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Bombardier doit mourir

Bombardier, c'est David contre deux Goliath.
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Ne comptez pas sur moi pour envoyer des ondes positives à Bombardier pour ses avions de Série C. Ce projet et cette entreprise doivent mourir dans les plus brefs délais afin d'éviter de perdre encore plus d'argent public dans ce fiasco. Oubliez les plans foireux comme «nous aurions pu négocier une meilleure entente que les libéraux» que Legault et Péladeau vont répéter encore jusqu'à la prochaine élection. La seule bonne entente possible était de poliment raccrocher le téléphone en leur souhaitant un bon vol, autre que celui des citoyens du Québec.

Regardons d'abord les compétiteurs de Bombardier qui sont les Airbus A320neo et Boeing 737 MAX. L'un des avantages qu'aurait pu avoir l'avion de Série C sur les autres modèles était sa consommation de carburant qui était 15% inférieur à la compétition. Ça, c'était en 2008 au moment de lancer le projet, avec un baril de pétrole qui venait d'atteindre son pic historique à 144 $US. Les bas prix du pétrole sont là pour rester un bon moment, ce n'est plus un facteur déterminant pour les acheteurs. Boeing a également amélioré son modèle et sera virtuellement à égalité avec son concurrent à ce chapitre lors de son lancement en 2017. L'autre avantage perdu était que Bombardier possédait 2 ans d'avance sur ses compétiteurs, prévoyant au départ sortir l'engin pour 2013 au lieu de 2015 pour les autres.

Voici le carnet de commande ferme des 3 avions en date d'il y a quelques semaines:

Nous devons maintenant soustraire 40 avions avec l'annonce de Republic Airways, le plus grand client à ce jour, qui est en grande difficulté. Une étude mentionne que ce sont 108 avions sur les 243 en commande qui posséderaient un risque d'annulation de commande.

S'ajoute à cela la puissance de Boeing et Airbus qui sont capables, avec le volume de production, de vendre leurs avions en sabrant 50% des profits pour s'assurer de mettre en échec un troisième joueur dans cette industrie. Le même article du Financial Post mentionné ci-haut affirme, bien que l'information ne soit pas confirmée, qu'Airbus aurait même payé les frais d'annulation à une entreprise ayant une commande ferme chez Bombardier pour qu'elle revienne chez Airbus. Bombardier, c'est David contre deux Goliath.

Un David qui délocalise les emplois, qui est mal géré, qui possède déjà une dette de 10 milliards et dont les actions sont menacées d'être éjectées de la Bourse à tout moment. Je ne mentionnerai pas tout, les déboires de l'entreprise sont assez médiatisés depuis quelque temps. Cette compagnie est déjà morte, le gouvernement Couillard a simplement décidé de lui payer un plus gros respirateur artificiel. Ce sera au tour du gouvernement Trudeau de le faire aussi, ne ratant jamais une chance d'être opportuniste. Finalement, avec les quelques milliards supplémentaires qu'il restera à trouver pour Bombardier, qui proviendront assurément de notre gouvernement, nous les aurons payés au complet ces putains d'avions!

Et ça prend un culot sans nom pour venir se plaindre dans les médias que les débats politiques nuisent à l'image de Bombardier:

« Quand il y a de la dissension, s'il y a des choses négatives écrites sur Bombardier ou s'il y a des échanges corsés à l'Assemblée nationale, par exemple, nos compétiteurs coupent tout ça et le présentent à nos clients prospectifs » -John Paul Macdonald, vice-président.

Fermez vos gueules médias, citoyens et politiciens, notre projet est tellement faible que le moindre souffle pourrait faire effondrer la baraque...

N'allez pas croire que le gouvernement Couillard regrette son investissement. À voir la réaction de la population avec la vente de RONA aux Américains, ils achètent la paix à fort prix, c'est tout. La vérité, c'est qu'à part QS ou le Parti conservateur d'Adrien Pouliot, aucune formation politique n'aurait eu le courage d'envoyer paître Bombardier pour ensuite subir la mauvaise presse et la grogne populaire qu'accompagnerait la perte d'un «fleuron». Spécialement les libéraux avec leur promesse de 250 000 emplois qui devient un véritable boulet avec le temps.

