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La CAQ fédéraliste à tout prix

François Legault n'est aux yeux du Canada rien de plus qu'un libéral bleu poudre, qu'on peut ignorer à loisir sans répercussions.
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Depuis ses débuts, le parti de François Legault s'est toujours présenté comme une formation nationaliste à tendance autonomiste sans toutefois préciser si elle était solidement attachée au fédéralisme canadien.
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Depuis ses débuts, le parti de François Legault s'est toujours présenté comme une formation nationaliste à tendance autonomiste sans toutefois préciser si elle était solidement attachée au fédéralisme canadien.

Dans les dernières semaines, François Legault a multiplié les professions de foi fédéralistes dans l'espoir de rallier l'électorat anglophone, que l'on sait très attaché au Parti libéral. Dans une publicité d'une quarantaine de secondes, le chef de la Coalition avenir Québec explique que son parti est désormais résolument fédéraliste et qu'il est ouvert aux anglophones. Le tout commence avec ce slogan fort simpliste, mais qui ne laisse plus aucune ambiguïté : « CAQ : It's within Canada ». (« CAQ : C'est à l'intérieur du Canada ») Or, maintenant que la CAQ a révélé sa vraie allégeance, fédéraliste quoi qu'il arrive, ses aspirations d'être un parti autonomiste capable de faire de vrais gains pour le Québec sont sérieusement compromises.

Depuis ses débuts, le parti de François Legault s'est toujours présenté comme une formation nationaliste à tendance autonomiste sans toutefois préciser si elle était solidement attachée au fédéralisme canadien. C'est dans cet esprit qu'a été rédigé le document intitulé Un nouveau projet pour les nationalistes du Québec, facilement accessible sur le site Web du parti. On y découvre une vision nationaliste se disant nouvelle, bien qu'étant similaire à la pensée autonomiste d'Honoré Mercier à la fin des années 1800. La CAQ exige notamment du Canada un droit de veto constitutionnel pour le Québec, la société distincte, l'abolition de la fonction de lieutenant-gouverneur, l'obligation pour tous les juges de la Cour suprême de parler le français et l'abolition ou une réforme du sénat.

Le même destin guette François Legault s'il continue dans la voie du fédéralisme avant tout, même avant les intérêts supérieurs du Québec.

Je dois l'avouer, c'est ambitieux. Pourquoi est-ce ambitieux ? Parce que dans le Canada actuel, que le fédéral et les provinces acceptent d'écouter le Québec et ses revendications serait déjà un tour de force, mais de les convaincre d'accepter toutes ces modalités (je n'en ai nommé qu'une partie soit dit en passant) relève de la pure folie. Philippe Couillard, le plus soumis et radical des fédéralistes à avoir dirigé le Québec, l'a appris à la dure lorsqu'il a voulu parler de constitution. Justin Trudeau a dit non, tout simplement. Le même destin guette François Legault s'il continue dans la voie du fédéralisme avant tout, même avant les intérêts supérieurs du Québec.

Voyez-vous, quand on arrive à une négociation avec le fédéral et les provinces anglophones sans plan au cas où les discussions ne seraient pas fructueuses, on se fait immanquablement avoir. Le fédéral et ses provinces ignorent simplement le Québec et signent quelque chose qui leur plaît entre eux, comme en 1992 avec l'Accord de Charlottetown, où le fédéraliste inconditionnel Robert Bourassa s'est fait rouler, car personne ne le croyait capable de répliquer s'il n'avait pas ce qu'il voulait. Pourquoi est-ce que ce serait différent en 2017, maintenant que plus personne n'écoute le Québec au point de le balayer du revers de la main avant même qu'aient lieu des négociations ?

Justement, dans l'introduction du document constitutionnel caquiste, on parle du « Québec d'abord » et de la philosophie de Daniel Johnson père, qui voulait totalement rebâtir le Canada de manière beaucoup plus ambitieuse que la CAQ soit dit en passant. Cette comparaison est défendable, car les deux partagent un idéal d'un fédéralisme décentralisé, diamétralement opposé à ce qui se fait actuellement au Canada. Par contre, ce que François Legault et ses troupes oublient, c'est ce deuxième slogan de Daniel Johnson : « Égalité ou indépendance ». Johnson voulait totalement réécrire la Constitution canadienne pour qu'elle devienne un vrai « pacte entre deux peuples » et non un document colonial propriété de Londres. Le chef de l'Union Nationale savait que son projet était ambitieux, voire irréalisable, alors il s'était créé un rapport de force avec le gouvernement fédéral en affirmant que si ses revendications étaient ignorées, alors le Québec se porterait mieux hors du Canada et qu'il serait tout disposé à faire la souveraineté.

Si Daniel Johnson père avait vécu assez longtemps (il est mort en 1968, deux ans après son élection comme premier ministre du Québec.), il aurait assurément fait bouger les choses, car le fédéral ne peut pas rester indifférent lorsqu'on menace la sacro-sainte unité canadienne. Par contre, lorsque c'est un premier ministre totalement soumis à l'autorité fédérale qui parle, le Canada n'hésite jamais à le mettre en sourdine. C'est dans ce piège que vient de tomber François Legault : s'il aspirait réellement à accomplir ce que revendique son « nouveau » programme nationaliste, il s'est incroyablement nui en scandant haut et fort son amour nouveau de la fédération canadienne. Dorénavant, François Legault n'est aux yeux du Canada rien de plus qu'un libéral bleu poudre, qu'on peut ignorer à loisir sans répercussions.

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