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Festival d'été de Québec: «remplir les Plaines», mais à quel prix?

Peut-être faudra-t-il se faire à l'idée. Victime de son succès, le FEQ n'est plus ce qu'il était. Certes, il y a une belle variété d'artistes talentueux, mais ce n'est plus un grand festival de découvertes à l'identité artistique forte. Allez, bon festival tout de même!
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Il est bien loin le temps où le Festival d'été de Québec (FEQ) épousait «simplement» une visée de découvertes et d'enthousiastes prises de risques. Cette année encore, bien que les artistes prenant part au festival donnent bougrement envie, le risque artistique est des plus dilués dans la programmation actuelle. Particulièrement au niveau des artistes américains. Globalement, on y remarque le peu d'effort pour faire - réellement - découvrir de nouveaux artistes, la plupart de ceux-ci étant déjà bien installés dans l'industrie musicale ou déjà estampillés «découvertes» depuis un certain temps. On a affaire à des valeurs sûres, des stratégies et des exclusivités marketing afin de titiller le consommateur. Il semble donc qu'il y en est désormais que pour l'argent des touristes, les grandes vedettes et un désir presque pathologique de «remplir les Plaines» d'Abraham.

Qu'on se comprenne bien, j'aime le festival d'été. J'y vais même chaque année avec plaisir. Cependant, je suis toujours épris d'un certain malaise.

On à beau dire que c'est un festival d'envergure et que le Québec en rayonne, le FEQ est malheureusement devenu, depuis belle lurette, une grosse machine qui fait dans la «business culturelle». Je comprends le principe, mais qui a-t-il de si réjouissant à aspirer à une programmation au contenu blockbuster, année après année? Je me le demande. Est-ce c'est notre Elvis Gratton intérieur qui s'écrit «think big»? Nos relents de colonisé qui s'expriment? «... Il semble que ce qui vient d'ailleurs soit toujours plus beau que ce que nous avons ici», lançait David Doyon.

Il n'y qu'à voir comment les grosses scènes extérieures sont souvent monopolisées par les artistes, dits «big», et a contrario les bars, salles de spectacle et petites scènes extérieures - là où les belles découvertes se font habituellement - font place aux artistes émergeant ou aux artistes moins connus. Ceux-ci bien souvent Québécois ou Canadien, tiens tiens.

Ce qui prévaut c'est d'attirer des vedettes de l'extérieur (Tiesto, MGMT et consorts), du «lourd», «de l'international». Pour le FEQ, un artiste de chez nous, qu'il soit follement intéressant et en avance sur son temps musicalement parlant, il importe peu. Ce qui compte au final, c'est sa capacité à «remplir les plaines» ou à vendre de la bière. On se souviendra que Dominique Goulet, alors directrice de la programmation du Festival d'été, a tenu, en 2010, des propos méprisants à l'égard des artistes québécois incapables de «remplir les Plaines». On aimerait croire à un cas isolé, mais non. On a encore du mal à laisser les plaines à un artiste qui ne peut ravir des dizaines de milliers de spectateurs, le geste est trop risqué. À cet égard, ne condamne-t-on pas des talents en leur laissant toujours les mêmes petites salles ou en les ignorant simplement? Pourquoi ne pas mettre en évidence les talents de chez nous? De quoi avons-nous peur?

Concernant la frange des organisateurs du FEQ qui semble mesurer le succès d'un spectacle au nombre de bières vendues, que font-ils de la qualité de l'artiste, de l'acoustique du spectacle, des heureuses rencontres artistiques et du nombre de personnes qui ont pu avoir une révélation musicale? On ne le sait.

Dans une brochure d'information du FEQ , il y a un passage révélateur quant aux aspirations des organisateurs. Sous Le festival d'été c'est: on place la chanson francophone en dernière position dans les styles de musique présents, après le rock, hip-hop, indie, pop, electro et musique du monde. Les artistes émergents subissent le même sort alors qu'il est question du type d'artistes présent au FEQ. En effet, les artistes émergents passent après les grandes vedettes internationales et les étoiles montantes. C'est bien sûr anodin, et il en va sûrement de convention littéraire, mais ces détails expriment, l'air de rien, les priorités du FEQ, noir sur blanc.

Le billet se poursuit après la galerie

Paul McCartney

Festival d'été de Québec: quelques artistes

Historiquement, le FEQ a permis de faire découvrir aux Québécois de nouveaux genres musicaux, de s'ouvrir à l'Afrique, l'Europe et aux États-Unis, mais également il a joué un rôle de premier plan dans la promotion de la chanson francophone. À l'égard de cette dernière visée, le FEQ a quelque peu baissé les bras avec le temps, la concurrence avec les Francofolies aidant. En même temps, précision que le FEQ n'a aucun mandat officiel rattaché à la musique francophone.

Dans les dernières années, le FEQ a subi de fortes critiques en lien avec la faible présence francophone sur ses scènes. Daniel Gélinas - l'intouchable- avait alors piteusement répliqué dans La Presse qu'on entendait de nombreux artistes chantants en anglais aux Victoires de la musique et de poursuivre que si les Français le faisaient, soit délaisser quelque peu les artistes chantant dans la langue de Molière dans le cadre d'un événement, pourquoi pas nous.