Même si les choses empirent pour Bombardier, les gouvernements vont continuer de pomper du fric dans cette aventure destinée à l'échec. Après la Série C, ce sera surement leur dette qu'ils demanderont d'éponger avec de l'argent public. Ils n'ont même pas besoin de faire de chantage, ils connaissent très bien leur valeur sentimentale auprès de la population québécoise et la patate chaude qu'ils sont pour n'importe quel gouvernement en place.

Et les emplois dans tout ça? Traitez-moi de tous les noms, mais je m'en balance complètement. Étant socialiste, le principe de payer des taxes et impôts n'est pas ce qui m'effraye le plus dans la vie, mais subventionner des entreprises privées en quasi-faillite me lève le cœur. Payer pour des routes, des hôpitaux et des programmes sociaux, c'est oui, mais payer la job dans une entreprise privée de mon voisin qui gagne trois fois plus que moi, c'est non. Le capitalisme fait des perdants tous les jours, ce n'est pas quelque chose qui est sur le point de changer.

Si le Québec n'a pas les moyens de se passer de Bombardier et ces emplois payants, cela veut dire que notre économie est déjà morte également, et il est temps d'investir dans le futur, pas chez Bombardier. Nous ne faisons qu'acheter du temps en repoussant l'échéance.

Le vrai nationalisme économique, ce n'est pas de sauver toute entreprise ayant commencé son voyage sur nos terres, mais bien de faire un effort pour consommer localement quand le choix est possible. C'est en consommant localement que nous créerons de l'emploi au Québec, pas en exigeant des garanties d'une entreprise privée.

Comme je ne fais pas confiance à aucun des grands partis politiques pour régler le problème, ni à la population qui voit encore Bombardier comme l'entreprise de Joseph-Armand qu'on doit sauver à tout prix parce que c'était une belle histoire, il ne reste que la faillite complète pour nous éviter des pertes futures. Je célébrerai chaque nouvelle annulation de commande de la Série C dans le futur.

Je termine avec un extrait de l'article Les entreprises ne créent pas l'emploi par l'économiste et philosophe Frédéric Lordon. Cet extrait s'applique comme un gant à la situation présente et les chefs de la CAQ et du PQ auraient intérêt à le lire avant d'affirmer qu'ils auraient fait un meilleur deal que la catastrophe libérale.

Et voilà ce gros nigaud de Roubaud qui déballe tout sans malice ni crier gare: «Encore faut-il que les carnets de commandes se remplissent...», répond-il en toute candeur à la question de savoir si «les entreprises sont prêtes à embaucher en échange». C'est pas faux, Roubaud! Si les entreprises produisaient elles-mêmes leurs propres carnets de commandes, la chose se saurait depuis un moment, et le jeu du capitalisme serait d'une déconcertante simplicité. Mais non: les entreprises enregistrent des flux de commandes sur lesquels elles n'ont que des possibilités d'induction marginale (et, à l'échelle agrégée de la macroéconomie, aucune possibilité du tout), puisque ces commandes ne dépendent que de la capacité de dépense de leurs clients, laquelle capacité ne dépend elle-même que de leurs carnets de commandes à eux, et ainsi de suite jusqu'à se perdre dans la grande interdépendance qui fait le charme du circuit économique.

À quelques variations près, réglées par la concurrence intersociétés, la formation des carnets de commandes, dont M. Roubaud nous rappelle -- pertinemment -- qu'elle décide de tout, ne relève donc pas des entreprises individuellement, mais du processus macroéconomique général. Passives face à cette formation de commandes, qu'elles ne font qu'enregistrer, les entreprises ne créent donc aucun emploi, mais ne font que convertir en emplois les demandes de biens et de services qui leur sont adressées, ou qu'elles anticipent. Là où l'idéologie patronale nous invite à voir un acte démiurgique devant tout à la puissance souveraine (et bénéfique) de l'entrepreneur, il y a donc lieu de voir, à moins grand spectacle, la mécanique totalement hétéronome de l'offre répondant simplement à la demande externe.

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