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Payer un extra pour avoir du lait de vache dans son latte

Je serai bien la première à faire de la pub pour le premier café devant lequel je verrai un panneau indiquant: «Gros problèmes d'eau. Les latte seront désormais servis avec du lait de soya.»
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La dernière fois que je suis allée en Californie, j'ai remarqué que la plupart des cafés avaient des panneaux qui disaient: «Gros problèmes d'eau. Eau servie sur demande.» J'ai d'abord été impressionnée: le problème de la sécheresse en Californie est grave.

Le fait que les restaurants fassent leur part est, à l'évidence, quelque chose positif. Mais ils pourraient faire beaucoup mieux en remplaçant le lait de vache par du lait de soya ou même en annulant le supplément de 50 cents sur les laits végétaux. Au cours des dix dernières années, de nombreux cafés indépendants et même certaines chaînes se sont engagés à proposer du café «responsable» en ne s'approvisionnant plus qu'auprès du «commerce équitable». L'étape suivante de leur engagement pour plus de justice sociale, c'est de remplacer le lait de vache par une alternative végétale.

Le véritable coût du lait de vache

Les chiffres parlent d'eux-mêmes lorsqu'on compare la quantité d'eau nécessaire pour produire du lait de soya et du lait de vache. La production d'un litre de lait de vache nécessite près de trois fois plus d'eau que celle d'un litre de lait de soya: 1050 litres, contre 297 litres, selon une étude néerlandaise parue en 2012.

La substitution du lait de vache par du lait de soya ne serait pas seulement une bonne chose pour les économies d'eau, ce serait aussi efficace pour réduire des émissions des gaz à effet de serre. Une analyse récente de ces émissions de GES en cause dans la fabrication des produits de consommation britanniques démontrait que l'importante empreinte écologique des produits laitiers justifierait à elle seule de conseiller le remplacement du lait de vache par le lait de soya.

Tout ce que nous entendons depuis des années sur l'impact environnemental de la production de viande de bœuf s'applique aussi aux vaches laitières: elles aussi réclament de grands espaces de terres arables fertiles et une importante quantité d'énergie pour être nourries. Elles produisent également une quantité importante de déjections, ce qui en fait un des principaux émetteurs de méthane. On peut rétorquer que produire du lait consomme légèrement moins d'énergie que d'élever du bétail pour sa viande parce que chaque animal vit plus longtemps - ce qui implique que les ressources pour le faire grandir sont investies de façon plus durable - mais ça ne sera jamais aussi écofriendly que de faire pousser des céréales.

En 2006, le Dr David Pimentel de l'Université Cornell a estimé qu'il fallait 14 calories d'énergies fossiles pour produire une calorie de lait dans une ferme industrielle. Le lait biologique nécessite quant à lui 10 calories d'énergies fossiles par calorie de lait produite. L'étude de Pimentel prouve qu'en comparaison, entre 0,26 et 0,31 calorie d'énergie fossile est employée dans la fabrication d'une calorie de soya. Près de 34% des calories contenues dans le soya proviennent de ses protéines, ce qui rend la production de protéines de soya incontestablement plus efficace que celle de protéines animales.

Malgré ses impressionnantes qualités environnementales, le soya est toutefois loin d'être la protéine chouchou des mouvements écolos. L'écrasante majorité du soya produite est en effet génétiquement modifiée, et il est de notoriété publique que la monoculture du soya a eu des conséquences dévastatrices sur la forêt vierge amazonienne. Tout ça est vrai, mais si on regarde de près, on se rend compte que 85% des récoltes de soya dans le monde sont transformées en viande ou en huile végétale utilisée dans l'alimentation du bétail. La bonne nouvelle, c'est que le soya destiné à la consommation humaine (pour des produits comme le tofu, le tempeh ou le lait de soya) est essentiellement issu de cultures bio ou non génétiquement modifiées.

Un bon choix pour la santé

Boire des latte au soya plutôt que des latte «normaux» n'est pas seulement un choix cohérent du point de vue de l'environnement. C'est aussi valable du point de vue de la santé. Les produits laitiers contiennent des hormones, des allergènes, du lactose, des graisses saturées, du cholestérol et des pesticides, chacun lié à différents problèmes de santé. Les éleveurs nous ont longtemps répété qu'il fallait consommer autant de produits laitiers que possible, mais les chercheurs d'Harvard sont très clairs à ce sujet: «Il y a peu voire aucune preuve que la consommation de produits laitiers empêche l'ostéoporose ou les fractures; des éléments considérables permettent en revanche d'affirmer qu'une consommation élevée de produits laitiers est directement reliée à l'augmentation du risque de cancers de la prostate et même des ovaires.»

Il est d'ailleurs important de souligner qu'environ 75% de la population mondiale, dont 25% aux États-Unis et au Canada, est intolérante au lactose.

Si la controverse fait rage au sujet des effets de la consommation de soya sur la santé, la plupart des articles qui condamnent le soya ont tous la même origine, la Weston A. Price Foundation - un organisme connu pour avoir longtemps encouragé la consommation de lait cru et de graisses animales. Pendant ce temps-là, d'importants organismes de lutte contre le cancer, comme l'American Cancer Society et l'American Institute for Cancer Research, s'entendent pour dire qu'un régime composé de deux à trois repas quotidiens à base d'aliments issus du soya est parfaitement sûr, et sain. Aucune étude sérieuse n'a jamais rattaché la consommation de soya aux problèmes de fertilité, ni à aucune forme de dysfonctionnements de la thyroïde chez les adultes en bonne santé, même après des années de consommation régulière.

Le choix par défaut

Vu le prix du lait de vache, on peut être surpris de voir que la plupart des cafés continuent de réclamer un supplément pour les alternatives. Tim Hortons et McDonald's n'en proposent même pas dans la plupart de leurs restaurants, ce qui reste décourageant quand on connait les engagements écologiques annoncés par ces corporations. Lorsqu'on connait les faits, n'offrir que du lait de vache ou vendre ses alternatives plus cher revient à ne vendre que de l'essence avec plomb lorsqu'une alternative beaucoup plus écologique est facilement accessible. De la même manière que nous avons fait de l'essence sans-plomb l'option principale des stations essence, les laits végétaux devraient devenir le choix par défaut dans les cafés et les restaurants.

Ce sont ceux qui souhaitent s'en tenir à l'alternative antiécologique qu'est le lait de vache qui devraient avoir à payer un supplément, pas l'inverse. On a été suffisamment courageux pour enlever les verres d'eau des tables dans les cafés - nous avons désormais le devoir d'accomplir le geste, encore plus lourd de conséquences, qui consistera à passer du lait de vache au lait végétal. Et je serai bien la première à faire de la pub pour le premier café devant lequel je verrai un panneau indiquant: «Gros problèmes d'eau. Les latte seront désormais servis avec du lait de soya.»

L'original de ce texte est paru en anglais dans le Huffington Post Canada.

Traduction : Camille Brunel

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