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«Il suffit que le proprio apprenne que j'ai un chien pour que mon monde s'effondre»

La Belgique, la France et l'Ontario ont statué que les clauses interdisant les animaux dans les baux résidentiels étaient déraisonnables et injustes.
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Marie-Claude (nom fictif) habite le genre d'appartement qui fait des envieux sur Instagram. Grand, lumineux, bien décoré, avec en prime un loyer raisonnable, une terrasse et un proprio souriant. Tout va bien pour Marie-Claude côté logement, sauf un truc. C'est loin. Pas du marché Jean-Talon ni du métro, mais de sa mère gravement malade dont l'état de santé nécessite des soins quotidiens. Il y a quelques mois, Marie-Claude a pris tout ce qu'elle avait de courage et d'amour et elle a laissé cet appart' derrière elle pour emménager à trois portes de sa mère. Déménager, c'est dur. Imaginez en plus que vous savez d'avance que ce sera forcément moins bien.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, Marie-Claude a un autre problème: Lacan (nom fictif), un chien qui partage sa vie depuis une dizaine d'années. Des apparts qui acceptent les chiens, c'est rare. Déchirée entre son compagnon et sa mère, elle a signé un bail dans lequel les animaux sont interdits et, comme bien d'autres, elle a tout de même emménagé avec son vieux golden retriever. «L'interdiction de chien était bien indiquée mais étant donné que je me porte garante du comportement de mon chien et que le proprio semblait sympa, je me suis dit que ce ne serait pas un problème. Ma situation était exceptionnelle.»

Aujourd'hui, Marie-Claude vit dans un stress constant. Bien que son chien soit tranquille et passe complètement inaperçu, elle se retrouve dans une position délicate. Elle craint que son voisin (qu'elle qualifie de désagréable, harcelant et apeurant) ne la dénonce à la propriétaire: «il suffit qu'il se plaigne au proprio que "j'ai un chien" pour que mon monde s'effondre. J'ai peur.»

Contre les clauses interdisant les animaux

Les choix de Marie-Claude sont limités. Selon la Régie du logement, seulement 3% des propriétaires acceptent les chiens. Autant dire qu'il est pratiquement impossible de trouver un appart lorsqu'on a un animal, une situation encore pire pour les personnes à faible revenu.

La question refait surface à chaque année dans le temps des déménagements. Période de slow news oblige, on rapporte des dizaines d'animaux abandonnés parmi les veilles télé 27 pouces et les futons. Les cages de la SPCA débordent, les bénévoles témoignent de leur découragement.

Tout le monde s'entend pour dire que la situation est problématique, à condamner ces «sans cœur» qui abandonnent leur animal. Pourtant, culpabiliser les gardiens fautifs ne suffit pas. Ils sont souvent eux aussi victimes d'une loi obsolète qui pénalise les personnes les plus vulnérables en permettant aux propriétaires d'interdire les animaux.

Confrontées à un problème similaire, la France, la Belgique et nos voisins ontariens ont statué que les clauses interdisant les animaux dans les baux résidentiels étaient déraisonnables et injustes.

La situation ne peut pas évoluer sans changement législatif. Quel propriétaire va «prendre un risque», même s'il est minime, en acceptant des animaux alors que la loi lui permet de les interdire?

Mesurer le risque

Si vous demandez à un propriétaire pourquoi il interdit les animaux, sa réponse devrait ressembler à celle-ci: «Je ne veux pas avoir de trouble. La seule présence d'un animal augmente le risque de problème».

Pourtant, quand on y pense, il est difficile de justifier une interdiction totale des animaux dans un logement uniquement à partir d'hypothèses. «Ce serait comme interdire aux locataires d'allumer des bougies dans leur appartement à cause du risque d'incendie, ou refuser de louer un logement à un couple qui a un nouveau-né par crainte que les pleurs du bébé ne causent une nuisance», souligne Alanna Devine, directrice de la défense des animaux à la SPCA de Montréal.

Évidemment, tout dépend du comportement de l'animal et de la capacité du gardien de l'animal d'agir de manière responsable. Et si l'animal cause des dommages et dérange les autres? La loi prévoit déjà des recours. Madame Devine, qui est aussi avocate, rappelle que «peu importe que les animaux soient permis ou interdits dans un logement, le locataire qui y réside est légalement obligé de conserver ce logement propre et en bon état.» Dans les faits, le propriétaire peut poursuivre un locataire qui aurait endommagé l'appartement et réclamer une compensation.

À l'Assemblée nationale d'agir

La clause interdisant la possession d'un animal favorise injustement les propriétaires en leur permettant de pénaliser tous les gardiens d'animaux qui sont à la recherche d'un logement locatif abordable, peu importe la façon dont leurs animaux se comportent. La situation affecte de façon plus marquée les familles à faible revenu qui ont des options plus limitées pour se loger. Des personnes comme Marie-Claude, déchirée entre sa mère malade et Lacan qu'elle considère comme son meilleur ami, qui vivent avec la crainte constante de devoir choisir entre les deux.

Il est urgent que le Québec suive l'exemple de la France, de la Belgique et de l'Ontario et abroge cette clause discriminante. Une pétition a été lancée sur le site de l'Assemblée nationale demandant au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire de rendre nulle et sans effet toute clause de bail résidentiel interdisant la possession d'un animal de compagnie.

Pour ajouter son nom à ceux des 20 000 signataires, c'est par ici.

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