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Option nationale: ce dont je me souviendrai

Je souhaite tout le courage et la résilience nécessaires à ceux qui s'acharneront à maintenir la voile dressée. Nous ne serons jamais trop à militer sincèrement pour l'indépendance du Québec. Et, faut-il le rappeler, le chemin vers l'indépendance n'en aura jamais été un linéaire ni simple.
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2011

Vous souvenez-vous d'une défaite, un certain 2 mai 2011? Une peine d'amour politique crève-cœur pour plusieurs d'entre nous. Ça devait ressembler à ces lendemains de référendums perdus, où on dévisage nos pairs, en cherchant du regard ceux qui ont laissé tomber notre cause.

Vous souvenez-vous de juin 2011, lorsque l'ambiance était à la cassure? Une période où on sentait le vase déborder, où le collier étrangleur commençait pour plusieurs à devenir insupportable. Je me souviens de quelques démissions de députés à la télévision. On sentait bien le vent tourner.

Je me souviens d'un café à la maison, avec un des démissionnaires du Parti québécois. Un dimanche matin d'automne, où, entre déçus, on refaisait des plans de victoire. On s'est couché ce soir-là le cœur vibrant et la tête pleine d'espoir d'indépendance. On était fébriles.

Nous sommes quelques-uns à nous souvenir des rencontres «privées» l'automne dans les cafés, les salles de l'UQAM, une trentaine de jeunes réunis presque clandestinement pour bâtir un nouveau monde à partir de rien du tout. On apprenait timidement à se connaître, sachant que nous allions partager ensemble, bientôt, de grands moments de notre existence.

Je me souviens de ce projet qui n'avait encore à l'époque ni couleur, ni logo, ni même de nom. On en a fait, du chemin.

2012

Vous souvenez-vous, chers militants, de cette année folle où ce nouveau parti s'est bâti? On se sentait comme dans les années 1970, enfin, comme on me les a contées. Dans ces années où le Québec et le mouvement souverainiste restaient à construire. Ces années où on a décidé que «c'en était assez», qu'enfin le peuple allait reprendre ce à quoi il avait droit: des mesures sociales progressistes, des institutions plus démocratiques et, le plus important, son indépendance. Que d'espoir à l'horizon.

Je me souviens d'un déploiement national en 2012, où des militants, sans même se connaître, se relayaient pour cette difficile tâche qu'était celle de défricher de nouveaux terrains. Nous nous étions donné la mission ardue, mais nécessaire, de rebâtir les ponts, de reprendre le dialogue entre nous et notamment les anglophones, les communautés culturelles, les autochtones et finalement tous ceux qui avaient remisé le projet depuis trop longtemps. Je me rappelle l'énergie, la fougue qui s'emparait de nous, juste à l'idée qu'enfin nous nous remettions à la tâche.

Vous souvenez-vous de l'élection de 2012? Je me souviens avoir eu les genoux dans la boue, sous la pluie, entourée de militants des plus exceptionnels, à percer des milliers de pancartes électorales «à la mitaine» pour tout le Québec, dans une cour de Villeray. Je me souviens très bien l'espace d'un moment m'être demandé: «Bordel, qu'est-ce que je fais là?» Même s'il y a eu des périodes plus difficiles, la réponse était toute simple: nous avions l'espoir et la confiance. Deux éléments nécessaires à toute lutte, deux éléments incontournables à notre projet d'indépendance.

2013

Puis je me souviens que les choses se sont mises à se gâter. Je me souviens d'une nouvelle direction du parti, qui tranquillement s'enlisait dans le confort de l'unilatéralisme. Je me souviens que nous avons été quelques-uns à nous battre contre une centralisation qui s'accentuait à vue d'œil. Je me souviens que nous nous sommes levés pour protéger une démocratie de parti prometteuse qui pourtant s'effritait dans un consentement tacite d'indifférence ou d'ignorance. Certains se souviennent sans doute aussi que la question politique semblait n'appartenir plus qu'à un seul. Je me rappelle m'être mis plus d'un ami à dos, à force d'être en état de lutte constante.

Je me souviens d'un congrès où plusieurs se sont sentis trahis, par le chef, mais par des comparses aussi qui, peut-être inconsciemment, ont mis à mal l'idéal que nous avions choisi d'atteindre au départ. Je me souviens encore vivement de combien je suis restée marquée de voir 1000 personnes dans une salle se laisser convaincre que les irrégularités flagrantes sur le plan des procédures, que la rétention d'information injustifiée, notamment au sujet des finances et des embauches, que les problèmes évidents de communication, que les «coupures» dans les instances démocratiques, notamment celles en région, représentaient ce que nous avions en tête de bâtir, à peine quelques mois plus tôt. Notre projet de départ avait soudainement un tout autre visage...

Nous serons plusieurs à nous souvenir d'avoir quitté ce dernier congrès déçus, fâchés, comme abandonnés dans ce projet qui, si je me souviens bien, était d'abord le nôtre. Je me souviens aussi qu'on nous enfonçait dans la gorge l'argument de la réussite médiatique, pour amoindrir l'échec démocratique qui venait de se dérouler sous nos yeux. Je me souviens qu'à ce moment-là, c'en était fini pour moi. Le cœur n'y était plus.

Aujourd'hui, nous perdons un leader du mouvement souverainiste. J'ignore ce qui c'est passé fondamentalement. Peut-être y a-t-il des risques à allumer des feux... La Boétie disait: «Car le feu qui me brûle est celui qui m'éclaire.»

Et que dire de toute une permanence qui démissionne en bloc, qui lâche le volant en même temps que le chef? Présage on ne peut plus sombre.

Le billet se poursuit après la galerie

Demain

Si on l'a oublié trop longtemps à mon sens, il faut impérativement se souvenir en ces temps de brouillard qu'il y a actuellement une force vive de 8000 personnes cherchant à mettre l'épaule à la roue pour faire de ce Québec un endroit meilleur et pour faire un pays, bien sûr.

Il faudra bien du courage, beaucoup de temps, beaucoup de patience, mais surtout, une organisation solide et expérimentée, connaissant les rouages de la politique, pour poser les bases solides d'un petit parti qui aspire à jouer dans la cour des grands. Encore une fois, peut-être fallait-il rebrousser chemin pour retrouver notre route.

Je souhaite tout le courage et la résilience nécessaires à ceux qui s'acharneront à maintenir la voile dressée. Nous ne serons jamais trop à militer sincèrement pour l'indépendance du Québec. Et, faut-il le rappeler, le chemin vers l'indépendance n'en aura jamais été un linéaire ni simple.

«Nous reviendrons et nous aurons à dos le passé, et à force de porter en haine toutes nos servitudes, nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir.» - Gaston Miron

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