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Une Justice trop lente

La qualité première d'un ministre de la Justice est de rassurer la population en expliquant que justice sera bel et bien rendue. Les réponses préfabriquées et technocratiques de Stéphanie Vallée font tout le contraire.
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Le premier ministre Philippe Couillard a pris à bras-le-corps le dossier des délais devant les cours de justice, assurant qu'il en faisait une priorité.

Il était temps, direz-vous, quand on apprend que 222 procès criminels pourraient avorter car on mis trop de temps à les instruire. Quel gâchis.

À l'Assemblée nationale, c'est lui qui a pris la question sur cette affaire et non la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Visiblement, on cherche en haut lieu à étouffer cette crise qui pourrait emporter la ministre en question lors d'un prochain remaniement.

La qualité première d'un ministre de la Justice est de rassurer la population en expliquant que justice sera bel et bien rendue. Les réponses préfabriquées et technocratiques de Stéphanie Vallée font tout le contraire.

Le chef de l'opposition officielle, Jean-François Lisée, a raison quand il affirme qu'on «atteint le point de rupture» dans la confiance du public.

On fait porter à l'arrêt Jordan, rendu en juillet dernier, une bonne partie du blâme des procès qui pourraient avorter.

La Cour suprême a, dans les faits, établi des balises pour les «délais raisonnables». 18 mois pour un procès en Cour du Québec, 30 mois en Cour supérieure. Manière de botter le cul de notre système.

La conséquence, c'est que les demandes en arrêt de procédure ont explosé et que des Hell's Angels, notamment, ont pris la clé des champs. L'avocat du conducteur du train de Lac-Mégantic, Tom Harding, veut qu'on libère son client. La crise a pris une tournure politique avec l'abandon du procès contre Luigi Coretti et la possibilité que l'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, échappe au bras de la Justice.(on sait maintenant qu'il va plaider coupable).

Mais voilà tout cela n'est pas tout nouveau. En janvier, La Presse a publié un dossier percutant qui évoquait le fait que notre Justice se dirigeait dans un mur.

La juge en chef adjointe de la Cour du Québec, Danielle Côté, y mentionnait que les délais l'empêchaient de dormir la nuit. À Montréal, un accusé en liberté devait attendre 23 mois avant d'obtenir un procès... 5 mois de plus qu'en 2014.

On y citait le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier: «Je vais vous résumer la crise que l'on traverse maintenant: il faut ajouter des effectifs sur le banc, trouver des bancs pour les asseoir et trouver des greffiers pour les assister».

Le coordonateur pour la région de Montréal, Marc David, a fixé des procès jusqu'en 2019, soit 3 ans d'attente pour victimes et accusés. Au Québec, il faut 238 jours en moyenne pour rendre justice, 123 dans le reste du Canada.

Les causes de cette lenteur institutionnelle sont multiples et ont été identifiées: tactiques employées par la défense pour gagner du temps, multiplication des reports, manque de fermeté des juges, horaires fonctionnarisés.... et budgets insuffisants. L'opposition souligne que le budget de la division criminelle du ministère a été amputé de 24 millions $ depuis 2 ans.

Au printemps dernier, la ministre Stéphanie Vallée a réuni tous les acteurs et arrêté un plan d'action. Le quart des recommandations auraient été mises en vigueur depuis.

L'avortement anticipé de centaines de procès criminels démontre qu'on n'a pas réussi à accélérer le rythme de la machine.

Québec songe à recourir à la clause dérogatoire (nonobstant) pour sauver ses procès. C'est peut-être inévitable, mais bigrement gênant: le Québec incapable de rendre justice dans des délais raisonnables. Le recours à cette soupape n'aurait pas de portée politique, mais juridique. Néanmoins, ce serait un terrible aveu d'échec.

Pendant que la ministre de la Justice consacrait ses énergies au projet de loi 62 sur la neutralité religieuse (le port du tchador), le feu continuait de couver dans l'administration des procès criminels.

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Mai 2017

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