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Il n'est jamais trop tard pour changer les choses, pour se donner confiance et pour ramener le « nous » à l'avant-plan.
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Militer au sein d'un parti politique ou d'un mouvement citoyen quelconque permet de rencontrer des gens fascinants, idéalistes, motivés et qui ont une vision pour l'avenir de leur société. Pourtant, ces militants appartiennent à une frange marginale de la société que l'on pourrait qualifier de « 1% ». Pas le fameux 1% le plus riche, mais bien le 1% le plus actif de la société.

S'il est toujours agréable de se réunir entre militants pour discuter d'enjeux variés, il arrive parfois que l'on perde de vue les 99% de citoyens qui ne se lèvent pas le matin pour défendre une cause ou une idée, mais bien pour aller au travail, gagner leur vie et s'occuper de ceux qu'ils aiment. C'est tout à fait normal. Le vote fonctionnant par le pouvoir du nombre, il n'y a pas de plus grande erreur à faire que de se couper de l'écrasante majorité d'une société lorsqu'on souhaite changer celle-ci pour le mieux.

Ça tombe bien, puisque les 99% de citoyens ordinaires sont partout et il suffit souvent de tendre l'oreille quand ils exposent leurs préoccupations, que ce soit à l'école, au travail ou même dans les réunions de famille, pour comprendre bon nombre de choses sur l'état actuel de la vie politique au Québec.

Dépossession

Premier constat : tous sont cyniques à un certain degré. La confiance en l'avenir et en nous-mêmes qui caractérisait la Révolution tranquille s'est bel et bien estompée, depuis le temps, pour laisser place à une ère sans précédent de cynisme politique au Québec. En les écoutant parler, on en vient vite à la conclusion que les Québécois se sentent dépossédés du pouvoir politique et ont l'impression que peu importe ce qui se produit, ce sont d'autres qui décident pour eux. Logiquement, cette impression les encourage à tourner le dos au processus démocratique et crée un cercle vicieux : puisqu'ils ne donnent pas leur avis, bien évidemment que les autres décident pour eux.

Quand même la génération montante, traditionnellement le moteur du changement sociétal, est persuadée de n'avoir aucune incidence sur ce qui se passe autour d'eux, on n'a d'autre choix que d'admettre que le problème a atteint un stade avancé.

De ce phénomène, ce qui me chagrine le plus est de voir des jeunes de ma génération, la plupart d'entre eux n'ayant même pas encore atteint l'âge de la majorité, croire dur comme fer en cette doctrine démobilisante qu'est le cynisme et être profondément convaincus qu'ils n'auront jamais d'impact sur l'avenir de leur collectivité. Quand même la génération montante, traditionnellement le moteur du changement sociétal, est persuadée de n'avoir aucune incidence sur ce qui se passe autour d'eux, on n'a d'autre choix que d'admettre que le problème a atteint un stade avancé.

L'individualisation de la politique

Deuxième constat : le cynisme ambiant a profondément transformé le débat politique jusque dans les façons de parler. En grande discussion avec un cynique, il semblerait que j'aie commis l'erreur mortelle d'employer le pronom « nous » pour décrire la société québécoise et tenter d'exposer ma vision du chemin que celle-ci devrait entreprendre. Mon interlocuteur n'a pas attendu longtemps pour m'interrompre : « C'est qui, nous? Dans tous les cas, JE me fais avoir! »

Ainsi, si on utilisait jadis uniquement ou presque le « nous » comme pronom en politique, témoignant de notre foi en l'action collective, la tendance veut désormais que l'on emploie le « je » pour traiter de l'avenir de la nation. Il n'y a pas de meilleur exemple pour illustrer la régression du débat politique qui accompagne le cynisme, une régression qui témoigne de la foi chancelante des Québécois en leurs institutions et en les leviers d'action collective qu'ils se sont donnés voilà des années. Sachant cela, peut-on vraiment se surprendre que les partis promettant des baisses d'impôts, l'ultime domination du « je » sur le « nous », performent bien dans les sondages?

Infléchir la tendance

Dernier constat : il n'est jamais trop tard pour changer les choses, pour se donner confiance et pour ramener le « nous » à l'avant-plan. Certes, les cyniques sont démotivés, sont en pleine crise de confiance envers leurs structures collectives et songent à s'en retirer, mais rien n'est encore joué. Une immense majorité des gens tient encore aux nombreux services dispensés par l'État, manifestation tout à fait concrète du « nous » par rapport au « je ». Elle ne demande rien de mieux que de voir émerger des projets et des leaders qui sauront leur donner à nouveau confiance en quelque chose de plus grand qu'eux, qui leur permettront de croire que le tout est plus grand que la somme des parties.

Inutile de se faire des illusions, la marche à monter en est une très haute. Il n'y en aura pas de facile. Toutefois, pouvons-nous nous permettre de regarder, impuissants, cette fragmentation du grand « nous », de l'union entre citoyens d'une même nation, en une multitude de petits « je », des individus ne cherchant rien d'autre qu'à « tirer la couverture de leur bord » un peu plus chaque jour? Notre bien collectif mérite mieux que ce triste sort.

Jacques Chagnon, député libéral

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