort bien. Pauline Marois devrait prendre bonne note. Ce genre d'attaque pourrait s'avérer essentiel pour contrer la stratégie d'enfer de Charest.

Pauline Marois et sa candidate Djemila Benhabib, victime de racisme de la part du maire de Saguenay Jean Tremblay

Les chefs en campagne

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