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L'aide à mourir et la dualité provinciale-fédérale

Conférer l'encadrement de cette pratique au gouvernement fédéral ne serait, en ce sens, qu'une sorte d'ingérence contreproductive dans la compétence provinciale.
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Le comité MedPASS sur l'aide médicale à mourir fut créé en réponse au jugement de la Cour suprême du Canada de février 2015. Tel qu'établi par la Cour, les lois canadiennes se devaient dès lors d'être modifiées afin de décriminaliser l'aide à mourir. Notre comité s'est donné comme mission d'étudier et d'évaluer le nouveau rôle du gouvernement fédéral dans cet enjeu, ainsi que les différentes options législatives dont ils bénéficient.

À l'heure où nos parlementaires se penchent sur cette question, le devoir du gouvernement paraît reposer sur deux points fondamentaux : la protection des personnes vulnérables, et l'accès universel à travers le pays. Il s'agit ainsi de trouver un équilibre législatif qui sera dans le meilleur intérêt des patients canadiens. Dans le cadre de son étude, notre comité a également pu prendre conscience de la dualité provinciale-fédérale qui représente un autre enjeu à être soupesé par le gouvernement Trudeau.

Si le Code criminel, qui criminalise actuellement l'aide à mourir, relève de l'aile fédérale, les soins de santé, eux, sont de pouvoirs partagés entre les deux paliers de gouvernement, tout en étant d'expertise provinciale. Là réside un dilemme qui n'est pas résolu noir sur blanc dans la Constitution canadienne. Le gouvernement doit présentement déterminer quelle latitude donner aux provinces dans l'exercice de leur pouvoir en santé, tout en assurant la protection et l'accès vis-à-vis l'aide à mourir pour tous les Canadiens, d'un océan à l'autre. La tâche est sensible, et des compromis semblent inévitables.

À travers recherche et consultations, notre comité a constaté que l'expertise provinciale quant aux services de soins de santé et à la réglementation de la profession médicale détient un poids considérable dans toute cette équation. Même si le fédéral possède des pouvoirs accessoires nets en matière de santé, la proximité et familiarité des provinces avec leurs réseaux et professionnels de la santé est un atout essentiel pour assurer une instauration et réglementation efficaces et coordonnées de l'aide à mourir. Conférer l'encadrement de cette pratique au gouvernement fédéral ne serait, en ce sens, qu'une sorte d'ingérence contreproductive dans la compétence provinciale.

Notre comité en est ainsi venu à recommander que la loi fédérale ne soit formulée que pour représenter les directives larges de l'arrêt Carter, déléguant aux provinces l'interprétation et la réglementation précises de l'aide à mourir. Il apparaît clair que toute tentative de la part du fédéral pour encadrer la pratique de l'aide à mourir ou fournir des directives précises aura un impact contraignant et non souhaitable sur l'accès, sur la coordination des soins et sur la cohérence de ce nouveau système qui s'instaure au Canada. De surcroît, les provinces détiennent les connaissances nécessaires et des institutions qui leur sont propres, institutions qui sont adaptées à leurs besoins et contraintes régionales.

La responsabilité du gouvernement fédéral n'en est cependant pas amoindrie. Si, selon nos travaux, Ottawa devrait laisser aux provinces la tâche de réguler l'accès à l'aide à mourir, le rôle du Parlement est loin de se terminer après la réécriture des articles du Code criminel. Il sera capital d'assurer une étroite collaboration entre toutes les provinces et la scène fédérale, encore une fois, pour assurer une certaine uniformité et cohésion pancanadienne. Il est primordial qu'une discussion constante soit maintenue entre les différents gouvernements du pays au sujet de cette pratique complètement nouvelle pour notre société. C'est à travers ce rôle de supervision et de coordination, et non par des lois contraignantes, que le gouvernement fédéral pourra assurer, à long terme, la protection des gens vulnérables et un accès universel. Cela permettra un ajustement continu et un partage essentiel de connaissances sur l'aide à mourir.

Aussi évidente soit-elle aux yeux de notre comité, il est clair que cette recommandation peut amener certaines inquiétudes sur des disparités qui pourraient tout de même survenir entre les provinces, notamment en matière d'accès. Les différences régionales laissent penser que certaines provinces pourraient être plus hésitantes que d'autres lors de l'établissement d'un service d'aide à mourir.

L'accès à l'aide médicale à mourir est une question très vaste qui, bien que déjà explorée par notre étude, sera analysée davantage. La prochaine publication sur ce blogue traitera d'ailleurs de certaines particularités canadiennes sur cette question.

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