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Autour de L'Herbe des nuits de Patrick Modiano

est une douce euphorie créée par des personnages qui cachent leur passé et qui ne dévoilent jamais leur vraie identité.
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Ces commentaires sont dédiés à Gary Klang et Karim Akouche qui rêvent de mieux connaître Paris, la nuit, aux heures d'insomnie, qui rêvent de guetter l'heure à laquelle s'ouvre une brèche dans le temps pour s'y glisser.

L'Herbe des nuits, 27e roman de l'écrivain Patrick Modiano n'est pas un monde de caprices où les personnages s'engagent dans une quête aléatoire à partir de laquelle se consignent pêle-mêle des trajets et des destinations fortuites. C'est une douce euphorie créée par des personnages qui cachent leur passé et qui ne dévoilent jamais leur vraie identité. On les retrouve dans Paris errant de la Cité universitaire du boulevard Jourdan, au quartier de Montparnasse, habitant de petits hôtels, fréquentant des cafés de nuit, comme dans un rêve, sans que le lecteur ne se doute de leurs projets ni de leur destination.

C'était l'époque de la décolonisation des années 60, du Paris de l'époque de la guerre d'Algérie. Le Maroc est inscrit en plein dans l'œuvre : Dannie, une jeune femme qui a - peut-être - tué quelqu'un, qui brouille les pistes sur sa véritable identité, sur qui se mène une enquête, se retrouvera encore et presque toujours dans un débat identitaire impliquant Casablanca et Paris ; (Il ne s'agit pas du passé, mais des épisodes d'une vie rêvée, intemporelle) Aghamouri et certains habitués de l'Unic hôtel du quartier de Montparnasse, avaient des liens étroits avec le Maroc, avec le milieu de la sécurité marocaine à Paris. Les notes prises et consignées dans un petit carnet noir du narrateur, des personnages douteux, sans vraie identité, positionnent le lecteur entre le passé et le présent qui s'entremêlent dans une atmosphère étrange de rêverie qui pourtant aide à construire, charpenter et à rehausser la magie du texte.

Dans une sorte de palimpseste mémoriel, le narrateur nous fait remarquer que rien ne disparaît jamais tout à fait, bien que les rues ne soient pas les mêmes ou que certains quartiers de Paris aient disparu depuis longtemps. Les lieux, les époques, les personnages s'entrecroisent dans l'esprit du narrateur : un mélange d'oubli et de mémoire questionnant le souvenir comme quelque chose qu'on a gardé ou qui se perd... dans le temps - perdu - (Woody Allen). Mais il y a des souvenirs qui nous ont échappé dans le temps qui palpite, qui se dilate, et qui peu à peu donne cette sensation de vacances et d'infini. Paris est devenu une autre ville dont les lieux sont transformés, saisis entre deux siècles, éliminant tout repère.

Cependant, j'étais aussi sensible qu'aujourd'hui aux gens et aux choses qui sont sur le point de disparaître. Souvent, il se plaît à contempler des terrains vagues, des bâtiments abandonnés et de capter leurs anciennes identités ; c'est la chasse aux souvenirs mêlée à la quête identitaire. Le carnet noir qui détient toutes les notes permet de restituer toutes les traces du passage du narrateur même et surtout les trajets à travers Paris pour lutter contre l'oubli. Il prend le lecteur avec lui dans sa traversée de Paris comme pour tracer une cartographie pour mieux saisir les moments de mystères et d'émotions du roman et matérialiser les rêveries. C'est donc aussi pour le narrateur un Paris-paysage intérieur qui cristallise une histoire personnelle et celle de ses personnages.

Tout compte fait, Paris est devenu l'un des personnages principaux du roman qui, dans sa mouvance dynamique, traverse une couche d'oubli pour atteindre cette zone où le temps est transparent. Le roman, relève un universitaire, fait également allusion à des livres trouvés par hasard, à des auteurs peu ou mal connus : Anthony Hope, Oser Warszowski, Tristan Corbière... une manière de dire que l'oubli n'existe pas et qu'on devrait remonter le cours du temps... le présent n'ayant aucune importance, avec ces jours identiques à eux-mêmes dans leur lumière morne, une lumière qui doit être celle de la vieillesse... Ce récit écrit dans un style utilisant des phrases simples, mais dans un langage précis de l'écriture, est très attachant sinon envoûtant parce que riche et abondant. Déambulant entre temps et souvenirs à travers les rues de Paris, le narrateur connaît des rêves tant lunatiques que troubles comme, par rapprochement osé à la recherche du temps perdu (Proust) dans un voyage inverse dans le temps.

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