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Paludisme: une vue d'ensemble

Aujourd'hui 25 avril, Journée internationale contre le paludisme, les médias vont s'intéresser au paludisme. Les principaux quotidiens raconteront l'une des plus grandes réussites de ces derniers temps en matière de santé publique. Les caméras seront pointées sur les premières lignes du combat contre le paludisme.
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AFP/Getty Images

Lorsque, en l'an 2000, les dirigeants africains décidèrent d'inscrire une Journée du paludisme sur le calendrier des commémorations mondiales, la maladie causait des ravages que les décideurs internationaux des pays opulents pouvaient à peine percevoir. Maladie rangée aux oubliettes de la pauvreté, le paludisme prenait la vie des habitants des communautés du Sud sans qu'il s'en trouve beaucoup pour s'en inquiéter.

"Ici, c'est tous les jours la journée du paludisme", m'a une fois dit un médecin alors que je visitais un centre de santé de la région de Gao, au nord du Mali. Fraîchement désignée ministre de la Santé du Mali, j'étais en tournée dans tout le pays pour faire le bilan de la situation et rencontrer les hommes et les femmes qui veillaient à la santé de la nation. Alors que l'on me présentait au personnel, j'ai vu une femme recroquevillée sur un bout d'étoffe aux couleurs éclatantes, le visage ravagé par la douleur.

"Elle a transporté ses jumeaux là-dedans, m'a dit le médecin. Elle a marché deux jours durant pour les amener ici. Ils étaient dans le coma à son arrivée. C'était trop tard pour traiter leur paludisme".

"Chaque jour, nous voyons des enfants mourir, a ajouté une infirmière d'un ton grave. Il est bien rare que les journaux s'en soucient".

Aujourd'hui 25 avril, Journée internationale contre le paludisme, les médias vont s'intéresser au paludisme. Les principaux quotidiens raconteront l'une des plus grandes réussites de ces derniers temps en matière de santé publique. Les caméras seront pointées sur les premières lignes du combat contre le paludisme. Sur Twitter, Facebook et partout sur le net, des organisations, des partisans de tous horizons exhorteront la communauté internationale à concentrer ses crédits et son attention sur les efforts déployés à l'échelle mondiale pour vaincre le paludisme.

Pour aller plus loin:

» Le site de Roll Back Malaria

Cet éclairage public sans précédent -une réussite en soit- met en avant les changements novateurs par lesquels est passée la lutte contre le paludisme au cours des 13 années écoulées.

L'engagement pris à Abuja par les dirigeants africains de régler la question du paludisme a induit une série d'événements qui sont appelés à bouleverser le destin de millions de personnes. Leur appel à l'action s'est répercuté dans la vision du Millénaire en faveur d'une amélioration de la situation du monde -les objectifs du Millénaire pour le développement approuvés par chacun des États membres de l'ONU. Un partenariat mondial visant à faire reculer le paludisme s'est appuyé sur la force de ses diverses organisations partenaires pour que soient connus de tous les faits et les visages de cette histoire jusque-là discrète du paludisme. Il a rallié tous les principaux intervenants autour d'un idéal unique et d'une stratégie consensuelle pour agir de façon concertée.

À mesure que se construisait la confiance, les bailleurs de fonds internationaux ont investi plus de 10 milliards de dollars au cours des dix dernières années dans les efforts mondiaux de lutte contre le paludisme, principalement au travers du Fonds mondial, de l'Initiative présidentielle pour lutter contre le paludisme (États-Unis) et de la Banque mondiale, mais également par l'intermédiaire du Ministère britannique du développement international et de la Fondation Gates. Grâce à ces fonds, il a été possible de mettre en œuvre quatre moyens fondamentaux de lutte antipaludique: les moustiquaires imprégnées d'insecticide, les pulvérisations intradomiciliaires, le diagnostic et le traitement rapide avec des médicaments efficaces. Cet engagement plus marqué et cet afflux d'argent en faveur du combat livré à l'échelle internationale ont permis à la communauté qui mène cette lutte de croître, de gagner en diversité et d'être mieux équipée pour aider les pays d'endémie à fournir des biens et des services aux personnes qui en ont besoin.

Aujourd'hui, heureusement il y a des résultats tangibles. Le nombre de décès imputables à la maladie a diminué d'un tiers en Afrique - un quart à l'échelle mondiale - par rapport à l'an 2000. Le dernier Rapport sur paludisme dans le monde (2012) montre que sur 104 pays d'endémie palustre, 50 sont sur la bonne voie pour réduire de 75 % les taux d'incidence du paludisme d'ici 2015. Neuf d'entre eux sont en Afrique. Plus d'un million de vies ont échappé aux griffes du paludisme depuis l'an 2000, principalement des enfants de moins de cinq ans.

