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Le panafricanisme, une idée datée et pernicieuse

Nous sommes mieux que des panafricains, nous sommes sans aucun doute possible des Africains. Le panafricanisme n'est pas une panacée; être panafricain, ça n'est pas être un Africain.
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L'Afrique a besoin d'idées politiques nouvelles. Elle fait bien de révérer ses classiques, mais elle se fait beaucoup de mal en ressassant, des années après, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah et alii comme si eux-mêmes en seraient restés à leurs œuvres célébrées s'ils avaient vécu et produit jusqu'à nos jours.

Comme si, ne supportant pas les impératifs de production rapide et la compétition internationale, nous autres panafricains, nous nous allaitions à l'infini des idées qui n'étaient que des contributions mais sont transformées en bibles sociales.

Le panafricanisme, c'est le culte des bons sentiments, une croyance qui en est restée à l'étape de lettre d'intention sans que retrospectivement l'on n'identifie un processus. Il satisfait l'esprit religieux qui nous fait tant de mal: cette recherche permanente de dieux ou, à défaut, de prêcheurs; un certain goût pour les faux prophètes, pour tout dire le culte des marabouts et leur terminologie du cousin jaloux, du voisin pilleur et de l'ami méchant.

Oubliant que panafricanisme est formé d'un préfixe (le dieu Pan) qui n'a jamais fait prospérer aucune racine (panarabisme ou panaméricanisme). Ceux qui disent l'Afrique à travers le panafricanisme ne sont jamais débattus. Nul, de l'intérieur, n'ose les contredire; à l'extérieur du continent on les ignore en public, tout en s'en inquiétant en privé.

En l'absence de contradictoire et de contrepoids à l'impact émotionnel de ces idées trafiquées et recyclées, sans aucun caractère concret, et recueillies d'un temps où l'on ne connaissait pas Lampedusa, Twitter, ou Boko Haram, le panafricanisme prend tout notre temps de cerveau disponible et s'érige en une sorte d'idée qui empêche de penser. Penser à des solutions nouvelles et donc adaptées.

Du coup, toutes les théories conspirationnistes et victimistes ont le vent en poupe. La plus grande force de l'afro-optimisme est le pathos qui l'imprègne. Cette conception matrimoniale du développement (il faut nous unir pour arriver à quelque chose et faire aboutir notre amour-solidarité) ne pose jamais le problème éventuel des mésalliances qui transformeraient des sujétions unilatérales des plus pauvres en assujettissement interne et extérieur. Que chacun balaie déjà devant sa porte et l'Afrique sera bien gardée.

L'insularité de ceux dont on attend des réinventions, les écrivains et leaders d'opinion, se traduit par un anti-intellectualisme inattendu et un «moi-je-isme» tendance, un (anti)racisme (à l'envers) qui fait de l'«autre» occidental un bourreau. Nous avons à faire la synthèse de trop de contradictions.

On dénonce le goût des titres jusqu'à ce qu'on en ait, on se bat contre des dictatures jusqu'à ce qu'elles nous distinguent, on en veut au Blanc mais l'on se glorifie du petit mulâtre de la famille, qui a tout d'un petit Barack Obama ou d'un petit Yannick Noah. This is Africa !

L'expression la plus haute du panafricanisme, l'Union africaine, est une coquille vide: s'il en est ainsi du bois vert, qu'en sera-t-il du bois sec? Les serviteurs de cette idéologie stérile sont des serviteurs inconscients de dictateurs inconscients. Mobutu était devenu un lumumbiste fervent vers la fin de son pouvoir, Paul Biya au Cameroun, d'abord anti-maquisards, se découvre sur le tard une passion pour l'histoire.

Les idées nouvelles ne se fraient pas de chemin, alors nous faut-il davantage de fous, des armées d'iconoclastes, des masses de contestataires... On ne se révolte pas en adhérant à des idées, mais en s'y soustrayant, en résistant, presque par mauvaise foi.

Toutes ces idées réchauffées n'ont été renouvelées par aucun soubassement théorique, aucune technologie de rupture. Comme héros contemporains nous n'avons que des martyrs (Kadhafi, Gbagbo, etc.). Nous avons enfin besoin de héros vainqueurs, de gens qui prouvent qu'ils ont raison en venant à bout de l'adversité, en faisant vivre leurs idées.

Un couplet composé, proclamé, chanté depuis plus d'un siècle, mais resté inopérant doit être audit pour en décaler les vices de constitution. Il en va des idées comme des entreprises, si l'une manque de prospérer, fait faillite, il convient dès lors de donner des identités nominales, des raisons sociales nouvelles. Le projet panafricain existe depuis après la Conférence de Berlin, non pas en réaction à celle-ci, mais dans la foulée de l'abolition de l'esclavage en Amérique.

Nous sommes mieux que des panafricains, nous sommes sans aucun doute possible des Africains. Le panafricanisme n'est pas une panacée; être panafricain, ça n'est pas être un Africain. Si le panafricanisme n'était pas une utopie, il serait incroyablement ennuyeux et naïf comme idée politique. Paul Kagame, à la tête d'un tout petit État africain (le Rwanda), impressionne le monde par ses résultats et ne professe pourtant pour seule idée d'union que l'annexion du Kivu dont les ressources ont gavé son pays.

Le panafricanisme enfin est un rêve de puissance, l'utopie dangereuse de ceux qui croient en un «espace vital», quand l'urgence pour la majorité est à la survie et le décongestionnent des couloirs de la fuite vers l'Europe. La prolifération d'États africains viables et réalistes est une solution partielle, immédiate et directe. Kagame s'en va chercher en personne des doctorants au moment de leur soutenance pour les ramener au pays. Il n'en appelle pas à leur patriotisme mais à des compétences qu'il achète et utilise pour son peuple.

Farouchement nationaliste, il n'hésite pas à profiter de la décomposition de son grand voisin congolais, pour se substituer aux rois belges. Il nous apprend que la taille ne compte pas. L'efficacité qui se satisfait du minimum s'appelle efficience.

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