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Fatiha, brûlée vive devant l'indifférence d'une administration hostile

Une séquence vidéo, terrible et malheureusement devenue habituelle, d'une personne immolée par le feu... C'est celle de Fatiha, la cinquantaine, vendeuse ambulante devant les portes d'un marché populaire au nord de la capitale du Maroc.
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Une séquence vidéo, terrible et malheureusement devenue habituelle, d'une personne immolée par le feu, se débattant au milieu des flammes, tombant par terre et succombant ensuite à ses brûlures profondes et étendues. C'est celle de Fatiha, la cinquantaine, vendeuse ambulante devant les portes d'un marché populaire dans la petite ville de Kénitra au nord de la capitale du Maroc.

Marchandise confisquée, giflée et malmenée par les sbires de «l'autorité locale», elle n'a pas trouvé l'espace habituel d'encaissement, ni suffisamment de foi pour digérer cette énième humiliation. Elle s'est dirigée ensuite vers une droguerie, a acheté un liquide inflammable et s'est immolée devant les regards des autorités réfugiées dans leur local. Pire, l'un d'entre eux, d'où provient la séquence qui enflamme à son tour les réseaux sociaux, la filmait jusqu'à ce que le feu eu raison du corps de la défunte. Aucune personne n'a accouru pour éteindre les flammes, on voit juste un adolescent qui tente de retirer les habits enflammés.

Fatiha a été ensuite transférée à l'hôpital local, puis au CHU de Casablanca pour succomber enfin à ses brûlures après 48 heures. Bien évidemment, elle a payé de l'inefficacité du système de soins public, qui demeure défaillant. Les urgences de Kénitra, voire même de Casablanca, n'ont connu aucune amélioration notable sous le règne finissant de l'actuel ministre de la Santé, lui-même réanimateur et chef de service des urgences de Casablanca.

Ce fâcheux évènement, qui nous rappelle un autre pas si loin en Tunisie en décembre 2010, met en évidence l'injustice sociale que subissent les plus modestes d'entre nous. Non seulement les États en faillite ne peuvent pas fournir à de larges couches de la population le strict minimum pour une vie digne. On les combat et on les humilie là où ils se présentent. Surtout quand ils ont affaire aux agents de l'État.

Ces agents qui viennent souvent du petit peuple et qui une fois admis de l'autre côté de la barrière deviennent les plus féroces exécutants d'un ordre établi écrasant. Ni justice, ni libertés. Le ministre de la Justice et des libertés devrait en principe avoir des insomnies puisqu'il n'a effectué aucun changement palpable pendant son mandat finissant, trahissant les principes que lui et son parti, islamiste light, avaient brandis avant de passer eux aussi de l'autre côté de la barrière.

Considérer le peuple comme un ennemi et l'humilier est une façon de gouverner. Mais aucune personne douée d'un bon sens ne peut cautionner cette façon machiavélique de gouvernance, surtout en ces temps de communication et puissance populaire. L'humain aime la justice, c'est un besoin inné, la compassion et l'amour sont un degré supérieur qui permettent une cohésion sociale. Il aspire à de véritables changements, pas seulement à des slogans et des faux semblants antalgiques et populistes, qui se dilapident sur l'autel des vérités crues du quotidien.

La misère est peut-être plus supportable au soleil, alors de grâce laissez aux pauvres au moins cette rue où le soleil caressant est encore accessible et gratuit. Laissez les gens se solidariser entre eux, et les pauvres aider d'autres pauvres en leur permettant de vendre leurs petites marchandises à prix convenables. C'est une question de survie. Sinon, que voulez-vous que cette bonne femme fasse à son âge sans aucune aide notable. Mendier, devenir une diseuse de bonne aventure ou peut-être pousser sa fille à se prostituer!

Vouloir assainir, parce que ces petites gens en vendant devant les mosquées et sur les trottoirs échappent aux impôts, est un non-sens. D'autant plus que l'État ne fournit que des services boiteux et une administration hostile, agressive et corrompue. Un pays n'est pas fait que de devoirs, mais aussi de droits.

Assainir, c'est commencer par de grands chantiers qui apporteront des milliards à l'État. Mais ceux-là, on n'ose pas y toucher à cause des lobbies imbriqués des uns et des autres.

On ne fait presque rien pour le petit peuple, pire, on l'écrase toujours un peu plus.

Mais, un jour à force de lui diminuer sa foi, qui lui a toujours permis d'encaisser les injustices, il explosera et là, comme un tsunami, plus aucune réparation vraie ou fausse ne sera possible. Et comme on le sait bien, le tsunami ne différencie pas entre le bidonville et le béton, même armé!

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le HuffPost Maghreb.

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Mai 2017

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