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Les contresens de l’industrie alimentaire

L’heure est venue de demander si, en tant que nation, nous devons continuer de laisser les agences de publicité de cette industrie influencer les préférences et les choix alimentaires de nos enfants.
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Ce que les décideurs ne doivent pas oublier est que l'industrie alimentaire n'est ni une amie ni une ennemie. S
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Ce que les décideurs ne doivent pas oublier est que l'industrie alimentaire n'est ni une amie ni une ennemie. S

Il n'y a aucun doute que l'environnement alimentaire a une influence sur ce que mangent les gens, et que la publicité par l'industrie alimentaire en fait partie. Les enfants au pays souffrent maintenant de maladies chroniques qui n'étaient observées que chez les adultes lorsque j'étudiais en médecine, il y a quelques dizaines années.

Depuis, le régime alimentaire moyen a beaucoup changé. Des travaux de recherche publiés en décembre révèlent que plus de la moitié des calories que consomment nos enfants proviennent d'aliments ultra-transformés, et que cette proportion atteint presque 60 % chez les enfants de 9 à 13 ans. Selon l'auteur de l'étude, ces aliments sont conçus pour écarter les autres groupes alimentaires. Leur image est étudiée et ils sont présentés dans un emballage attrayant, en plus de faire l'objet de publicité qui vise particulièrement les enfants.

Le sucre de notre alimentation provient en majeure partie des boissons sucrées, et ce sont les jeunes qui en consomment le plus : l'adolescent moyen boit 578 ml de boissons sucrées chaque jour, soit l'équivalent d'une baignoire par an.

Il n'est pas surprenant que les annonceurs qui visent les enfants tentent de tirer profit de cette métamorphose alimentaire. Les dessins animés du samedi matin, ce n'était que le début; aujourd'hui, la publicité destinée aux enfants est lucrative et recherchée. Elle est partout, et elle fonctionne. C'est pour cette raison que l'industrie alimentaire dépense littéralement des milliards de dollars chaque année dans cette publicité. Leurs actionnaires n'y voient aucun inconvénient : cette dernière fonctionne.

L'heure est venue de demander si, en tant que nation, nous devons continuer de laisser les agences de publicité de cette industrie influencer les préférences et les choix alimentaires de nos enfants.

L'heure est venue de demander si, en tant que nation, nous devons continuer de laisser les agences de publicité de cette industrie influencer les préférences et les choix alimentaires de nos enfants.

À la fin de septembre, le Sénat a adopté le projet de loi S-228, la Loi sur la protection de la santé des enfants, qui vise à interdire la publicité de boissons et aliments à faible valeur nutritive s'adressant aux enfants. Ce projet de loi, parrainé par la sénatrice conservatrice Nancy Greene Raine, a fait l'objet de débats pour la première fois le 12 décembre à la Chambre des communes, qui y a apporté certaines modifications. Comme l'industrie alimentaire ne manquera pas de lutter contre l'adoption du projet de loi par cette assemblée, il semble utile d'examiner les arguments trompeurs que ce secteur a déjà utilisés ou qu'il utilisera dans ses communications pour s'opposer aux mesures législatives qui sont contre ses intérêts.

Contresens : Les taux d'obésité sont en baisse; il n'est donc pas nécessaire d'avoir recours à une loi.

Faits : Même s'il est vrai, selon les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, qu'il y a eu une légère baisse des taux d'obésité infantile, il n'en reste pas moins qu'en 2015, 30,9 % des jeunes de 5 à 17 ans faisaient de l'embonpoint (34,3 % en 2004), ce qui n'a rien de réjouissant. Et le poids n'est pas la seule préoccupation. Il y a d'autres maladies liées à l'alimentation que l'obésité, et les enfants, quel que soit leur poids, profitent d'une saine alimentation.

Contresens : La loi proposée fera disparaître de nombreux programmes sportifs pour les enfants et l'effet sera particulièrement marqué sur les familles moins nanties.

Faits : Même si la commandite et le financement des activités sportives pour les jeunes du pays par des entreprises du secteur de la malbouffe ne sont pas le seul soutien possible, la ministre de la Santé a clairement fait savoir que les mesures réglementaires du projet de loi excluraient les commandites sportives chez les enfants.

Contresens : Le vrai problème est que les enfants ne font pas assez d'activité physique.

Faits : Même si le niveau d'activité physique est essentiel pour une bonne santé, des études qui ont procédé à des mesures objectives du phénomène ont conclu que même lorsque ce niveau décuple, les enfants ne sont pas protégés contre l'obésité. Un adolescent devrait courir 50 minutes ou marcher huit kilomètres pour brûler les calories d'une seule bouteille de 20 onces de boisson gazeuse, de boisson pour sportifs ou de jus de fruits.

Contresens : Interdire la publicité ciblant les enfants ne viendra pas à bout de l'épidémie d'obésité.

Faits : Personne n'affirme que la loi à elle seule permettra d'atteindre cet objectif. Il n'y a pas de solutions simples et uniques à des problèmes complexes. Il faut des stratégies à plusieurs volets, comme l'ensemble des mesures qui ont permis de réduire les taux de tabagisme au pays. L'interdiction de la publicité de boissons et aliments à faible valeur nutritive ciblant les enfants n'est qu'un des volets d'un combat plus vaste.

Contresens : Il n'y a aucune preuve d'un lien entre la publicité d'aliments et l'obésité infantile.

Faits : Plusieurs revues systématiques ont montré qu'il y a un lien entre la publicité de boissons et aliments, et l'obésité infantile ainsi que l'apport, les préférences et les demandes alimentaires des enfants. L'Organisation mondiale de la Santé appuie cette théorie.

Contresens : Les lois qui interdisent la publicité s'adressant aux enfants n'ont pas fonctionné, même au Québec.

Faits : Même si le lien causal est inconnu et difficile à mesurer, les jeunes Québécois de 5 à 17 ans, protégés depuis 1980 par une loi qui interdit la publicité les ciblant, ont le plus faible taux d'obésité au pays dans leur groupe d'âge. Le Québec a également la consommation la plus élevée de légumes et fruits.

Contresens : Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à une loi, car l'autoréglementation de l'industrie fonctionne bien et la publicité ciblant les enfants est plus rare qu'autrefois.

Faits : En moyenne, les enfants au pays regardent la télévision deux heures par jour et voient quatre à cinq publicités d'aliments et de boissons par heure. Cependant, l'Internet est l'endroit où l'activité publicitaire est la plus intensive. Dans le cadre d'une étude sur les 10 sites Web les plus consultés par les enfants et les adolescents, les chercheurs ont constaté que ces sites ont collectivement présenté l'incroyable total de 27,5 millions de publicités d'aliments et de boissons ciblant les jeunes de 2 à 17 ans. Les produits faisant le plus de publicité étaient les marques Pop Tarts, Frosted Flakes, Joyeux festin, Lunchables et Red Bull.

Ce que les décideurs ne doivent pas oublier est que l'industrie alimentaire n'est ni une amie ni une ennemie. Sans intentions malveillantes, ces entreprises ont comme mission principale de protéger leurs profits, et non de protéger la santé publique. Espérons que notre gouvernement sera en mesure de saisir cette vérité élémentaire, car lorsqu'il s'agit de la santé de nos enfants, on ne peut faire confiance à l'industrie alimentaire.

Avril 2018

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