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Au-delà du symbole, Lampedusa est aussi une source de perturbation émotionnelle ; une plaie ouverte dans les consciences collectives et individuelles.
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Le samedi 21 février 2016, le jury du Festival international du film de Berlin, présidé par Meryl Streep, a récompensé le nouveau documentaire de l'Italien Gianfranco Rosi, Fuocoammare. Celui-ci raconte le drame que vivent les milliers de migrants qui abordent l'île de Lampedusa dans des conditions souvent dramatiques, ainsi que le quotidien des habitants confrontés à ces arrivées massives.

Dans le contexte actuel où l'immigration prend une place prépondérante dans les jeux politiques - il suffit de suivre la campagne de Donald Trump aux États-Unis ou les décisions très disparates des différents pays européens sur le sujet pour s'en rendre compte - le drame de Lampedusa est très représentatif de l'impuissance des États à gérer le problème.

Mais au-delà du symbole, Lampedusa est aussi une source de perturbation émotionnelle ; une plaie ouverte dans les consciences collectives et individuelles. Comment se positionner face aux multiples facettes sociales, culturelles, économiques, humanitaires, éthiques, religieuses de cette boite de Pandore politique ? De fait, les avis exprimés semblent au mieux utopistes, trop technocratiques, ou trop ciblés sur certains aspects des choses ; et au pire manipulateurs ou inhumains !

Lampedusa est le résultat visible d'un dérèglement sociétal général face auquel le monde vacille entre raison et émotion dans un flux continu de sentiments contradictoires. Alors comment exprimer correctement les choses sans être naïf, dogmatique ou superficiel ? Personnellement, tout comme la Berlinale qui, par l'attribution de ce prix, affiche sa volonté d'intégrer une dimension politique à la culture, je ne vois que l'art et la poésie pour relever le défi et exprimer avec justesse et sans sembler incohérent les sentiments contradictoires de responsabilité, de culpabilité, de peur, d'indignation et d'impuissance que la situation m'inspire.

Voici donc un acrostiche à considérer comme «un article de poésie journalistique» sur ce sujet polémique et brulant de l'île de tous les drames.

LAMPEDUSA

Livrés aux flux des flots des corps morts s'échouent sur la rive,

Aberrants oripeaux de cette vie dont on les prive ;

Martyres d'une illusion, d'un rêve naïf de vie lascive.

Partir pour vivre mieux, et secourir les siens,

Éternel vœu sacré de celui qui n'a rien.

Détrousser s'il le faut pour traverser la mer ;

User âme et raison sur ce chemin amer.

Sacrifier sa fierté, accepter l'esclavage ;

Aller jusqu'à se vendre pour atteindre une plage.

Unis dans le malheur sur des radeaux de paille,

Naviguant au jugé, peur collée aux entrailles,

Enfin apercevoir le mirage de l'espoir.

Il faut encore nager, éviter la police,

Louvoyer en eau sombre vers de nouveaux supplices,

Et accepter le pire dans un silence complice.

Parée de préjugés, imbue de sa fortune,

Europe sur son taureau se masque le regard ;

Repue de tragédies, d'images inopportunes,

Défiante par défaut face à ces traits hagards.

Un monde détraqué souffre de ses excès

Et son pendant exsangue l'imagine parfait.

Être lucidité et se sentir coupable ;

Ne rien pouvoir changer et endurer sa chance ;

Taire les remords naissants par crainte des souffrances ;

Rester paralysé face à l'inacceptable ;

Et, pénétrant l'horreur, en devenir otage.

Parfois une tragédie éveille les consciences

Alors les foules s'indignent, réclament la clémence ;

Rites de l'éphémère et courroux de posture,

Annonces larmoyantes pour faire bonne figure ;

Déjà sur les manchettes d'autres drames en pâture !

Il est sombre et cruel ce temps du tout présent

Souillant jusqu'à l'image d'un cadavre d'enfant !

Enfer et paradis ne sont pas si lointains

Torture d'être celui qui ne tend pas la main.

Entends-tu la détresse toi qui partages ces rimes ?

N'es-tu pas bouleversé par ces sombres abimes ?

Face à l'in-humanisme des voi(x)es qui nous dominent

Entre aveux d'impuissance et espoirs magnanimes

Rugit un purgatoire nommé LAMPEDUSA !

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