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Canada 150: Ode à l'absence d'identité

Si le Canada imaginé par Justin Trudeau continue sa trajectoire fermement multiculturaliste et anti-nation, la fissure existante entre le Québec et le Canada s'accentuera jusqu'au point de rupture.
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Des feux d'artifices marquent le 150e anniversaire du Canada, le 1er juillet dernier à Ottawa.
Chris Wattie / Reuters
Des feux d'artifices marquent le 150e anniversaire du Canada, le 1er juillet dernier à Ottawa.

Alors que l'heure est aux bilans de l'année qui s'achève, impossible de ne pas glisser une mention au 150e anniversaire du Canada, auquel le gouvernement fédéral a consacré la faramineuse somme de 500 millions de dollars. Cette année, le multiculturalisme d'État s'est déployé en force au Canada pour fêter non pas l'histoire d'un pays vieux de plus de 400 ans, mais bien le « premier pays post-national » prophétisé par Justin Trudeau, celui où il n'y a « pas d'identité, pas de courant dominant. » Allez chercher pourquoi ce fut un flop retentissant au Québec.

Curieusement, cette absence d'identité occasionne la plupart du temps le déni des francophones canadiens pour laisser toute la place à la glorification de la majorité anglo-saxonne. Prenez par exemple la série The Story of Us, produite par CBC et présentée par le premier ministre en personne. Elle s'est fait connaître du grand public à cause de la place dérisoire qu'elle concédait aux Français et aux autochtones, l'essence de la production étant consacrée à l'histoire de la colonisation anglaise du continent.

Dans la même veine, la compilation de 150 chansons réparties sur 6 disques produite par Universal Music Canada ne contenait aucune chanson en français du tout. Une chanson sur 150, ç'aurait été trop demander? Et pourquoi pas 75 sur 150, question que les deux langues soient traitées également en ce pays où la disparité de traitement entre les deux langues officielles ne fait que grandir d'année en année?

On nous dira qu'il ne faudrait pas s'en surprendre, qu'il est normal que le Canada « post-national », le Canada mondialisé, celui qui n'a plus d'identité, traite exclusivement dans la langue dite « du monde » : l'anglais. Le voilà, l'impact cinglant du multiculturalisme étatique imposé depuis 1982 dans la Constitution canadienne : toutes les communautés non anglophones deviennent de vulgaires minorités ethniques, peu importe leur contribution historique à l'histoire du pays. Bien sûr, les premiers touchés sont les francophones, que le concept antérieur de biculturalisme consacrait comme l'un des peuples fondateurs du Canada. Désormais, il n'en est rien.

En 2017, l'identité canadienne se résume à la politesse, les trous de beigne de chez Tim Hortons, les castors, la police montée et quelques particularismes par rapport aux États-Unis.

Ainsi, Justin Trudeau peut vanter le Canada comme la grande et belle terre d'accueil délivrée de son histoire et de son identité, une véritable page blanche. Sous sa bienveillante gouverne, c'est ce qu'est devenu le Canada : une succursale du « monde », un État qui n'existe pas par lui-même, qui doit se faire définir par les autres. En 2017, l'identité canadienne se résume à la politesse, les trous de beigne de chez Tim Hortons, les castors, la police montée et quelques particularismes par rapport aux États-Unis. (Se définir par opposition, à défaut d'avoir une identité, il faut le faire!) Exit l'histoire nationale, maintenant on vend le Canada comme une marque commerciale : on garde ce qui va vendre et on se défait du reste. Selon cette logique, les grands artistes canadiens sont ceux qui ont réussi à percer aux États-Unis, les autres ne sont que du vulgaire folklore local face à la doctrine canadienne.

À l'inverse de ce multiculturalisme qui avale à la fois l'histoire et l'identité nationale, on retrouve le Québec, éternel mouton noir de la confédération. Loin de se conformer à la tendance canadienne, ses habitants parlent encore le français, pas par « ouverture sur le monde », mais parce que c'est leur langue tout simplement. Heureusement, la dissolution identitaire n'est pas au menu au Québec, où même les plus serviles alliés du Canada n'osent pas proposer de devenir un État « post-national ». L'identité québécoise est non seulement acceptée, elle est trop chère au cœur de beaucoup pour que la nation décide de s'en affranchir. Si le Canada imaginé par Justin Trudeau continue sa trajectoire fermement multiculturaliste et anti-nation, la fissure existante entre le Québec et le Canada s'accentuera jusqu'au point de rupture.

Avril 2018

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