Avec son Projet Saint-Laurent, la Coalition Avenir Québec croit avoir trouvé le thème qui dominera les prochains mois et même la prochaine campagne électorale.
L'équivalent dans l'imaginaire québécois de la Baie-James de Robert Bourassa ou du Plan Nord de Jean Charest. Le chef de la CAQ a profité du premier conseil général de son parti depuis l'élection du 4 septembre, conseil tenu à Boucherville, pour lancer ce qu'il désigne comme une «corvée nationale» articulée autour du Majestueux.
Le fleuve serait dépollué et la vallée du Saint-Laurent deviendrait la Vallée de l'innovation avec un chapelet de centres de recherche.
La CAQ est entrée sur la scène politique québécoise il y a deux ans et tenu son congrès de fondation il y un an. La campagne électorale est venue bousculer les choses. Il faut se rappeler que la Coalition a, entre-temps, avalé les restes de l'ADQ et ne les avait pas encore digérés totalement avant de se lancer dans la bataille électorale.
Parti de droite, de centre-droit, du centre...difficile de lui définir une identité propre sinon celle d'un parti hésitant entre deux chaises.
En fin de semaine la CAQ a tenté de faire 3 choses: opérer une mutation, s'emparer du thème de l'économie et amener les Québécois à rêver à nouveau.
Mutation parce qu'on associe la Coalition à son idée-forte: diminuer la bureaucratie en éliminant notamment les commissions scolaires et les Agences de santé et en supprimant des milliers d'emplois à Hydro-Québec. A la CAQ, on affirme maintenant qu'on peut faire le ménage dans la fonction publique et caresser un projet ambitieux.
Le Projet Saint-Laurent présuppose un leadership, sinon un dirigisme étatique, car c'est le gouvernement qui doit donner l'impulsion pour décontaminer le fleuve et les terrains qui le bordent. Dans le cas des terrains contaminés, c'est le Québec qui devrait les acquérir, en partenariat bien sûr, et chercher à se refaire en les vendant à des industriels. Cela demeure un pari sur l'avenir.
À la CAQ on réalise qu'on ne gagne pas des élections en promettant strictement de couper partout.
«Ce n'est pas ce qui allume les gens», confiait un vétéran adéquiste.
Par ailleurs, le parti de François Legault martèle qu'il est devenu LE parti de l'économie misant sur la brèche qui semble avoir été ouverte avec l'élection de Philippe Couillard à la direction du PLQ. Selon les informations recueillies dimanche le Projet Saint-Laurent était en gestation lors de la dernière campagne électorale, mais ressemblait plus à un projet imaginé par des «pelleteux de nuages». Il est demeuré dans les cartons.
On a donc formé des groupes de travail pour le bâtir. Il reste incidemment beaucoup de questions sans réponse en terme d'investissements publics.
La Coalition prévoit y rediriger 2 des 4 milliards$ qui composent les crédits aux entreprises. Il faudra attendre à l'automne pour avoir une évaluation détaillée et chiffrée.
Dans la grande déprime politique actuelle alimentée par la Commission Charbonneau et un gouvernement Marois qui a trop promis et ne peut livrer, la CAQ estime que les Québécois ont besoin de rêver et de se mobiliser.
Rêve ou illusion, la frontière est parfois mince entre les deux mais les militants présents à Boucherville avaient la conviction de tenir quelque chose de solide et sont repartis crinqués.
Comptez sur les autres partis pour couler le Projet Saint-Laurent avant qu'il ne monopolise effectivement l'agenda politique.