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La responsabilité des Desmarais

La famille Desmarais, dont l'association à plusieurs quotidiens régionaux remonte aux années 1960, a la responsabilité morale d'assurer une transition harmonieuse vers le numérique,
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Ce billet de blogue a aussi été publié dans Le Devoir.

Bien que leurs propos aient suscité maints commentaires, les frères André et Paul Desmarais fils n'ont rien annoncé de bien neuf la semaine dernière en rappelant que La Presse papier était en sursis. Gesca avait déjà clairement parlé de l'éventuelle disparition du journal imprimé lors de l'annonce de la création de La Presse +. En revanche, jamais sauf erreur, n'avait-on dit de façon si claire que les quotidiens régionaux du groupe risquaient aussi de passer à la moulinette et devaient chercher une plateforme de remplacement. Cela n'a cependant pas tellement étonné les journalistes et autres employés des quotidiens concernés, qui savent bien que le déclin des journaux imprimés est inéluctable. Ils n'en sont pas moins préoccupés.

La récession de 2008 et l'intérêt grandissant des lecteurs pour les nouveaux médias ont accéléré une tendance déjà connue. L'évolution du tirage des quotidiens ne correspond plus depuis longtemps à l'accroissement de la population. Chaque lecteur de journal qui meurt n'a somme toute pas d'héritier. Les jeunes s'informent autrement. Et les annonceurs répartissent de plus en plus leurs dépenses entre un nombre grandissant de supports. La part de la tarte publicitaire réservée aux journaux ne cesse de diminuer. La migration vers des sites spécialisés des petites annonces, qui représentaient traditionnellement le tiers des revenus publicitaires des quotidiens canadiens, a aussi fait très mal aux journaux.

Essentiels quotidiens

Le maire Régis Labeaume peut bien s'en émouvoir, il serait étonnant qu'il y ait encore deux quotidiens imprimés à Québec dans dix ans. Comme il n'y aura certainement pas non plus quatre quotidiens imprimés vendus et deux gratuits à Montréal. Cela ne veut pas dire que le maire de Québec n'a pas raison de s'inquiéter. Les quotidiens constituent l'ossature de nos systèmes d'information. Leurs salles de rédaction comptent plus de journalistes, qui couvrent plus d'événements, ont souvent plus de temps pour le faire, plusieurs étant aussi davantage spécialisés.

Sans les quotidiens pour y puiser leurs nouvelles, les émissions de radio, les sites Internet indépendants, dont le personnel journalistique se compte le plus souvent sur quelques doigts d'une seule main, seraient démunis. Et les blogueurs auraient peu de choses à commenter. La télévision privée maintient encore un personnel de rédaction honorable, mais ses revenus publicitaires ne sont plus ce qu'ils étaient. Il y a bien Radio-Canada, mais son avenir reste aussi incertain. Bref, les secousses que vivront les quotidiens au cours des années qui viennent auront des conséquences sur l'information des citoyens dans son ensemble.

Depuis quelques années, de nombreux livres et articles ont été consacrés à la fin des journaux imprimés. Aux États-Unis, un site qui dresse le bilan des victimes, NewspaperDeathWatch.com, a même été créé. On y fait le compte tout autant des journaux disparus que de ceux qui réduisent leur fréquence de parution ou migrent vers Internet. Certains, plus téméraires, se risquent à des prophéties à mon avis hasardeuses. Ainsi, à la fin de 2011, un chercheur américain bien connu, Jeffrey Cole, directeur du Center for the Digital Future de la prestigieuse Annenberg School for Communication, prédisait que la plupart des journaux imprimés auraient disparu en 2017.

Cela me semble bien alarmiste. De nombreux journaux sont sans doute condamnés, à plus ou moins long terme, mais 2017, c'est demain, et je me permets de prédire à mon tour, sans grand risque, qu'il restera dans trois ans plusieurs quotidiens papier aux États-Unis comme au Canada. La Presse papier devrait toujours être là, mais elle aura peut-être réduit son tirage. Un jour, nul ne sait vraiment quand, et si La Presse + peut voler de ses propres ailes en faisant ses frais, il n'y aura plus de Presse papier.

Quel est l'avenir du Soleil, du Nouvelliste et des autres quotidiens régionaux de Gesca ? Existeront-ils encore sur papier dans quelques années ? Avec quelle périodicité ? Tant que les quotidiens imprimés seront rentables, pourquoi faudrait-il les fermer ? Les tirages et le lectorat des régionaux restent solides, les communautés leur sont attachées, mais les revenus publicitaires seront-ils longtemps au rendez-vous ? Quel est leur avenir numérique? Y aura-t-il un Soleil + ? Une Tribune + ? Les journaux régionaux du groupe seront-ils plutôt intégrés à La Presse +, comme ses composantes régionales ? Avec des salles de rédaction réduites ? La version tablette des quotidiens exige aussi de recruter vidéastes et graphistes ou de recycler le personnel des journaux. Et cela peut créer des conflits.

Les questions sont nombreuses et l'avenir incertain. Une chose me semble toutefois claire. La famille Desmarais, dont l'association à plusieurs quotidiens régionaux remonte aux années 1960 et qui a profité pendant des décennies de leur grande rentabilité, a la responsabilité morale d'assurer une transition harmonieuse vers leur avenir numérique à ces outils d'information essentiels au développement des collectivités desservies.

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