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Littérature et anarchisme

Le Salon du livre anarchiste, probablement le seul évènement littéraire qui attire une présence policière, mais surtout l'occasion de mettre à mal des préjugés véhiculés couramment sur un courant politique un brin marginalisé. C'est la perspective de sortir des sentiers battus (et imposés), de ne pas se retrouver avec un autre roman torche-cul affublé d'un, d'entendre un discours différent de celui entretenu à grands frais par les grands Pontes, soucieux de l'adhésion de tous.
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Ah, les anarchistes... Ce qui a pu en être dit des conneries à leur sujet. Une splendide campagne de dénigrement qui perdure. Agents du chaos, terroristes, rebelles, criminels, vandales, tous les sobriquets les plus comiques y sont passés. Ici aussi, à l'occasion, on leur prête des intentions meurtrières, des idéologies ironiquement totalitaires; toujours à deux doigts de fomenter la révolution armée, d'ériger une version nord-américaine du feu Bloc de l'Est, jurerait-on, à entendre ses détracteurs souvent les moins informés. Depuis un an, on les brandit comme épouvantails, question d'apeurer les ouailles craintives, toujours inquiètes au premier signe de trouble.

Mais ces fous dangereux, qui sont-ils? Des sociopathes comme le suggèrent certains animateurs-psychologues-patentés? Des utopistes vivant dans l'illusion que la triste nature humaine se réhabilite soudainement? Ont-ils des propositions, des idées de société, ou ne sont-ils que de pauvres humanistes désenchantés?

Nombre d'intellectuels ont prôné l'anarchisme et ses valeurs. On peut penser à Proudhon, Bakounine ou Kropotkine. Mais également à certains de nos contemporains tel que Noam Chomsky, David Graeber et plus près encore de nous, le professeur en sciences de l'éducation à l'UQAM, Normand Baillargeon. L'anarchisme, pour citer ce dernier, c'est « l'ordre sans le pouvoir »; c'est un rejet de toute autorité illégitime, donc de nombreuses structures dominantes. Ses défenseurs militent pour le syndicalisme, le féminisme, l'égalitarisme, l'autogestion, la démocratie (au sens étymologique et non celle qu'on nous vend à chaque élection), entre autre. Ils dénoncent les doctrines du capitalisme, le racisme sous toutes ses formes, les abus de l'État, les iniquités qui se perpétuent.

Malgré le contraste évident avec le stéréotype du poseur de bombes, force est d'admettre que l'anarchisme ne peut se vanter d'avoir une réputation enviable.

Eh bien, question de briser les mythes fallacieux et de faire découvrir les vertus de l'anarchisme et de ses déclinaisons multiples aux curieux, se tient cette fin de semaine l'annuel Salon du livre anarchiste de Montréal.

Tribunal populaire, pendaisons publiques de propriétaires fonciers, mise au bûcher du Conseil du patronat du Québec et bastonnades avec les forces de l'ordre seront au menu... Je plaisante, bien sûr. Plutôt comme une foire du livre, avec kiosques et conférenciers invités, rencontres avec les auteurs. Une opportunité de discuter avec des gens créatifs, préoccupés par les décisions du milieu politique et le sort de ceux dont la parole reste inécoutée. Bref, une formule bien connue, moins l'aspect corporatiste obscurcissant la plume des auteurs et le fruit de leurs réflexions.

Un évènement nécessaire, considérant la situation boiteuse dans laquelle s'enlise la littérature, condamnée, à moins d'un revirement inattendue, à ne devenir qu'un vulgaire objet de consommation. Ce bastion de l'art engagé est plus que jamais le bienvenu dans le milieu littéraire. Avec les grandes chaines qui promeuvent de plus en plus le simple divertissement, consécration de l'apathie collective, avec pour objectif unique de faire chanter les caisses enregistreuses, le constat est triste. Quelle place revient désormais aux écrivains dont les écrits font trembler les murs du Temple, dont les mots abattent les dogmes, suscitent le doute? Un coin discret, entre les toilettes et le bureau de la sécurité...

Le Salon du livre anarchiste, probablement le seul évènement littéraire qui attire une présence policière, mais surtout l'occasion de mettre à mal des préjugés véhiculés couramment sur un courant politique un brin marginalisé. C'est la perspective de sortir des sentiers battus (et imposés), de ne pas se retrouver avec un autre roman torche-cul affublé d'un Coup de Cœur vendeur, d'entendre un discours différent de celui entretenu à grands frais par les grands Pontes, soucieux de l'adhésion de tous.

Donc, le 25 et 26 mai, si vous voulez rencontrer ceux qu'on appelle « les parasites », les fameux « anarchissses » tant conspués et ostracisés par les médias de masse, et ainsi former votre propre jugement sur ces « délinquants » en puissance, c'est au Centre culturel Georges-Vanier , 2450 rue Workman, et au Centre d'éducation populaire de la Petite-Bourgogne et de St-Henri, 2515 rue Delisle (métro Lionel-Groulx), que ça se passe! Pavés et cocktails Molotov ne seront pas fournis...

VOIR AUSSI: Une entrevue avec Noam Chomsky sur l'anarchisme (en anglais)

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