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Un an plus tard: bilan de vie avec un enfant autiste

La vie n'a plus le même goût qu'avant, mais ce qui nous nourrit c'est l'espoir de voir notre fils tranquillement sortir de l'ombre, se développer et devenir un petit homme. Chaque jour est une surprise et chaque victoire semble arrachée à un destin tracé d'avance.
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Un an après qu'on ait appris que notre enfant souffre d'un trouble du spectre autistique, le mot «autiste» me brûle toujours les lèvres. C'est un mot dur à prononcer et une réalité encore plus difficile à gérer. Tout d'abord, car à nos yeux de parents notre enfant est comme les autres, et ensuite parce qu'il est tout pour nous : le centre de nos vies, de nos préoccupations, de nos conversations, de nos vas-et-viens, de nos joies, de nos peines et aussi de nos questionnements quant à l'avenir. Chaque anniversaire ou célébration du temps qui passe nous rappelle les étapes franchies, mais aussi ce qui n'a pas eu lieu, nos attentes déçues et le chemin supplémentaire à parcourir. C'est simple, on sait que notre enfant est «différent» surtout quand on est en compagnie des autres enfants dits «neurotypiques», donc la majorité du temps. Par contre, grâce à tous les services qu'il reçoit dans le système privé et public, il fait constamment des pas immenses dans la bonne direction. Ce dont nous devons constamment nous rappeler. Lorsque les comparaisons avec les autres semblent dérisoires, je me rappelle que je dois comparer mon fils avec l'enfant qu'il était l'an dernier. Non pas avec celui du voisin. Le réflexe est loin d'être automatique, mais cela permet d'avancer.

Ne rien conclure, ne rien prendre pour acquis

Les leçons de 2013 sont nombreuses, ainsi que les difficultés. Chaque défi (l'acquisition du langage, de la propreté, d'une alimentation diversifiée, de la socialisation) nous rappelle qu'il y a tant à faire, mais chaque nouveau mot, geste, sourire, LEGO qu'il construit tout seul, nous réjouissent. Passer des heures dans la voiture à l'accompagner tous les jours à son centre spécialisé le matin (loin de la maison), le ramener au CPE le midi pour qu'il ait le meilleur des deux mondes, repartir le chercher en fin de journée, travailler entre les moments «creux», essayer tant bien que mal de poursuivre une vie «normale», faire des courses, s'acharner à préparer des repas équilibrés pour un enfant qui n'aime manger que des pâtes, avoir une vie de couple minimalement romantique, essayer de voir encore nos amis, en plus de jongler avec de nombreux professionnels de la santé (ergothérapeute, orthophoniste, nutritionniste, éducatrice spécialisée, analyste du comportement, psychologue et on pourrait en faire plus si on le voulait!), assister à plusieurs rencontres mensuelles de bilan des progrès de notre enfant et remplir des formulaires de toutes sortes nous a épuisés.

La vie n'a plus le même goût qu'avant, mais ce qui nous nourrit c'est l'espoir de voir notre fils tranquillement sortir de l'ombre, se développer et devenir un petit homme. Chaque jour est une surprise et chaque victoire semble arrachée à un destin tracé d'avance. Ce que tous prennent pour acquis - que leur enfant leur parle, les regarde dans les yeux, les salue et leur dise au revoir, joue seul de façon autonome, ait des amis! - nous l'apprécions plus que tout. Depuis quelques mois, notre fils a un ami. Un vrai ami qu'il a rencontré au centre qu'il fréquente le matin, avec qui il partage des jouets, des regards complices, des éclats de rire. Rien n'est perdu, tout se crée. Notre enfant a son rythme et nous nous y sommes ajustés.

Les problèmes que nous vivons nous ont forcés à ne pas penser à l'avenir, car cela ouvrirait la porte à trop d'inquiétude. Quel étrange concept que celui d'éviter de penser à ce qui va arriver plus tard! Car de quoi parlent les gens à part de leurs projets d'avenir (vacances, voyages, éducation de leur enfant, naissance d'un deuxième enfant, activités à venir et vie de famille)? Comment éviter de penser à demain? En fait, cette nouvelle façon d'aborder la vie s'acquiert lentement avec la pratique. Fini les rêves de médailles, de trophées, d'activités parascolaires, nous avons été propulsés dans le monde de l'instant présent, en dehors de toutes les mesures de succès habituelles. Cela cause une bonne dose d'angoisse existentielle, mais de libération du poids d'attentes irréalistes. On ne court pas les cours de violon ou de soccer et on ne se demande pas si notre enfant sera premier de classe, cela ne fait pas partie de nos préoccupations actuelles. Nous avons conclu pour notre survie familiale que nous devons faire une activité par jour et pas plus. Tomorrow is another day, comme on dit si bien.

Enfin, je crois bien que le plus important est de ne pas perdre de vue l'essentiel, ce qui nous tient : l'amour de notre enfant. Ce qui a sauvé notre couple devant l'adversité a été d'accepter que plus rien n'était comme avant. De se dire qu'on avait rêvé ensemble d'autre chose que de tant de défis. Que l'on pouvait compter l'un sur l'autre malgré la tempête qui n'est pas forcément passagère. Qu'il faudra des années avant de peut-être avoir une vie équilibrée. Que nous avons chacun des ressources inespérées en nous. Après le repli stratégique que nous avons opéré l'an dernier, vient le moment où il redevient crucial de penser à soi. Car un père ou une mère épuisé n'a rien à offrir. Se retrouver en amoureux de temps en temps, avoir des activités autres que de s'occuper de son enfant, compter sur le support essentiel de quelques personnes clés aident à passer au travers des moments difficiles. Et surtout à avoir encore envie de se battre, de se lever tous les matins et de se dire : ce combat est le seul qui compte vraiment. Récemment, quelqu'un m'a dit que «ce sont les enfants qui choisissent leurs parents», et bien dans ce cas, nous sommes chanceux qu'il nous ait choisis. Il aura certainement le meilleur de nous et nous de nous-mêmes.

Le blogue d'Emmanuelle Assor est publié dans le cadre de l'opération Voyez les choses à ma façon, une initiative de la Fondation Miriam. Cette campagne rappelle l'importance de faire preuve d'empathie envers les personnes atteintes d'un TSA et met en évidence le caractère unique de leurs besoins en termes de traitement, de soutien, de sensibilisation et de mobilisation. Visitez voyezleschosesamafacon.org pour vous joindre au mouvement.

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