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Le pétard mouillé

En dépit de tout ce qu'il possède, c'est avec très peu d'efficacité que Pierre Karl Péladeau exerce son rôle de leader censé mener ses troupes vers la victoire.
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Contrairement aux États-Unis, où les bons hommes d'affaires font souvent les bons politiciens, la scène politique québécoise (et canadienne) est plutôt dominée par des politiciens de carrière. Du côté québécois, difficile de passer à côté de notre Pierre Karl Péladeau national; la culture populaire l'a même doté d'un surnom que l'on pourrait presque assimiler à une marque de commerce. Pourtant, en dépit de tout ce qu'il possède, c'est avec très peu d'efficacité qu'il exerce son rôle de leader censé mener les troupes souverainistes vers la victoire.

Les manchettes récentes à son sujet semblent prouver ce point. Malheureusement pour lui, alors qu'il représentait encore il y a quelques années une success story bien de chez nous, ses déboires politiques et médiatiques récents lui font désormais une ombre dont il sera difficile de se délester.

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Alors que le Parti Québécois fait du surplace, le temps, lui, avance impitoyablement. L'échéance électorale de 2018 approche à grands pas, surtout que la victoire que cherche le Parti québécois se prépare longtemps d'avance. Il leur reste ainsi un peu moins de 2 ans pour convaincre la population québécoise de les porter au pouvoir et d'adhérer au projet de souveraineté.

Paradoxalement, c'est plutôt de convaincre que PKP est l'homme de la situation qui semble être, du moins pour le moment, l'obstacle majeur du parti.

C'est bien dommage, car M. Péladeau avait tout ce qu'il fallait pour réussir: un nom connu, un compte en banque bien garni, un puissant empire médiatique, une (ex-)femme couronnée d'autant de succès que lui, une belle petite famille nucléaire; bref, tous les ingrédients y étaient pour créer une image politique efficace. Du simple point de vue stratégique, il va sans dire que les fédéralistes n'ont pas tremblé pour rien à son arrivée, car au-delà des idées, assez bien connues de tous pour ce qui est du Parti québécois, PKP causait un redoutable buzz autour du mouvement souverainiste. Avec cet acte de foi sensationnel, il redorait le blason d'un vieux parti paralysé par ses belles-mères.

Hélas, pour reprendre les mots de M. Péladeau lui-même, le plus grand pétard mouillé, en ce moment, c'est lui. Comment ne pas se désoler devant l'utilisation vieillotte qu'il fait de Facebook? N'y a-t-il pas, parmi ses conseillers, des jeunes pour lui dire que sur des médias sociaux, less is more?

Ensuite, l'image politique que M. Péladeau souhaite se donner souffre d'un cruel manque de consistance. Pour un dirigeant d'entreprise précédemment perçu, probablement avec raison, comme un vigoureux détracteur des syndicats, il est étonnant de le voir aujourd'hui chanter avec déférence le «rôle crucial que les syndicats ont joué dans le processus d'émancipation des Québécois».

Remarquez, cette attitude critique envers le syndicalisme n'est pas mauvaise en soi, c'est plutôt son manque de cohérence qui lui fait mal. Il lui serait sûrement plus profitable de construire sa personne politique autour de ce qu'il est, plutôt qu'autour d'un «Capitaine Québec» bricolé avec les traditionnels stéréotypes de la gauche péquiste.

Puis, comment peut-il faire l'autruche quant à l'enjeu éthique du contrôle de Québecor? Sans vouloir entrer dans les détails, disons simplement que sa fiducie sans droit de regard n'est pas une panacée. La résultante est que le PQ se dirige vers un dangereux piège: les autres partis ont beau être silencieux à ce sujet pour l'instant, vous pouvez compter sur eux pour sortir l'artillerie lourde à l'approche des élections. Un projet de loi taillé sur mesure pour traiter de cet enjeu est d'ailleurs tout à fait envisageable.

Finalement, sa venue était censée établir une fois pour toutes la crédibilité économique du projet de pays, ce qui ne s'est toujours pas concrétisé. Non, il monopolise plutôt l'actualité avec ses gaffes, nuisant au travail de qualité de ses collègues. Pensons à Alexandre Cloutier, Bernard Drainville ou Agnès Maltais, tous d'excellents député(e)s dont le travail est passé sous silence par les âneries proférées par leur chef. Ainsi, PKP constitue présentement davantage un passif qu'un actif pour le PQ et la cause souverainiste en général.

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Certes, les tuiles ne cessent de tomber sur la tête de Pierre Karl Péladeau, la dernière en liste étant sa séparation. Il est particulièrement triste de voir son image politique se désagréger petit à petit sous l'effet de l'actualité. Malgré tout, Pierre Karl Péladeau a encore plusieurs atouts. Il peut encore tabler sur une notoriété qui ne disparaîtra pas de sitôt, tout comme l'esprit nationaliste québécois. En outre, son parti demeure, du moins pour le moment, un incontournable de la politique québécoise, ce qui constitue un atout majeur en ce qui a trait à l'attraction de talents au parti. Son historique et ses figures de proue passées sont autant de qualités uniques ─ vous n'enlèverez jamais les Lévesque, Parizeau, Bouchard, Godin au PQ.

Du côté adversaire, le PLQ jouit d'un statut de parti par défaut, deuxième choix d'une majorité, mais n'attisant aucun enthousiasme; la CAQ est dirigée par un chef au charisme réfrigérant; QS est, et restera, un parti marginal contestataire.

Dans ce contexte, rien n'est perdu d'avance. Le temps file, mais il en reste suffisamment pour que PKP recentre son discours et se dote d'une stratégie claire. Dans les faits, son plus grand défi sera de convaincre une majorité de Québécois que son parti est aussi, et même surtout, un parti de gouvernement. Espérons pour lui qu'il ne verra pas son expérience matrimoniale se répéter avec le parti qu'il dirige.

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