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La Commission Charbonneau: 60 recommandations à 750 000$ la copie*

J'aimerais comprendre alors pourquoi les «préavis de conclusions défavorables» envoyés en grand nombre à des personnes sont restés lettre morte dans la fin toute en douceur de cette commission.
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Après 4 années de travaux, des centaines de témoins entendus, des histoires à vous faire mettre sous clés votre portefeuille, c'est à peu près ce dont on se souviendra des travaux de la CEIC.

Oui bien sûr on y a relevé des stratagèmes de corruption et de collusion. Les différents acteurs sont passés les uns après les autres pour raconter ce qu'ils savaient où ce qu'ils voulaient bien ignorer, c'est selon.

Quelques lanceurs d'alerte, des syndicalistes, ingénieurs, politiciens municipaux et provinciaux et autres se sont succédé à la barre des témoins. Ils n'étaient généralement pas toujours en accord les uns avec les autres, on l'a vu et entendu à de multiples reprises.

Cette dissension entre les nombreux témoins a même fait écho dans le rapport final qui a été rendu public hier. Le commissaire Renaud Lachance et la Présidente France Charbonneau sont en désaccord sur les liens entre le financement des partis politiques et l'octroi de contrats.

C'est aussi sans compter qu'aucun blâme n'a été adressé à qui que ce soit. J'aimerais comprendre alors pourquoi les «préavis de conclusions défavorables» envoyés en grand nombre à des personnes sont restés lettre morte dans la fin toute en douceur de cette commission. Ça donne un peu l'impression que l'on avait grogné il y a quelques mois, mais qu'aujourd'hui on est incapable de mordre. Rectitude exagérée ou peur d'être critiqué ? Je ne saurais dire ni expliquer ce réflexe. Non plus le fait que certains témoins attendus n'ont jamais été convoqués. Les chefs des partis et certains acteurs du financement politique respirent mieux ce matin. Selon qui on est maintenant et peu importe l'implication, on peut maintenant revêtir la cape d'invincibilité du «La commission ne m'a adressé aucun blâme» ou encore «Même la commission n'a pas été en mesure d'établir de liens entre le financement politique et l'octroi des contrats». S'ils ne l'ont pas dit, c'est qu'on ne l'a pas fait.

Vraiment? Sérieusement? On est censé le croire?

Toutes ces généreuses donations et utilisations de prête-noms étaient pour l'avancement de la cause ou les convictions personnelles et idéologiques sur le plan politique ? Yeah right !

J'imagine qu'il en va de même de l'implication crime organisé dont fait mention le rapport final. L'argent sale converti en argent propre ne semble choquer personne.

Du moins pas assez longtemps pour identifier et nommer des gens ou des situations. Pas plus d'ailleurs qu'aucune réclamation des sommes indûment payées au fil des années ne sera produite au terme de l'exercice.

Les enquêtes policières

Le rapport fait mention du peu d'importance que la Sûreté du Québec démontrait à l'égard des crimes économiques et de corruption il y a quelques années. L'extrait du rapport fait notamment mention que :

5.2. Sûreté du Québec

La Sûreté du Québec (SQ) est le principal corps de police chargé des enquêtes sur la corruption au Québec. De 1996 à 2008, elle n'a mené que six enquêtes liées à l'industrie de la construction259. Plusieurs causes expliquent ce faible résultat : une affectation limitée de ressources, une approche d'enquête réactive et la dévalorisation des enquêtes en criminalité économique au sein du corps policier.

Pendant des années, c'est-à-dire avant le lancement de l'opération Marteau en 2009260, la corruption ne constituait pas une priorité au sein du corps policier : les ressources d'enquête étaient affectées principalement à la lutte contre le crime organisé traditionnel261. Entre 1994 et 2002, une guerre entre groupes de motards criminels sévissait au Québec et la SQ y a consacré des ressources considérables jusqu'à la conclusion de l'opération SharQc en 2009262.

Durant cette période, le Service des enquêtes sur les crimes économiques de la SQ (SECE) s'occupait des enquêtes sur la corruption.

Le SECE comptait 36 policiers263, dont 7 seulement étaient affectés aux enquêtes sur la corruption264. Par ailleurs, les effectifs du SECE étaient souvent prêtés à d'autres équipes265. Ainsi, de 2004 à 2006, 12 des 36 policiers étaient détachés pour mener des enquêtes externes au SECE266. Le SECE avait une approche d'enquête réactive, c'est-à-dire qu'il enquêtait principalement à la suite de dénonciations267.

Le SECE utilisait rarement des moyens d'enquête exceptionnels, tels que l'écoute électronique, pour enquêter sur la corruption; ces moyens étaient surtout réservés à la lutte contre les groupes de motards criminels268.

Aux dires des témoins entendus, les enquêtes sur les crimes économiques n'étaient pas les plus prisées parmi le corps policier269. Le taux de roulement était élevé au sein du SECE et celui-ci recrutait généralement des enquêteurs en début de carrière. Les postes d'enquêteurs en criminalité économique étaient perçus comme une porte d'entrée vers les enquêtes criminelles : les policiers ne restaient généralement en poste que trois ou quatre ans avant de joindre d'autres escouades de lutte contre les crimes contre la personne, le crime organisé et le crime contre la propriété270.

Faut croire que les enquêtes de crimes économiques passaient en second lieu à cette époque. Les forces de police avaient alors à choisir entre la guerre des motards qui faisait des dizaines de morts, dont des innocents, et des centaines de millions de dollars perdus ou dépensés en trop pendant ces années-là. Au fait, ça vaut combien une vie ?

La réponse est devenue la création de Marteau, puis de l'UPAC, dont les enquêtes et les activités de prolongeront bien au delà du dépôt du rapport de la commission Charbonneau, document de plus de 1700 pages dont on ne retiendra à toutes fins pratiques que les recommandations. Et c'est ce je crains qu'elles restent, de simples recommandations. La volonté de les mettre en application durera un temps et on passera sans doute à autre chose, hélas !

*Les médias ont rapporté que la commission Charbonneau a coûté 44,8 millions de dollars depuis sa création. Ce qui revient à 746 666.66 $ par recommandation. Ce n'est pas un peu cher payé pour des lettres qui resteront peut-être «tablettées» pour ensuite disparaître dans l'oubli?

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