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La mécanique, c'est salissant

Un récent sondage révélait que 52 % des Québécois de langue maternelle française voteraient en faveur de l'indépendance du Québec alors que du même groupe seulement 36 % appuieraient le Parti québécois.
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Quand vient le temps de faire le changement d'huile de ma voiture, je préfère confier cette tâche à un garagiste, même si je suis en mesure de le faire moi-même. C'est que je trouve cette tâche salissante, c'est compliqué de disposer convenablement de l'huile usée et en plus j'y mettrais beaucoup plus de temps que le garagiste. Par contre, si, chaque fois que j'allais au garage, ma voiture tombait en panne dans les heures suivantes, je n'hésiterais pas une seconde à m'acquitter moi-même de cette tâche, quitte à me salir les mains.

Au Parti québécois, plusieurs ont horreur des débats sur le mode d'accession à l'indépendance ou tentent tout simplement de les écarter par rigidité idéologique préférant abaisser ces considérations à de la simple et salissante mécanique. Pourtant, la mécanique c'est important. Si elle fait défaut, la voiture ne peut tout simplement pas avancer. Force est de constater que c'est actuellement le cas. Le Parti québécois n'arrive plus à faire le plein des votes indépendantistes. Depuis 2003, le Parti québécois n'aura été au pouvoir que 18 mois avec un gouvernement minoritaire, et ce, malgré la corruption, l'incompétence et la malhonnêteté du Parti libéral du Québec.

Un récent sondage révélait que 52 % des Québécois de langue maternelle française voteraient en faveur de l'indépendance du Québec alors que du même groupe seulement 36 % appuieraient le Parti québécois. La réalité est cependant que la majorité des Québécois de langue maternelle française souhaite l'indépendance. La réalité est aussi que la majorité des Québécois de langue maternelle française ne veut pas d'un référendum. La sagesse du peuple fait rarement défaut. Les Québécois savent trop bien que les deux premiers référendums ont conduit à d'importants reculs pour le Québec et qu'une troisième défaite serait fatale pour le peuple. Or, il semble que l'approche référendaire de l'étapisme soit la seule avenue possible pour la plupart des péquistes. À première vue, les quatre premiers candidats annoncés ou présumés à la succession de Pierre-Karl nous présenteront différentes variations de l'étapisme.

Véronique Hivon esquive le débat sur le «comment» en se cachant derrière le «pourquoi». Martine Ouellet se lance tête baissée dans un 3e référendum. Jean-François Lisée repousse l'étapisme à 2022. Finalement, Alexandre Cloutier nous (re)proposera sa version 2.0 de l'étapisme distillé, le référendum d'initiative populaire où une étape supplémentaire est ajoutée.

Trois questions, deux réponses

1 -- Un référendum gagné par le OUI (même avec un score improbable de 90 %) transformerait-il le Québec en un pays ipso facto?

La réponse est malheureusement «non». Pour que le Québec devienne un État indépendant, il faut qu'il devienne effectif dans toutes les sphères de compétences normalement dévolues aux États indépendants. Il faudra donc mettre sur pied de nouveaux ministères (affaires étrangères, défense, affaires autochtones, etc.), arrimer des ministères coexistants (justice, revenu, santé, etc.), créer de nouvelles institutions (cour suprême, armée, banque centrale, etc.) et se doter de nouveaux attributs (constitution, code criminel, monnaie, passeport, etc.). Donc, la réalisation de l'indépendance n'est pas un moment ponctuel, un moment magique. La réalisation de l'indépendance d'un État est un long processus. Or, dans le cadre de la stratégie étapiste actuelle du Parti québécois, une victoire référendaire -- aussi large soit-elle -- n'a rien d'effectif, est sans aucune valeur en droit, n'a de valeur que consultative et n'est rien d'autre qu'une grosse fête au début de la réalisation de l'indépendance de notre État.

2 -- Un référendum est-il nécessaire et obligatoire pour amorcer le processus de réalisation de l'indépendance?

La réponse est heureusement «non». Par exemple, le long processus de réalisation de l'indépendance du Canada (de 1867 à 1982) n'a jamais été approuvé par référendum ni même soumis à la population lors d'une campagne électorale. En fait, lorsqu'un référendum est utilisé dans un processus de réalisation d'indépendance d'un État, c'est généralement en fin de parcours, pour officialiser le tout. Par exemple, on peut penser à la Norvège qui avait proclamé la dissolution de l'union avec la Suède en juin 1905, avant de remporter un référendum en août de la même année. Plus récemment, on peut penser au Monténégro dont le référendum de 2006 marqua la fin d'un processus de réalisation de l'indépendance entamé une dizaine d'années auparavant. Ainsi, au moment de tenir son référendum, le Monténégro était déjà indépendant dans les faits ; il avait déjà ses douanes, sa milice, sa propre citoyenneté, le dinar avait déjà été remplacé par une autre monnaie (d'abord le mark allemand, puis l'euro), il y avait un régime de taxation unique, etc. On peut aussi penser au processus qui a actuellement cours en Catalogne où l'élection d'un gouvernement indépendantiste s'est avérée être le moment inaugural d'une démarche vers le pays.

3 -- Puisque la réalisation de l'indépendance est un processus et qu'un référendum n'est pas nécessaire pour l'entamer, demandez-vous le mandat d'amorcer une démarche vers le pays?

Voilà la question qu'il faut poser aux candidats à la chefferie du PQ. Il faut amener les candidats à se salir les mains, à débattre de mécanique, car elle fait actuellement défaut, lamentablement.

En guise de conclusion, voici deux citations importantes sur l'étapisme.

«Avec le recul, le référendum apparaît comme la plus grande erreur du Parti québécois. Jusque-là, sa stratégie avait été extrêmement efficace pour le Québec et extrêmement dangereuse pour le Canada. Claude Morin me l'avait décrite il y a longtemps : ‹ Nous nous séparerons du Canada de la même manière que le Canada s'est séparé de l'Angleterre. Nous couperons les liens un par un, nous obtiendrons une petite concession ici, une petite concession là et, finalement, il ne restera plus rien. › Dans un premier temps, c'est exactement ce que fit le gouvernement du Parti québécois. Il exigea de nouveaux pouvoirs, imposa sa présence internationale et, comme chaque demande paraissait raisonnable en elle-même et dans l'intérêt de la province, la population suivit. Avec le temps, le Québec serait devenu indépendant dans les faits et son indépendance juridique serait allée de soi. Mais le référendum cristallisa le débat et, en dépit de l'ambiguïté extrême de la question posée (le mot ‹ indépendance › en avait été exclu), la population fut forcée de faire un choix. Elle dit Non à l'indépendance.»

- JEAN CHRETIEN, Dans la fosse aux lions, 1985

«L'idée du référendum me fut involontairement suggérée en 1969 par trois personnalités renommées de l'establishment politico-technocratique anglophone fédéral.»

- CLAUDE MORIN, Les choses comme elles étaient, 1994

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