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En quoi le port du niqab ou d’une burqa brime-t-il notre liberté?

Philippe Couillard souhaite éliminer une trace de l’Islam de la vue du public, faisant fi de la liberté de cette population déjà invisible.
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La loi entre en vigueur immédiatement, sans pour autant avoir spécifié les détails de son application.
Paolo_Toffanin
La loi entre en vigueur immédiatement, sans pour autant avoir spécifié les détails de son application.

Le projet de loi 62 adopté le 18 octobre indique un nouveau tournant de la politique québécoise. La «Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État» réglemente la prestation et l'utilisation de tous les services publics, les rendant désormais non disponibles aux individus qui se couvrent le visage. Je vous le donne en mille, il s'agit encore des quelques musulmanes qui portent la burqa ou le niqab.

Cette loi est une atteinte à la liberté individuelle de certains de nos citoyens, une faille profonde dans la culture politique québécoise. Certes dans une société démocratique comme la nôtre, la liberté de chacun s'arrête où celle des autres commence. Nous connaissons la formule. Mais en quoi le port du niqab ou d'une burqa brime-t-il notre liberté ? C'est une absurdité purement idéologique qui se retrouve désormais gravée dans un texte législatif; cette loi n'a aucune fin pratique et n'améliore en rien la qualité de la société québécoise.

Puisqu'elle touche tous les services publics, une femme portant un voile intégral ne peut plus dorénavant prendre l'autobus, ou même aller à la bibliothèque légalement, sans dévoiler son visage le temps du trajet, bien qu'elle ait payé son droit de passage.

La loi entre en vigueur immédiatement, sans pour autant avoir spécifié les détails de son application. Puisqu'elle touche tous les services publics, une femme portant un voile intégral ne peut plus dorénavant prendre l'autobus, ou même aller à la bibliothèque légalement, sans dévoiler son visage le temps du trajet, bien qu'elle ait payé son droit de passage. Que vont faire les chauffeurs ? Leur fermer la porte au nez ? Leur empêcher physiquement l'accès ? Ou bien encore, appeler la police pour gérer ce nouveau danger public ?

Outre l'absurdité pratique de cette loi, c'est son extravagance idéologique qui est à souligner. Non seulement s'agit-il d'interdire l'accès aux services publics à une catégorie bien ciblée de citoyennes, ce qui représente en soi une discrimination flagrante, mais ceux-ci ne pourront pas non plus fournir des services, l'accès à la fonction publique provinciale et municipale leur est donc interdit. Leur réfuter cet accès équivaut à les couper d'une majorité d'opportunités. Un État laïque ne professe aucune religion, mais ne pénalise certainement pas ses citoyens d'en pratiquer une assidûment.

Liberté ou laïcité ?

Comme le faux scandale du «burkini» l'année dernière, cette restriction idéologique est aussi démographiquement inintéressante (n'en déplaise aux intéressés). La communauté musulmane représente 3,6% de la population totale du Québec. Uniquement 10% des femmes de cette communauté portent le hijab, un simple foulard qui laisse le visage à découvert; le pourcentage de femmes portant le voile intégral est encore moindre. Voici une nouvelle loi qui affecte moins d'un pour cent de la population, pour «favoriser le respect de la neutralité».

Le premier ministre Couillard va plus loin. Il souhaite éliminer une trace de l'Islam de la vue du public, faisant fi de la liberté de cette population déjà invisible.

Par cette mesure, le PLQ cherche certainement à récupérer un électorat volatil, séduit par le discours davantage conservateur de la CAQ. Le gouvernement nous fait presque manquer la défunte Charte des valeurs présentée par le PQ en 2013, et qui causa la perte du gouvernement Marois. Celle-ci interdisait uniquement les «symboles religieux ostentatoires» au sein de la fonction publique. Le premier ministre Couillard va plus loin. Il souhaite éliminer une trace de l'Islam de la vue du public, faisant fi de la liberté de cette population déjà invisible.

Nous ne retrouvons pas les mêmes cris médiatiques, les mêmes emportements passionnés à la défense de la liberté individuelle que nous avions lors de la Charte des Valeurs. La société québécoise aurait donc perdu sa flamme en trois ans ?

Le sujet ressortira certainement de nombreuses fois lors de la campagne électorale 2018. Malheureusement, aucun parti ne semble disposé à défendre le principe de liberté qui nous permet de prendre le bus tous les jours, sans avoir à renier nos croyances.

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