La lutte contre le paludisme est saluée comme étant l'un des investissements les plus rentables dans la santé publique, une stratégie efficace au regard des coûts pour rendre le monde meilleur. Il a été démontré qu'elle accélérait les avancées vers de nombreux autres objectifs du Millénaire pour le développement liés à la santé maternelle et infantile, à l'éducation et à la réduction de la pauvreté.

Néanmoins, les acquis obtenus à ce jour restent fragiles. On ne peut briser ici l'élan pris pour faire reculer le paludisme. Non seulement faut-il étendre les réussites dans les pays à toutes les populations exposées au risque, mais encore est-il nécessaire de les pérenniser pendant de nombreuses années. La résistance qui apparaît aux outils disponibles doit être endiguée et il convient de poursuivre les recherches pour trouver de nouveaux outils, de nouvelles politiques et de nouvelles techniques.

Malgré ses progrès stupéfiants, l'Afrique risque l'échec si les ressources qui ont rendu ces avancées possibles se tarissent. Or, si l'Afrique échoue, ce sera également un échec pour les efforts menés à l'échelle planétaire et le coût qu'il faudrait payer pour réparer ces pertes serait bien plus élevé que l'investissement nécessaire aujourd'hui.

Alors qu'il faudrait 5 milliards de dollars US chaque année pour atteindre et maintenir l'accès universel aux interventions antipaludiques dans le monde, on ne dispose à l'heure actuelle que de moins de la moitié de cette somme - 2,3 milliards de dollars US.

Les partenaires de Faire reculer le paludisme ont élaboré - et déploient en ce moment - une stratégie de mobilisation des ressources nécessaires en Afrique et dans le monde pour atteindre les objectifs de 2015 en matière de paludisme et maintenir la maladie sous contrôle par la suite. Dans le climat économique actuel, il devient toujours plus important d'engager des moyens financiers pour la santé. Un usage avisé des ressources disponibles s'avère de plus en plus critique et la diversification des sources de financement inévitableCes principes constituent les fondements de la stratégie Faire reculer le paludisme que les partenaires appliquent en association avec l'Envoyé spécial de l'ONU pour le paludisme, dans le but de financer les objectifs du Millénaire pour le développement liés à la santé.

Prochainement, le Partenariat Faire reculer le paludisme entamera une campagne de trois ans destinée à donner une vue d'ensemble de la lutte contre le paludisme et d'encourager les actions menées en vue d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement en rapport avec la maladie. Cette campagne mettra en lumière l'engagement politique et les investissements consentis, expliquera qui fait quoi en matière de lutte contre le paludisme et montrera en quoi les organisations partenaires concourent à ces avancées. Elle démontrera qu'il ne peut y avoir de croissance économique et sociale durable sans un investissement pérenne en faveur de la lutte contre le paludisme et des efforts d'éradication de la maladie.

Dans quelques mois -en septembre de cette année- le Fonds mondial, qui est le principal bailleur de fonds de la lutte contre le paludisme, demandera à ses donateurs qu'ils contribuent à la poursuite des efforts qu'il déploie pour enrayer les trois grandes affections mortelles de notre époque : le paludisme, la tuberculose et le VIH. Certes, les pays d'endémie allouent des parts plus importantes de leurs budgets à la lutte antipaludique, mais nombre d'entre eux -et plus particulièrement parmi ceux à faible revenu- continuent de dépendre des subventions du Fonds mondial pour répondre à l'urgence de leurs besoins dans ce domaine.

Doté de moyens suffisants, le Fonds mondial appuierait les efforts que les pays déploient pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement liés à la santé. Certains pays concrétiseront ces objectifs ambitieux. D'autres, non. Quoi qu'il en soit, chaque pays profitera d'un renforcement des efforts qu'il fournit.

L'élan pris ces dernières années, s'il se maintient, a le pouvoir d'alléger le fardeau du paludisme et d'autres grandes maladies en Afrique et dans le monde. Il s'agit d'une occasion rare; une occasion qui pourrait ne plus jamais se représenter.

L'heure est désormais venue d'investir dans la santé des plus démunis de notre planète. Il n'est nullement question ici de faire œuvre de charité, mais bien d'investir. Un investissement dans des sociétés en meilleure santé, plus équitables et plus prospères. Un investissement dans un monde plus sûr.

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