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L'esthétisme et l'identité

Lorsque le culte de la superficialité se répand, il est possible de croire que les gens n'ont plus vraiment de valeurs, si ce n'est que l'importance accordée à leur image.
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Fondamentalement, chaque individu est unique, avec une façon propre de penser et de percevoir ce qui se présente à lui. En pratique, chacun peut même tenter de présenter son unicité via un style vestimentaire et/ou une apparence physique distincts qui seraient le reflet de sa personnalité.

Une personne peut alors afficher son côté plus rock et rebelle en s'habillant d'une veste de cuir, d'un jean défraîchi, tout en portant les cheveux en bataille lorsqu'elle sort entre amis. Celle qui se veut plus chic, soignée et fière de sa prestance sociale enfilera peut-être des souliers propres et lustrés, puis revêtira un veston, des pantalons bien repassés et, possiblement, une cravate. D'autres s'afficheront avec des vêtements ou des tatouages indiquant des propos à l'encontre de l'ordre établi pour signaler leur marginalité. Bref, les exemples sont multiples.

Or, l'image que veulent véhiculer ces gens par le biais de leur style vestimentaire et de leur apparence physique ne reflète certainement pas leur véritable identité. Celle-ci est plutôt ce qui les caractérisent essentiellement, à savoir leur histoire, leurs traditions, leurs valeurs, leur façon d'être et de vivre, dans leur individualité comme en société, et non ce que les autres voient d'eux.

Malgré tout, il semble que ce que l'individu projette aux autres soit plus important que ce qu'il est fondamentalement.

Par l'entremise de leur style vestimentaire et/ou de leur apparence physique, certains se construisent une image aux yeux des autres. Prenons une personne avec des valeurs familiales, une grande générosité, des qualités culinaires et une passion pour l'horticulture, mais qui est tatouée d'images grossières sur une grande partie de son corps. Indépendamment de ce qu'elle est fondamentalement, les autres pourraient la percevoir comme une personne dure, même s'il n'en est rien. Seulement, c'est ce qu'elle cherche à projeter, du moins en partie. Lorsque la situation l'en avantagera, comme lors d'une dispute avec un étranger, elle ne cherchera sans doute pas à atténuer cette image. Idem pour une personne à faible revenu, mais qui s'habille de façon prestigieuse : elle cherchera à tricher sur son image afin d'être perçue comme faisant partie d'une classe plus élevée et ne s'affichera jamais ouvertement comme étant pauvre ou dans le besoin.

Les gens se servent ainsi de leur image justement pour trouver leur place à l'intérieur du corps social. Certains le font notamment pour appartenir au corps social dominant. Lorsqu'une nouvelle tendance vestimentaire apparaît, ceux-ci ne tardent pas à se procurer ces articles de mode et à les afficher. Parmi eux, certains sont plus novateurs et instiguent les modes, alors que d'autres ne font que les suivre. Mais un fait demeure : ils veulent être reconnus comme faisant partie du groupe majoritaire, et ceci passe par ce qu'ils projettent aux autres.

D'autres, plutôt qualifiés de marginaux, se distingueront esthétiquement du groupe dominant, mais ne sont pas moins différents, en ce sens qu'ils projettent également une image pour se positionner dans le corps social. Par leur style, ils désirent se marginaliser des grandes tendances. Les gens qualifiés de hippies, de punks, d'emos, de hipsters ou autres, et qui ont des styles non conventionnels, tiennent mordicus à ce qu'ils projettent aux autres. Le hippie ne portera jamais de vêtements griffés, idem pour le punk, car, selon eux, ces symboles représentent l'ordre, l'autorité économique oppressante ou la domination capitaliste, par conséquent l'antipode de leurs valeurs. Ces symboles ne représenteraient donc pas leur «identité». Les looks emo et hipster sont pour leur part plus subtils, mais nécessitent des accessoires dont l'importance n'est pas moins capitale. Les lunettes old school ou encore le maquillage constituent des éléments essentiels à ces styles. Ils doivent absolument être présents pour construire cette image de personne qui se trouve plus ou moins en marge des standards établis.

D'ailleurs, que l'image projetée respecte ou non les standards, c'est ce que les autres retiendront avant tout d'une personne. Pour preuve, lorsque des gens discutent d'une tierce personne, absente, et qu'un d'entre eux demande «qui est-elle?», elle sera généralement définie en superficialité. On répondra qu'il s'agit de quelqu'un qui s'habille de façon X, arborant un tatouage au bras gauche du genre Y, conduisant une voiture Z, etc. Plus rarement, on mentionnera qu'il s'agit de quelqu'un de généreux, serviable, altruiste, sportif, etc., toutes des caractéristiques pourtant fondamentales d'une personne.

En fait, bien que le style permette de définir partiellement une personne en ce sens qu'il peut la caractériser et la différencier des autres, l'identité se veut bien plus que cela. Il s'agit avant tout du caractère permanent et fondamental d'une personne, c'est-à-dire ce qui fait son individualité. La notion d'identité va alors au-delà de la superficialité vestimentaire et physique que les autres perçoivent, puisque ces éléments ne sont en rien permanents. Les valeurs, les qualités, la façon d'être et de penser détermineront donc davantage l'essence d'un individu, car ils ne sont pas la proie du changement perpétuel.

Néanmoins, plusieurs vont croire que ce qui les définit sera le projet de ce qu'ils sont dans la société, si bien qu'ils développeront leur identité au travers ce que les autres verront d'eux. Ils seront prêts à suivre une tendance (ou pas) afin que les autres croient qu'ils possèdent une identité X.

Cette attitude est perverse puisqu'il y a le danger de «chosifier» l'autre et surtout, l'être. Malgré sa personnalité propre, l'autre sera perçu comme une chose ou un objet superficiel, qu'on distingue en fonction de sa forme et de son apparence physique, et non en fonction de son essence. Plus pernicieux encore, l'individu en vient même à vivre pour ce que l'autre voit de lui, ou veut bien voir de lui. Celui-ci devient simplement un «être-pour-autrui». Il peut ainsi négliger les fondements mêmes de sa propre personne pour se concentrer exclusivement sur ce que les autres perçoivent de lui. Son essence, son identité, et donc ce qui le caractérise fondamentalement, se voient relégués au second plan. Pourtant, il apparaît difficile de vivre en fonction du regard d'autrui, car personne n'a la même sensibilité, en ce sens que personne ne peut déterminer de façon catégorique ce que l'autre ressent véritablement à un moment ou un autre, aussi bien que personne ne peut affirmer ce que l'autre est, fondamentalement.

«L'enfer, c'est les autres», a écrit le philosophe Jean-Paul Sartre. Eh bien, il devient effectivement infernal de vivre en fonction de ce que les autres pensent de nous. Lorsque le culte de la superficialité se répand de la sorte, il devient possible de croire que, dans une mesure extrême, les gens n'ont plus vraiment de valeurs sur lesquelles appuyer leur existence, si ce n'est que l'importance accordée à leur image. Ceux-ci ne vivent alors qu'en superficie et dans l'esthétisme. Pourtant, «on s'en va nulle part si la substance se résume aux symboles».

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