Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Si Romney gagne, ce sera la grande inconnue

Fin de la guerre en Irak, George W. Bush et Dick Cheney sont intronisés parias nationaux. Les États-Unis ont bien changé en quatre ans. Que reste-t-il du courant néoconservateur qui prit les rênes après le 11-Septembre? La devise "nous créons notre propre réalité" imaginée par le conseiller de Bush, Karl Rove, a-t-elle de l'avenir après un mandat où Obama a voulu un monde multilatéral?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Mark Taylor via Flickr

Fin de la guerre en Irak, George W. Bush et Dick Cheney intronisés parias nationaux, les États-Unis ont bien changé en quatre ans. Que reste-t-il du courant néoconservateur qui prit les rênes après le 11 septembre? La devise "nous créons notre propre réalité" imaginée par le conseiller de Bush, Karl Rove, a-t-elle de l'avenir après un mandat où Obama a voulu un monde multilatéral?

Dans cette campagne, Karl Rove a pourtant repris la main. Grâce à une nouvelle loi qui l'autorise à lever des fonds illimités pour son soutien "indépendant" au Parti Républicain (200 millions de dollars extirpés à un réseau à faire pâlir d'envie Washington), Rove a su replacer ses pions au sein du Parti.

Les grands points de politique étrangère du programme de Romney en ont subi l'influence: la Russie est une ennemie géopolitique, il faut soutenir une guerre Israël contre Iran, maintenir très haut les dépenses militaires et condamner la politique économique de la Chine.

Mais comme Reagan en son temps qui vacillait d'une vision de l'URSS comme "empire du Mal" à une alliance avec Gorbatchev, Romney organise dans son propre camp la concurrence entre les néoconservateurs et les réalistes. Dernière preuve en date, le conseiller spécial qu'il a nommé pour les questions internationales s'appelle Robert Zoellick, ancien directeur de la banque mondiale, un réaliste pragmatique attaché à l'équilibre des puissances, à la diplomatie et à l'usage de la violence qu'en cas extrême.

Si Mitt Romney l'emporte, quel visage montrera-t-il au reste du monde?

Difficile à dire depuis que "Mitt le modéré", comme l'a baptisé l'éditorialiste David Brooks, est de retour. Absent de la scène publique pendant toute la campagne pour mieux séduire l'aile droite du parti, il a fait un come-back remarqué lors du premier débat.

En politique étrangère, il a prôné une doctrine douce durant le dernier débat. La stratégie lui permet de marcher sur les platebandes d'Obama comme il l'avait fait en politique intérieure, en s'emparant des thèmes de la classe moyenne.

Face à la montée de l'extrémisme au Proche et Moyen-Orient, il veut "s'en prendre aux causeurs de troubles" autant que donner aux musulmans les moyens de rejeter l'extrémisme par eux-mêmes. Droits des femmes, intervention humanitaire, éducation, sa foi mormone n'est pas loin. Il tacle même le gouvernement sur la mort de Ben Laden en lançant qu'on "ne peut pas sortir de ce pétrin en tuant à tout va".

Mentionnant les pays par leurs noms pour éviter de tous les étiqueter "reste du monde", articulant à la perfection les noms compliqués -Kofi Annan, Bachar El-Assad- pour trancher avec Bush, il a même précisé qu'il consulte un groupe de spécialistes du monde arabe mandaté par les Nations Unies, une institution que John McCain, son prédécesseur, avait gravement mis en cause en alléguant son incompétence et sa corruption.

Face à lui, Obama est presque apparu comme un partisan de la ligne dure, martelant dès le début que "son premier boulot comme chef des armées, c'est d'assurer la sécurité des Américains" avant même de parler équilibre international.

Deux courants s'affrontent au sein du Parti Républicain

Si l'on analyse ce dernier débat comme un retour du réalisme modéré chez les Républicains, on peut aussi y voir l'imposition de "l'hégémonie bienveillante" voulu par le manifeste néoconservateur Project for the New American Century, qui s'accompagne du maintien des Etats-Unis comme puissance mondiale unique, d'une vision manichéenne du bien et du mal, et d'un appui fort sur la puissance militaire pour endiguer toute concurrence. Pour les néoconservateurs, la coopération internationale est une farce.

Romney a en effet aussi réclamé une Amérique forte, unilatérale, qui doit avoir la capacité militaire d'agir pleinement dans son intérêt. Dans un même temps, il fut souvent amené à adhérer à une doctrine Obama plus réaliste, notamment sur la question de la déchéance de Moubarak, la place stratégique du Pakistan ou le soutien des mouvements démocratiques mondiaux.

Ce débat aura finalement montré comment les deux courants qui s'affrontent au sein du Parti Républicain divisent aussi l'esprit de Mitt Romney.

Mitt Romney l'indécis

En dépit de toutes les mouvances du Parti Républicain qui font pression sur lui, certains veulent espérer, si Romney est élu, en un style de gouvernance proche du modèle qu'il avait rêvé pour le Massachusetts: non dogmatique et effectué par les meilleurs. Un ancien conseiller de l'époque, Dan Winslow, confirme que "sa priorité dans le recrutement était toujours d'avoir avec lui les meilleurs sur le marché, et il savait y mettre les moyens".

Romney est avant tout un manager. S'il fut attaqué pour ses multiples retournements sa veste, c'est aussi parce qu'en bon manager, il s'est probablement laissé convaincre de changer d'avis. Mais en politique internationale, ce trait de personnalité dégénère vite en indécision critique. Romney a été incapable de définir une ligne de conduite et de s'y tenir dans cette campagne.

A défaut de fond, la méthode de sa politique est simple: recruter les meilleurs. Mais en ouvrant la porte aux "meilleurs", il s'expose à recruter des intelligences aussi vives que machiavéliques. Ce que Dick Cheney fut à George W. Bush. Et ce que David Addington, homme qualifié de "sublimement brillant" et créateur des subterfuges légaux de la "guerre contre le terrorisme" (détention illimitée, torture, contournement des accords de Genève), fut à Dick Cheney.

Le reste du monde peut s'inquiéter de Mitt le manager, ballotté entre doctrine douce et doctrine dure, sans convictions profondes et sans cap fixé dès maintenant. Le pragmatisme du manager dans le secteur privé est un idéalisme en géopolitique. Ce sont loin d'être deux environnements similaires. La flexibilité qu'il réserve à sa politique internationale constitue un problème de responsabilité vis-à-vis du monde. Sa certitude de pouvoir résoudre les problèmes par la méthode n'empêche en rien leur prolifération. L'avenir du monde sous la coupe républicaine reste donc plus que flou. Il est très problématique.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.