Le festival semble avoir corrigé le tir, du moins essaye-t-il fortement. Il y a des artistes québécois en quantité considérable cette année, 95 pour être exact.

Le but du FEQ n'est pas de promouvoir exclusivement la culture québécoise, soit. Il demeure qu'une sensibilité à son égard est la bienvenue. Si nous pouvons nous réjouir des efforts faits en ce sens, il y a toujours place à l'amélioration, surtout quant à être moins frileux dans le choix des artistes qu'on invite. Des observateurs de la sphère musicale québécoise - les gens de feu Bande à part en première ligne - pourraient vous faire mention de dizaine et dizaine d'artistes de la relève méritant de se produire dans le cadre du FEQ. Peut-on laisser la place à d'autres artistes que ceux se produisant déjà un peu partout? Sans rien leur enlever, qui ne connaît pas déjà Catherine Major, Cœur de pirate, Les trois accords, Loco Locass, Richard Desjardins, Caféine, Robert Charlebois?, pour n'en citer que quelques-uns.

Pourquoi ne pas inviter des artistes du Festival OFF de Québec par exemple, et permettre à tous de découvrir - qui plus est en plein air - quelques perles rares locales. Il me semble que ça devrait être la première priorité du FEQ, faire découvrir !

Le véritable problème est là. On ne se promène guère plus par simple curiosité sur les aires du FEQ. On a plutôt l'impression d'avoir des rendez-vous avec des vieilleries de l'histoire du rock, ou encore avoir affaire à des saveurs musicales dans «l'air du temps». Je veux bien croire que le FEQ fait partie de l'industrie du spectacle, mais pour quoi s'évertuer à délaisser voir abandonner l'identité artistique forte qu'il a déjà eue.

Et puis, à l'égard de la «business culturelle» qui a court au FEQ, il est regrettable que le gouvernement semble sincèrement penser qu'il subventionne la culture. C'est même un peu triste. Qu'on se le dise, «l'aide de proximité» et les subventions aux projets locaux échelonnées sur l'année rapportent bien plus à la sphère culturelle de la Ville que les millions dépensés dans le cadre du FEQ. Certes, cela nous donne une exposition médiatique très enviable - le temps d'une dizaine de jours -, l'office du tourisme et les commerçants sont ravis, mais est-ce vraiment ce que l'on cherche, l'idée que l'on se fait de la culture? Pourquoi considérer la culture dans une logique économique, comme une simple «business subventionnée», plutôt que quelque chose qui enrichit notre collectivité par sa simple expression? Il y a plusieurs visions de la culture et de manière d'appréhender son financement, mais cette vision marchante de la culture promulguée par le FEQ m'apparaît comme une dérive.

Un mot sur le coût du macaron

Pourquoi diable faire monter son prix, encore et encore? Cette année, on atteint le 76 $. Et pourquoi? Pour aller chercher une autre grosse pointure internationale? Il fut un temps où le macaron était à 3$ et où on pouvait acheter les laissez-passer sur place avant son premier concert. Aujourd'hui, on doit fait la file au magasin ou acheter sur Internet, pour ensuite venir s'entasser à l'avance devant les scènes. Quel progrès! Si on retirait les 3-4 grosses vedettes qui viennent chercher, à chaque nouvelle édition, une large partie de l'enveloppe budgétaire, il serait facile de ramener le coût du macaron à 30 $-40 $.

Par ailleurs, 76 $ pour un macaron-bracelet, ce n'est pas ce qu'il y a de plus abordable pour le commun des mortels. À ce coût, quelle famille à faible - ou même moyen revenu - peut se permettre de prendre part au FEQ? Ainsi, c'est toujours un peu les même qui se retrouvent au FEQ, ceux-là qui ont les moyens de payer, toujours un peu plus. J'ai beau essayer, je ne me fais toujours pas à l'idée qu'en raison d'envies de grandeurs mal placées, on empêche le gros de la population d'avoir des macarons à prix raisonnable. Pourquoi ne pas viser une décroissance pour la prochaine année? Surtout en considérant que les macarons ont présentement de la difficulté à trouver preneur.

Si on veut se pencher sur l'origine de l'inflation du macaron, certains avancent que l'arrivée à la direction de M. Gélinas et les recommandations des «focus groups» qui ont suivi n'y sont pas étrangères. En effet, il a été déterminé que les gens étaient prêts à payer beaucoup plus cher leur macaron, si à la clef, ils avaient droit à des spectacles rock de grosse ampleur. La suite, vous la connaissez.

En somme, peut-être faudra-t-il se faire à l'idée. Victime de son succès, le FEQ n'est plus ce qu'il était. Certes, il y a une belle variété d'artistes talentueux, mais ce n'est plus un grand festival de découvertes et on ne perçoit guère plus d'« identité artistique forte », bien malheureusement.

Allez, bon festival tout de même!

En bonus

Puisqu'il faut garder le sourire. Quelques belles choses à se mettre sous la dent à l'occasion du FEQ:

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