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La laïcité, un pan de l'identité québécoise

Le gouvernement québécois a récemment annoncé qu'il entendait déposer d'ici peu un document de réflexion sur la question de la laïcité. Pour plusieurs analystes, cette annonce s'assimile à ouvrir la boîte de Pandore. Le Québec se souvient en effet des divergences soulevées il y a six ans par les «accommodements raisonnables». Mais comment expliquer que ce sujet s'avère encore épineux?
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Le gouvernement québécois a récemment annoncé qu'il entendait déposer d'ici peu un document de réflexion sur la question de la laïcité. Pour plusieurs analystes, cette annonce s'assimile à ouvrir la boîte de Pandore. Le Québec se souvient - il est vrai - des divergences soulevées il y a six ans par les «accommodements raisonnables», produits issus de la jurisprudence de la Cour suprême canadienne. Mais comment expliquer que ce sujet s'avère encore épineux? Le gouvernement précédent n'avait-il pas alors répété à l'envi que les recommandations du rapport des deux commissaires étaient déjà appliquées dans les faits?

À bien y regarder de plus près, il semble que le débat n'ait, en vérité, jamais été tranché. La commission Bouchard-Taylor ne se sera contentée que de soulever le couvercle de la marmite sociétale québécoise afin d'évacuer un surplus de vapeur, sans pour autant réduire à feu doux un contenu plus bouillant que jamais.

Il faut dire que ladite commission Bouchard-Taylor n'avait pour objectif, non de débattre, mais bien d'imposer une vision du devenir de la société québécoise. Idéologiquement cadenassée, elle ne pouvait se résoudre à formuler les aspirations de la population québécoise. La démocratie ne commande-t-elle pourtant pas de pouvoir développer des politiques cohérentes issues de la volonté populaire?

Le postulat était le suivant: en adoptant une approche commune à plusieurs pays occidentaux, et inscrite dans la charte des droits et libertés canadiennes, nous ne pouvions qu'aller dans le bon sens. Celui-ci portait un nom: le multiculturalisme. Un dogme censé devenir la ligne de conduite des politiques publiques afin de réussir le pari de l'intégration des populations étrangères.

Et pourtant, ces dernières années, la France, la Belgique, l'Allemagne et même le Royaume-Uni ont fait leur mea culpa. De Bruxelles à Paris en passant par Londres, Berlin ou Amsterdam, le constat est partagé et sans appel: le modèle multiculturaliste a échoué.

Comment? Le multiculturalisme n'aurait aucunement tenu ses promesses? Hé bien non. Comment pouvait-il d'ailleurs en être autrement?

Le modèle multiculturaliste fut souvent présenté aux Québécois comme une doctrine permettant de concilier l'intégration des individus à la société tout en respectant les libertés individuelles. Pourtant, à bien y regarder de plus près, il s'avère qu'elle portait en elle les germes de ses propres contradictions. À commencer par son incompatibilité avec les valeurs démocratiques: il est en effet acquis qu'une population a généralement tendance à attendre des nouveaux arrivants qu'ils s'intègrent et finissent par faire leur les valeurs partagées par la majorité. En cela, le multiculturalisme ne pouvait que décevoir les aspirations de la population.

La coexistence de valeurs culturelles endogènes, voire, sur certains aspects, opposées, n'est pas chose aisée. C'est la raison pour laquelle le groupe majoritaire entend bien faire respecter ses valeurs et ses normes culturelles à la minorité. D'où la nécessité, pour les tenants du modèle multiculturaliste, de porter leurs attaques contre leurs détracteurs, si possible en traitant ces derniers de «racistes», suspectés de vouloir bâtir une société ethniquement homogène. Des accusations d'autant plus lourdes que la société québécoise a, à l'instar de l'essentiel des nations occidentales, assimilé la tragédie de la Shoah, avec pour conséquence l'émergence d'un leitmotiv: «Plus jamais ça!». Un leitmotiv dont le corollaire est progressivement devenu l'excommunication de toute personne suspectée de racisme. Une arme redoutable pour les chantres du modèle multiculturaliste.

Il existe pourtant bel et bien une alternative à un modèle de société passive, au sein de laquelle chaque «communauté» vivrait avec ses propres règles socioculturelles, ne partageant qu'un corpus réduit de règles touchant à l'ordre public avec leurs compatriotes issus d'autres communautés. Ce modèle alternatif, c'est celui de la «Nation».

«Nation». Un gros mot pour certains. Synonyme d'épuration ethnique et de hiérarchie raciale, pour d'autres. C'est faire fi de la coexistence de deux approches du concept de «Nation».

La tradition germanique donne à la Nation («Volk») une conception effectivement ethnique. N'est Allemand que le descendant d'un Allemand. Une conception qui se retrouve encore aujourd'hui dans plusieurs pays, que ce soit le Japon, la Suisse, la Turquie ou même Israël! Mais il existe également un concept «ouvert» de la Nation, inspirée de la tradition héritée de la Révolution française. Ce courant définit la Nation comme une identité collective façonnée par l'Histoire et caractérisée par le partage de valeurs communes. Des valeurs susceptibles de devenir l'épicentre d'une intégration réussie.

C'est en réalité cette conception de la Nation qui a, de tout temps, constitué une des forces motrices de l'intégration des individus dans la société québécoise. Notamment en proposant des référents aux nouveaux arrivants. Ces référents communs - l'histoire, les valeurs, la culture, la langue,...- constituent le socle des relations interpersonnelles dans une société donnée.

Certes, loin d'être statique, la nation évolue. Ses référents changent. Elle n'est pas un absolu et tous peuvent contribuer à sa redéfinition.

Mais, dans un système démocratique, il est évident que ces normes sont définies par le législateur en conformité avec les aspirations de la Nation. La séparation des Églises et de l'État, l'égalité hommes/femmes, le droit au blasphème constituent autant d'exemples de valeurs érigées au rang de normes auxquelles les Québécois sont viscéralement attachés. En cela, le débat qui s'annonce sur la laïcité, loin d'être un tabou, est particulièrement sain. Il renoue avec le fondement même du concept, qui découle du grec «laos», «le peuple». Ou «la Nation», au sens où nous venons de la définir plus haut.

Loin d'avoir réussi à dépasser le phénomène national, l'échec du multiculturalisme nous a au contraire démontré, au Québec comme ailleurs, de l'actualité du projet national. En réduisant la société à ses divisions, le multiculturalisme en finit par oublier que c'est ce qui unit les individus qui les définit et leur permet de vivre en société. Reconnaître l'existence d'une Nation, c'est franchir le premier pas vers l'édification d'un socle commun à une société donnée. Un socle à renforcer et à défendre si nous voulons bâtir une société apaisée. En cela, l'initiative du gouvernement québécois constitue une chance de réaffirmer ce que nous sommes et, ainsi, de mieux savoir où nous allons.

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